La Femme Abbé, by Sylvain
Maréchal
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Title: La Femme Abbé
Author: Sylvain Maréchal
Release Date: October 20, 2007 [EBook #23098]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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ABBÉ ***
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LA FEMME ABBÉ,
ouvrage
DE SYLVAIN MARÉCHAL.
À PARIS, Chez LEDOUX, Libraire, rue Haute-feuille, No. 31.
9. 1801.
DEUX MOTS DE PRÉFACE.
Cette Correspondance écrite bien avant 1789, ne renferme rien de
surnaturel, ni de contre nature. Le lecteur, quel qu'il soit, en fermant ce
livre, ne sentira point son âme flétrie, ou péniblement affectée; il en
sera quitte, peut-être, pour quelques douces larmes.
LA FEMME ABBÉ.
LETTRE PREMIÈRE.
AGATHE À ZOÉ.
De Paris...
Ma bonne Zoé! je ne pourrai me rendre demain à ton agréable
invitation. Je suis d'une cérémonie, d'une fête. Devine de quelle espèce.
Un bal? non. Un repas d'accords? non. Un mariage? point du tout: je te
fais languir, toi qui es si vive, si curieuse, et si attachée à tout ce qui me
touche. Eh bien! je suis invitée à une première messe. Du moins, je ne
puis me dispenser d'y accompagner ma bonne maman. Comme elle
veut à peu près tout ce que je veux, tu le sais, je dois faire aussi
quelquefois les volontés de celle qui me tient lieu de mère. Je te dirai
après demain, si je me suis bien ennuyée. Plus heureuse que moi, tu
respires hors de ce vilain Paris les premières haleines du printemps.
Adieu, Zoé.
II.
AGATHE À ZOÉ.
Oh! ma toute bonne amie! que j'ai de choses à te dire! j'en ai tant que je
ne sais trop par où commencer. Écoute, ou plutôt lis-moi avec autant de
patience que j'ai de plaisir à te faire cette lettre.
D'abord, il nous fallut aller chercher cette première messe à l'autre
extrémité de Paris qui est si grand. Il y avait beaucoup de monde à cette
fête religieuse, surtout bien des femmes, et de toute parure. L'église
était pleine. Ce concours peu ordinaire me donnait à penser. Je suis un
peu entichée de ce dont je te faisais un petit reproche. Nous sommes
toutes curieuses. Je m'informai à plusieurs personnes de mon âge, de la
cause de l'empressement qu'on paraissait manifester plus que de
coutume pour le héros d'une solennité pareille. Une jeune blonde me dit
à l'oreille: «L'ecclésiastique dont vous allez entendre la première messe,
est une victime de l'amour. Il aimait éperdument une jeune personne, et
s'en croyait payé de retour. Le malheureux avait affaire à une coquette
indigne de lui; car on le dit fort bien, et de plus très-sensible, comme le
prouve l'acte de désespoir dont nous allons être les témoins.»
Ce peu de mots m'intéressa beaucoup. Je m'avançai le plus possible
vers l'autel, pour contempler la victime, et ne rien perdre du sacrifice.
Je me trouvai au second rang des femmes qui bordaient le sanctuaire.
Enfin, le cortège sortit de la sacristie, au bruit des orgues touchées par
Miroir; car on mit beaucoup d'appareil à cette fête, et ce fut une messe
haute que célébra le nouveau prêtre. Il arrive. Je le vois passer
lentement, pour parvenir aux premières marches de l'autel. Ma chère
Zoé! est-ce prévention? on dit que les femmes n'en sont que trop
susceptibles; mais jamais je ne vis, je crus du moins n'avoir jamais vu
une figure plus intéressante que celle de ce jeune lévite. Il a de plus une
taille avantageuse et bien prise, autant qu'il m'a paru sous ses ornemens
sacerdotaux. Il baissait les yeux, comme semble l'exiger le ministère
qu'il remplissait. Il ne marchait point d'un pas sûr; et ce fut bien à
propos qu'il fit une génuflexion sur le premier degré de l'autel. Il avait
besoin de rencontrer un appui à ses jambes vacillantes. L'air
d'abattement qui caractérisait toute sa personne fut remarqué de tous les
assistans, et inspira le plus vif intérêt.
La messe haute commença. Au premier Dominus vobiscum qu'il fut
obligé de prononcer, en se retournant devant nous tous, il se passa une
scène fort étrange. Il leva un instant les yeux, et les referma presque
aussitôt, en paraissant perdre connaissance. Les autres prêtres qui
l'assistaient se rapprochèrent de lui pour le soutenir; l'un d'eux vint de
mon côté pour
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