La Duchesse de Palliano | Page 4

Stendhal
au milieu des boulets, si ennuy?, et si passionn? pour la musique. On sait que pendant vingt-quatre ans le sublime castrat Farinelli lui chanta tous les jours trois airs favoris, toujours les m?mes .
Un esprit philosophique peut trouver curieux les d?tails d'une passion sentie �� Rome ou �� Naples, mais j'avouerai que rien ne me semble plus absurde que ces romans qui donnent des noms italiens �� leurs personnages. Ne sommes-nous pas convenus que les passions varient toutes les fois qu'on s'avance de cent lieues vers le Nord? L'amour est-il le m?me �� Marseille et �� Paris? Tout au plus peut-on dire que les pays soumis depuis longtemps au m?me genre de gouvernement offrent dans les habitudes sociales une sorte de ressemblance ext?rieure.
Les paysages, comme les passions, comme la musique, changent aussi d?s qu'on s'avance de trois ou quatre degr?s vers le Nord. Un paysage napolitain para?trait absurde �� Venise, si l'on n'?tait pas convenu, m?me en Italie, d'admirer la belle nature de Naples. A Paris, nous faisons mieux, nous croyons que l'aspect des for?ts et des plaines cultiv?es est absolument le m?me �� Naples et �� Venise, et nous voudrions que le Canaletto, par exemple, e�Ct absolument la m?me couleur que Salvador Rosa.
Le comble du ridicule, n'est-ce pas une dame anglaise dou?e de toutes les perfections de son ?le, mais regard?e comme hors d'?tat de peindre la haine et l'amour, m?me dans cette ?le: madame Anne Radcliffe donnant des noms italiens et de grandes passions aux personnages de son c?l?bre roman: le Confessionnal des P?nitents noirs?
Je ne chercherai point �� donner des gr?ces �� la simplicit?, �� la rudesse quelquefois choquantes du r?cit trop v?ritable que je soumets �� l'indulgence du lecteur; par exemple, je traduis exactement la r?ponse de la duchesse de Palliano �� la d?claration d'amour de son cousin Marcel Capece. Cette monographie d'une famille se trouve, je ne sais pourquoi, �� la fin du second volume d'une histoire manuscrite de Palerme, sur laquelle je ne puis donner aucun d?tail.
Ce r?cit, que j'abr?ge beaucoup, �� mon grand regret (je supprime une foule de circonstances caract?ristiques), comprend les derni?res aventures de la malheureuse famille Carafa, plut��t que l'histoire int?ressante d'une seule passion. La vanit? litt?raire me dit que peut-?tre il ne m'e�Ct pas ?t? impossible d'augmenter l'int?r?t de plusieurs situations en d?veloppant davantage, c'est-��-dire en devinant et racontant au lecteur, avec d?tails, ce que sentaient les personnages. Mais moi, jeune Fran?ais, n? au nord de Paris, suis-je bien s�Cr de deviner ce qu'?prouvaient ces ?mes italiennes de l'an 1559? Je puis tout au plus esp?rer de deviner ce qui peut para?tre ?l?gant et piquant aux lecteurs fran?ais de 1838.
Cette fa?on passionn?e de sentir qui r?gnait en Italie vers 1559 voulait des actions et non des paroles. On trouvera donc fort peu de conversations dans les r?cits suivants. C'est un d?savantage pour cette traduction, accoutum?s que nous sommes aux longues conversations de nos personnages de roman; pour eux, une conversation est une bataille. L'histoire pour laquelle je r?clame toute l'indulgence du lecteur montre une particularit? singuli?re introduite par les Espagnols dans les moeurs d'Italie. Je ne suis point sorti du r��le de traducteur. Le calque fid?le des fa?ons de sentir du seizi?me si?cle, et m?me des fa?ons de raconter de l'historien, qui, suivant toute apparence, ?tait un gentilhomme appartenant �� la malheureuse duchesse de Palliano, fait, selon moi, le principal m?rite de cette histoire tragique, si toutefois m?rite il y a.
L'?tiquette espagnole la plus s?v?re r?gnait �� la cour du duc de Palliano. Remarquez que chaque cardinal, que chaque prince romain avait une cour semblable, et vous pourrez vous faire une id?e du spectacle que pr?sentait, en 1559, la civilisation de la ville de Rome. N'oubliez pas que c'?tait le temps o�� le roi Philippe II, ayant besoin pour une de ses intrigues du suffrage de deux cardinaux, donnait �� chacun d'eux deux cent mille livres de rente en b?n?fices eccl?siastiques. Rome, quoique sans arm?e redoutable, ?tait la capitale du monde. Paris, en 1559, ?tait une ville de barbares assez gentils.
TRADUCTION EXACTE D'UN VIEUX RCIT CRIT VERS 1566
Jean-Pierre Carafa, quoique issu d'une des plus nobles familles du royaume de Naples, eut des fa?ons d'agir ?pres, rudes, violentes et dignes tout �� fait d'un gardeur de troupeaux. Il prit l'habit long (la soutane) et s'en alla jeune �� Rome, o�� il fut aid? par la faveur de son cousin Olivier Carafa, cardinal et archev?que de Naples. Alexandre VI, ce grand homme qui savait tout et pouvait tout, le fit son cameriere (�� peu pr?s ce que nous appellerions, dans nos moeurs, un officier d'ordonnance). Jules II le nomma archev?que de Chieti; le pape Paul le fit cardinal, et enfin, le 23 de mai 1555, apr?s des brigues et des disputes terribles parmi les cardinaux enferm?s au conclave, il fut cr??
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