m'y avaient précédé. Elles entrèrent dans une chambre tendue détoffe perse, et j'allais y entrer aussi, quand elles en sortirent presque aussit?t en souriant et comme si elles eussent eu honte de cette nouvelle curiosité. Je n'en désirai que plus vivement pénétrer dans cette chambre. C'était le cabinet de toilette, revêtu de ses plus minutieux détails, dans lesquels paraissait s'être développée au plus haut point la prodigalité de la morte.
Sur une grande table, adossée au mur, table de trois pieds de large sur six de long, brillaient tous les trésors d'Aucoc et d'Odiot. C'était là une magnifique collection, et pas un de ces mille objets, si nécessaires à la toilette d'une femme comme celle chez qui nous étions, n'était en autre métal qu'or ou argent. Cependant cette collection n'avait pu se faire que peu à peu, et ce n'était pas le même amour qui l'avait complétée.
Moi qui ne m'effarouchais pas à la vue du cabinet de toilette d'une femme entretenue, je m'amusais à en examiner les détails, quels qu'il fussent, et je m'aper?us que tous ces ustensiles magnifiquement ciselés portaient des initiales variées et des couronnes différentes.
Je regardais toutes ces choses dont chacune me représentait une prostitution de la pauvre fille, et je me disais que Dieu avait été clément pour elle, puisqu'il n'avait pas permis qu'elle en arrivat au chatiment ordinaire, et qu'il avait laissée mourir dans son luxe et sa beauté, avant la vieillesse, cette première mort des courtisanes.
En effet, quoi de plus triste à voir que la vieillesse du vice, surtout chez la femme? Elle ne renferme aucune dignité et n'inspire aucun intérêt. Ce repentir éternel, non pas de la mauvaise route suivie, mais des calculs mal faits et de l'argent mal employé, est une des plus attristantes choses que l'on puisse entendre. J'ai connu une ancienne femme galante à qui il ne restait plus de son passé qu'une fille presque aussi belle que, au dire de ses contemporains, avait été sa mère. Cette pauvre enfant à qui sa mère n'avait jamais dit: Tu es ma fille, que pour lui ordonner de nourrir sa vieillesse comme elle-même avait nourrir son enfance, cette pauvre créature se nommaint Louise, et, obéissant à sa mère, elle se livrait sans volonté, sans passion, sans plaisir, comme elle e?t fait un métier si l'on e?t songé à lui en apprendre un.
La vue continuelle de la débauche, une débauche précoce, alimentée par l'état continuellement maladif de cette fille, avaient éteint en elle l'intelligence du mal et du bien que Dieu lui avait donnée peut-être, mais qu'il n'était venue à l'idée de personne de développer.
Je me rappellerai toujours cette jeune fille, qui passait sur les boulevards presque tous les jours à la même heure. Sa mère l'accompagnait sans cesse, aussi assidument qu'une vraie mère e?t accompagné sa vraie fille. J'étais bein jeune alors, et prêt à accepter pour mois la facile morale de mon siècle. Je me souviens cependant que la vue de cette surveillance scandaleuse m'inspirait le mépris et le dégo?t.
Joignez à cela que jamais visage de vierge n'eut un pareil sentiment d'innocence, une pareille expression de souffrance mélancolique.
On e?t dit une figure de la Résignation.
Un jour, le visage de cette fille s'éclaira. Au milieu des débauches dont sa mère tenait le programme, il sembla à la pécheresse que Dieu lui permettait un bonheur. Et pourquoi, après tout, Dieu qui l'avait faite sans force, l'aurait-il laissée sans consolation, sous le poids douloureux de sa vie? Un jour donc, elle s'aper?ut qu'elle était enceinte, et ce qu'il y avait en elle de chaste encore tressaillit de joie. L'ame a d'étranges refuges. Louise courut annoncer à sa mère cette nouvelle qui la rendait si joyeuse. C'est honteux à dire, cependant nous ne faisons pas ici de l'immoralité à plaisir, nous racontons un fait vrai, que nous ferions peut-être mieux de taire, si nous ne croyions qu'il faut de temps en temps révéler les martyres de ces êtres, que l'on condamne sans les entendre, que l'on méprise sans les juger; c'est honteux, disons-nous, mais la mère répondit à sa fille qu'elles n'avaient déjà pas trop pour deux et qu'elles n'auraient pas assez pour trois; que de pareils enfants sont inutiles et qu'une grossesse est du temps perdu.
Le lendemain, une sage-femme, que nous signalons seulement comme l'amie de la mère, vint voir Louise que resta quelques jours au lit, et s'en releva plus pale et plus faible qu'autrefois.
Trois mois après, un homme se prit de pitié pour elle et entreprit sa guérison morale et physique; mais la dernière secousse avait été trop violente, et Louise mourut des suites de la fausse couche qu'elle avait faite.
La mère vit encore: comment? Dieu le sait.
Cette histoire m'était revenue à l'esprit pendant que je contemplais les nécessaires d'argent, et un certain temps s'était écoulé, à ce qu'il para?t, dans ces reflexions,
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