La Duchesse de Palliano | Page 5

Stendhal
pape sous le nom de Paul IV; il avait alors soixante-dix-huit ans. Ceux m?mes qui venaient de l'appeler au tr“ne de saint Pierre fr?mirent bient“t en pensant … la duret? et … la pi?t? farouche, inexorable, du ma?tre qu'ils venaient de se donner.
La nouvelle de cette nomination inattendue fit r?volution … Naples et … Palerme. En peu de jours Rome vit arriver un grand nombre de membres de l'illustre famille Carafa. Tous furent plac?s; mais comme il est naturel, le pape distingua particuli?rement ses trois neveux, fils du comte de Montorio, son fr?re.
Don Juan, l'a?n?, d?j… mari?, fut fait duc de Palliano. Ce duch?, enlev? … Marc-Antoine Colonna, auquel il appartenait, comprenait un grand nombre de villages et de petites villes. Don Carlos, le second des neveux de Sa Saintet?, ?tait chevalier de Malte et avait fait la guerre; il fut cr?? cardinal, l?gat de Bologne et premier ministre. C'?tait un homme plein de r?solution; fid?le aux traditions de sa famille, il osa ha?r le roi le plus puissant du monde (Philippe II, roi d'Espagne et des Indes), et lui donna des preuves de sa haine. Quant au troisi?me neveu du nouveau pape, don Antonio Carafa, comme il ?tait mari?, le pape le fit marquis de Montebello. Enfin, il entreprit de donner pour femme … Fran?ois, Dauphin de France et fils du roi Henri II, une fille que son fr?re avait eue d'un second mariage; Paul IV pr?tendait lui assigner pour dot le royaume de Naples, qu'on aurait enlev? … Philippe II, roi d'Espagne. La famille Carafa ha?ssait ce roi puissant, lequel, aid? des fautes de cette famille, parvint … l'exterminer, comme vous le verrez.
Depuis qu'il ?tait mont? sur le tr“ne de saint Pierre, le plus puissant du monde, et qui, … cette ?poque, ?clipsait m?me l'illustre monarque des Espagnes, Paul IV, ainsi qu'on l'a vu chez la plupart de ses successeurs, donnait l'exemple de toutes les vertus. Ce fut un grand pape et un grand saint; il s'appliquait … r?former les abus dans l'Eglise et … ?loigner par ce moyen le concile g?n?ral, qu'on demandait de toutes parts … la cour de Rome, et qu'une sage politique ne permettait pas d'accorder.
Suivant l'usage de ce temps trop oubli? du n“tre, et qui ne permettait pas … un souverain d'avoir confiance en des gens qui pouvaient avoir un autre int?r?t que le sien, les Etats de Sa Saintet? ?taient gouvern?s despotiquement par ses trois neveux. Le cardinal ?tait premier ministre et disposait des volont?s de son oncle; le duc de Palliano avait ?t? cr?? g?n?ral des troupes de la sainte Eglise; et le marquis de Montebello, capitaine des gardes du palais, n'y laissait p?n?trer que les personnes qui lui convenaient. Bient“t ces jeunes gens commirent les plus grands exc?s; ils commenc?rent par s'approprier les biens des familles contraires … leur gouvernement. Les peuples ne savaient … qui avoir recours pour obtenir justice. Non seulement ils devaient craindre pour leurs biens, mais, chose horrible … dire dans la patrie de la chaste Lucr?ce, l'honneur de leurs femmes et de leurs filles n'?tait pas en s–ret?. Le duc de Palliano et ses fr?res enlevaient les plus belles femmes; il suffisait d'avoir le malheur de leur plaire. On les vit, avec stupeur, n'avoir aucun ?gard … la noblesse du sang et, bien plus, ils ne furent nullement retenus par la cl“ture sacr?e des saints monast?res. Les peuples, r?duits au d?sespoir, ne savaient … qui faire parvenir leurs plaintes, tant ?tait grande la terreur que les trois fr?res avaient inspir?e … tout ce qui approchait du pape: ils ?taient insolents m?me envers les ambassadeurs.
Le duc avait ?pous?, avant la grandeur de son oncle, Violante de Cardone, d'une famille originaire d'Espagne, et qui, … Naples, appartenait … la premi?re noblesse.
Elle comptait dans le Seggio di Nido.
Violante, c?l?bre par sa rare beaut? et par les gr?ces qu'elle savait se donner quand elle cherchait … plaire, l'?tait encore davantage par son orgueil insens?. Mais il faut ?tre juste, il e–t ?t? difficile d'avoir un g?nie plus ?lev?, ce qu'elle montra bien au monde en n'avouant rien, avant de mourir, au fr?re capucin qui la confessa. Elle savait par coeur et r?citait avec une gr?ce infinie l'admirable Orlando de messer Arioste, la plupart des sonnets du divin P?trarque, les contes du Pecorone, etc. Mais elle ?tait encore plus s?duisante quand elle daignait entretenir sa compagnie des id?es singuli?res que lui sugg?rait son esprit.
Elle eut un fils qui fut appel? le duc de Cavi. Son fr?re, D. Ferrand, comte d'Aliffe, vint … Rome, attir? par la haute fortune de ses beaux-fr?res.
Le duc de Palliano tenait une cour splendide; les jeunes gens des premi?res familles de Naples briguaient l'honneur d'en faire partie. Parmi ceux qui lui ?taient le plus chers, Rome distingua, par son admiration, Marcel Capece (du Seggio di Nido),
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