La Grande Marnière

Georges Ohnet
La Grande Marnière, by George
Ohnet

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Title: La Grande Marnière
Author: George Ohnet
Release Date: March 31, 2007 [EBook #20950]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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GRANDE MARNIÈRE ***

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LES BATAILLES DE LA VIE
LA GRANDE MARNIÈRE

PAR
GEORGES OHNET
CENT QUATRE-VINGT-HUITIÈME ÉDITION
PARIS
SOCIÉTÉ D'ÉDITIONS LITTÉRAIRES ET ARTISTIQUES
Librairie Paul Ollendorff
50, CHAUSSÉE D'ANTIN, 50
1907
Tous droits réservés.
IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE:
Cinq exemplaires sur papier du Japon, numérotés à la presse, 1 à 5.
Deux cents exemplaires sur papier de Hollande numérotés à la presse, 6
à 205.

LA GRANDE MARNIÈRE

I
Dans un de ces charmants chemins creux de Normandie, serpentant
entre les levées, plantées de grands arbres, qui entourent les fermes d'un
rempart de verdure impénétrable au vent et au soleil, par une belle
matinée d'été, une amazone, montée sur une jument de forme assez
médiocre, s'avançait au pas, les rênes abandonnées, rêveuse, respirant
l'air tiède, embaumé du parfum des trèfles en fleurs. Avec son chapeau
de feutre noir entouré d'un voile de gaze blanche, son costume de drap

gris fer à longue jupe, elle avait fière tournure. On eût dit une de ces
aventureuses grandes dames qui, au temps de Stofflet et de Cathelineau,
suivaient hardiment l'armée royaliste, dans les traînes du Bocage, et
éclairaient de leur sourire la sombre épopée vendéenne.
Élégante et svelte, elle se laissait aller gracieusement au mouvement de
sa monture, fouettant distraitement de sa cravache les tiges vertes des
genêts. Un lévrier d'Écosse au poil rude et rougeâtre l'accompagnait,
réglant son allure souple sur la marche lassée du cheval, et levant, de
temps en temps, vers sa maîtresse, sa tête pointue, éclairée par deux
yeux noirs qui brillaient sous des sourcils en broussailles. L'herbe
courte et grasse, qui poussait sous la voûte sombre des hêtres, étendait
devant la promeneuse un tapis moelleux comme du velours. Dans les
herbages, les vaches appesanties tendaient vers la fraîcheur du chemin
leurs mufles tourmentés par les mouches. Pas un souffle de vent
n'agitait les feuilles. Sous les feux du soleil l'air vibrait embrasé, et une
torpeur lourde pesait sur la terre.
La tête penchée sur la poitrine, absorbée, l'amazone allait, indifférente
au charme de ce chemin plein d'ombre et de silence.
Soudainement, son cheval fit un écart, pointa les oreilles, et faillit se
renverser, soufflant bruyamment, tandis que le lévrier, s'élançant en
avant, aboyait avec fureur, et montrait à un homme qui venait de sauter
dans le chemin creux une double rangée de dents aiguës et grinçantes.
L'amazone, tirée brutalement de sa méditation, rassembla les rênes,
ramena son cheval et, s'assurant sur sa selle, adressa à l'auteur de tout
ce trouble un regard plus étonné que mécontent.
--Je vous demande bien pardon, Madame, dit celui-ci d'une voix pleine
et sonore... Je me suis très maladroitement élancé en travers de votre
route... Je ne vous entendais pas arriver... Il y a plus d'une heure que je
tourne dans ces herbages sans pouvoir en sortir... Toutes les barrières
des cours sont cadenassées, et les haies sont trop hautes pour qu'on
puisse les franchir... Enfin j'ai trouvé ce petit chemin caché sous les
arbres, et, en y prenant pied, j'ai failli vous faire jeter à terre...

L'amazone sourit un peu, et son visage aux traits nobles et délicats prit
une expression enjouée et charmante:
--Rassurez-vous, Monsieur: vous n'êtes pas très coupable, et je ne
tombe pas de cheval si facilement que vous paraissez le croire...
Et comme son lévrier continuait à gronder en menaçant:
--Allons, Fox, la paix! dit-elle.
Le chien se retourna et, se mâtant sur ses pattes de derrière, posa son
museau fin sur la main de sa maîtresse. Celle-ci, tout en caressant le
lévrier, examinait son interlocuteur. C'était un homme d'une trentaine
d'années, de haute taille, au visage énergique, encadré d'une épaisse
barbe brune. Sa lèvre rasée et son teint basané lui donnaient l'air d'un
marin. Il était vêtu d'un costume complet de drap chiné, coiffé d'un
chapeau de feutre mou, et à la main il tenait une canne en bois de fer,
mieux faite pour la bataille que pour la promenade.
--Vous n'êtes pas de ce pays? demanda alors l'amazone.
--Je suis ici seulement depuis hier, dit l'étranger, sans répondre à la
question qui lui était posée... J'ai eu la fantaisie d'aller me promener ce
matin dans la campagne, et
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