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La rotisserie de la Reine Pedauque, by
Anatole France
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Title: La r?tisserie de la Reine Pédauque
Author: Anatole France
Release Date: March 21, 2004 [eBook #11645] [Date last updated: October 3, 2005]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
***START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LA ROTISSERIE DE LA REINE PEDAUQUE***
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LA R?TISSERIE DE LA REINE PéDAUQUE
PAR
ANATOLE FRANCE
SIXIèME éDITION
PARIS 1893
LA R?TISSERIE DE LA REINE PéDAUQUE
[Note: Le manuscrit original, d'une belle écriture du XVIIIe siècle, porte en sous-titre: _Vie et opinions de M. l'abbé Jér?me Coignard_. (NOTE DE L'éDITEUR.)]
J'ai dessein de rapporter les rencontres singulières de ma vie. Il y en a de belles et d'étranges. En les remémorant, je doute moi-même si je n'ai pas rêvé. J'ai connu un cabbaliste gascon dont je ne puis dire qu'il était sage, car il périt malheureusement, mais qui me tint, une nuit, dans l'?le aux Cygnes, des discours sublimes que j'ai eu le bonheur de retenir et le soin de mettre par écrit. Ces discours avaient trait à la magie et aux sciences occultes, dont on est aujourd'hui fort entêté. On ne parle que de Rose-Croix.* Au reste, je ne me flatte pas de tirer grand honneur de ces révélations. Les uns diront que j'ai tout inventé et que ce n'est pas la vraie doctrine; les autres que je n'ai dit que ce que tout le monde savait. J'avoue que je ne suis pas très instruit dans la cabbale, mon ma?tre ayant péri au début de mon initiation. Mais le peu que j'ai appris de son art me fait véhémentement soup?onner que tout en est illusion, abus et vanité. Il suffit, d'ailleurs, que la magie soit contraire à la religion pour que je la repousse de toutes mes forces. Néanmoins, je crois devoir m'expliquer sur un point de cette fausse science, pour qu'on ne m'y juge pas plus ignorant encore que je ne le suis. Je sais que les cabbalistes pensent généralement que les Sylphes, les Salamandres, les Elfes, les Gnomes et les Gnomides naissent avec une ame périssable comme leur corps et qu'ils acquièrent l'immortalité par leur commerce avec les mages.** Mon cabaliste enseignait, au contraire, que la vie éternelle n'est le partage d'aucune créature, soit terrestre, soit aérienne. J'ai suivi son sentiment sans prétendre m'en faire juge.
* Ceci fut écrit dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. (NOTE DE L'éDITEUR.)
** Cette opinion est soutenue notamment dans un petit livre de l'abbé Montfaucon de Villars: _Le comte de Gabalis ou Entretiens sur les sciences secrètes et mystérieuses suivant les principes des anciens mages ou sages cabbalistes._ Il y en a plusieurs éditions. Je me contenterai de signaler celle d'Amsterdam (chez Jacques Le Jeune, 1700, in-18, figures) qui contient une seconde partie, qui n'est pas dans l'édition originale. (NOTE DE L'éDITEUR.).
Il avait coutume de dire que les Elfes tuent ceux qui révèlent leurs mystères et il attribuait à la vengeance de ces esprits la mort de M. l'abbé Coignard, qui fut assassiné sur la route de Lyon. Mais je sais bien que cette mort, à jamais déplorable, eut une cause plus naturelle. Je parlerai librement des Génies de l'air et du feu. Il faut savoir courir quelques risques dans la vie, et celui des Elfes est extrêmement petit.
J'ai recueilli avec zèle les propos de mon bon ma?tre, M. l'abbé Jér?me Coignard, qui périt comme je viens de le dire. C'était un homme plein de science et de piété. S'il avait eu l'ame moins inquiète, il aurait égalé en vertu M. l'abbé Rollin, qu'il surpassait de beaucoup par l'étendue du savoir et la profondeur de l'intelligence. Il eut du moins, dans les agitations d'une vie troublée, l'avantage sur M. Rollin de ne point tomber dans le jansénisme. Car la solidité de son esprit ne se laissait point ébranler par la violence des doctrines téméraires, et je puis attester devant Dieu la pureté de sa foi. Il avait une grande connaissance du monde, acquise dans la fréquentation de toutes sortes de compagnies. Cette expérience l'aurait beaucoup servi dans les histoires romaines qu'il aurait sans doute composées, à l'exemple de M. Rollin, si le loisir et le temps ne lui eussent fait défaut, et si sa vie e?t été mieux assortie à son génie. Ce que je rapporterai d'un si excellent homme fera l'ornement de ces mémoires. Et comme Aulu-Gelle, qui conféra les plus beaux endroits des philosophes en ses Nuits attiques, comme Apulée, qui mit dans _sa Métamorphose_ les meilleures fables des Grecs,
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