La Mère de la Marquise | Page 9

Edmond About
Nous disons donc: un h?tel, une forêt et cent mille francs de rente.
[Note 46: =pourquoi je vous ferais des mystères=, why I should not be perfectly frank with you.]
[Note 47: =je n'en parle que pour mémoire=, I simply mention it, it is hardly worth counting.]
[Note 48: =me suffira pour vivre=, will be sufficient for me to live on.]
--C'est fort joli.
--Attendez! Pour des raisons très délicates et qu'il ne m'est pas permis de divulguer, il faut que ma fille épouse un marquis; on ne demande pas d'argent; on sera très coulant sur l'age, l'esprit, la figure, et tous les avantages extérieurs; ce qu'on veut, c'est un marquis avéré, de bonne souche, bien apparenté, connu de tout le faubourg, et qui puisse se présenter fièrement partout, avec sa femme et sa famille. Connaissez-vous, monsieur le baron, un marquis que vous aimiez assez pour lui souhaiter une jolie femme et cent mille livres de rente?
--Ma foi! charmante, je n'en trouverais pas deux, mais j'en connais un. Si votre fille l'accepte, elle épousera un homme que j'aime comme mon fils. Mais je vous donne beaucoup mieux que vous ne demandez.
--Vrai?
--D'abord, il est jeune: vingt-huit ans.
--C'est un détail, passons.
--Il est très beau.
--Vanité des vanités!
--Votre fille n'en dira pas autant. Il est plein d'esprit.
--Denrée inutile en ménage.
--Une instruction sérieuse: ancien élève de l'école polytechnique![49]
[Note 49: =l'école polytechnique=, see note #1.]
--Soit.
--De plus il a fait des études spéciales qui ne vous seront pas...
--C'est fort bien; mais le solide,[50] monsieur le baron!
[Note 50: =le solide=, the essential thing.]
--Ah! quant à la fortune, il répond trop exactement au programme. Ruiné de fond en comble. Il a donné sa démission[51] en sortant de l'école, parce que...
[Note 51: =Il a donné sa démission=; as was formerly the case at the U. S. Naval Academy, a graduate of the école polytechnique either enters the government service or else may resign and enter civil life.]
--Je le lui pardonne, monsieur le baron.
--La dernière fois qu'il est venu me voir, le pauvre gar?on pensait à chercher une place.
--Sa place est toute trouvée; mais dites-moi, cher baron, il est bien noble?
--Comme Charlemagne. Voilà donc ce que vous appelez le solide!
--Sans doute.
--Un de ses ancêtres a failli devenir roi d'Antioche en 1098.
--Et sa parenté?
--Tout le faubourg.
--Un nom connu?
--Comme Henri IV. C'est le marquis d'Outreville. Vous devez conna?tre cela...
--Il me semble. Outreville!... c'est un joli nom. On mettra une plaque de marbre au-dessus de la porte cochère: H?TEL D'OUTREVILLE. Mais va-t-il vouloir de ma fille?[52] une mésalliance!
[Note 52: =va-t-il vouloir de ma fille=, will he be willing to take my daughter.]
--Eh! charmante, un homme ne se mésallie pas. Je comprends qu'une fille qui s'appelle Mlle de Noailles ou Mlle de Choiseul répugne à changer de nom pour s'appeler Mme Mignolet. Mais un homme garde son nom, donc il ne perd rien. D'ailleurs, Gaston n'a pas les préjugés de sa caste. Je le verrai en sortant d'ici, et demain au plus tard je vous donnerai de ses nouvelles.[53]
[Note 53: =je vous donnerai de ses nouvelles=, I'll report to you about him.]
--Faites mieux, mon excellent baron: s'il est bien disposé, venez demain, sans fa?on, d?ner avec lui. A-t-il des papiers de famille? un arbre généalogique?
--Sans doute.
--Tachez donc qu'il les apporte!
--Y songez-vous, charmante?[54] C'est moi qui viendrai un de ces jours vous déchiffrer tout ce grimoire. à bient?t!?
[Note 54: =Y songez-vous, charmante?= are you thinking of that, my dear?]
Le baron s'achemina à petits pas vers le no 34 de la rue Saint-Beno?t. C'était une maison bourgeoise dont la principale locataire avait meublé quelques chambres pour loger les étudiants. Il monta au second étage et frappa à une petite porte numérotée. Le marquis, en veste de travail, vint lui ouvrir. C'était en effet un beau jeune homme et un mari fort désirable. Il était un peu grand, mais d'une taille si bien prise que personne ne songeait à lui reprocher quelques centimètres de trop. Ses pieds et ses mains attestaient que ses ancêtres avaient vécu sans rien faire pendant plusieurs siècles. Sa tête était magnifique: un front haut, large et couronné de cheveux noirs qui se rejetaient spontanément en arrière; des yeux bleus d'une grande douceur, mais profondément enfoncées sous des sourcils puissants; un nez fièrement arqué dont les ailes fines frémissaient à la moindre émotion, une bouche un peu large et des dents charmantes: une moustache noire, épaisse et brillante, qui encadrait de belles lèvres rouges sans les cacher; un teint à la fois brun et rose, couleur de travail et de santé. Le baron fit cet inventaire d'un coup d'oeil rapide, en serrant la main de Gaston, et il murmura en lui-même: ?Si la petite n'est pas contente du présent que je lui fais!...?
La figure du jeune marquis était ouverte, mais non pas épanouie. En l'examinant avec attention, on y aurait vu je ne sais quoi de mobile et d'inquiet,[55]
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