La Dame aux Camelias | Page 4

Alexandre Dumas, fils
m'y avaient pr��c��d��. Elles entr��rent dans une chambre tendue d��toffe perse, et j'allais y entrer aussi, quand elles en sortirent presque aussit?t en souriant et comme si elles eussent eu honte de cette nouvelle curiosit��. Je n'en d��sirai que plus vivement p��n��trer dans cette chambre. C'��tait le cabinet de toilette, rev��tu de ses plus minutieux d��tails, dans lesquels paraissait s'��tre d��velopp��e au plus haut point la prodigalit�� de la morte.
Sur une grande table, adoss��e au mur, table de trois pieds de large sur six de long, brillaient tous les tr��sors d'Aucoc et d'Odiot. C'��tait l�� une magnifique collection, et pas un de ces mille objets, si n��cessaires �� la toilette d'une femme comme celle chez qui nous ��tions, n'��tait en autre m��tal qu'or ou argent. Cependant cette collection n'avait pu se faire que peu �� peu, et ce n'��tait pas le m��me amour qui l'avait compl��t��e.
Moi qui ne m'effarouchais pas �� la vue du cabinet de toilette d'une femme entretenue, je m'amusais �� en examiner les d��tails, quels qu'il fussent, et je m'aper?us que tous ces ustensiles magnifiquement cisel��s portaient des initiales vari��es et des couronnes diff��rentes.
Je regardais toutes ces choses dont chacune me repr��sentait une prostitution de la pauvre fille, et je me disais que Dieu avait ��t�� cl��ment pour elle, puisqu'il n'avait pas permis qu'elle en arrivat au chatiment ordinaire, et qu'il avait laiss��e mourir dans son luxe et sa beaut��, avant la vieillesse, cette premi��re mort des courtisanes.
En effet, quoi de plus triste �� voir que la vieillesse du vice, surtout chez la femme? Elle ne renferme aucune dignit�� et n'inspire aucun int��r��t. Ce repentir ��ternel, non pas de la mauvaise route suivie, mais des calculs mal faits et de l'argent mal employ��, est une des plus attristantes choses que l'on puisse entendre. J'ai connu une ancienne femme galante �� qui il ne restait plus de son pass�� qu'une fille presque aussi belle que, au dire de ses contemporains, avait ��t�� sa m��re. Cette pauvre enfant �� qui sa m��re n'avait jamais dit: Tu es ma fille, que pour lui ordonner de nourrir sa vieillesse comme elle-m��me avait nourrir son enfance, cette pauvre cr��ature se nommaint Louise, et, ob��issant �� sa m��re, elle se livrait sans volont��, sans passion, sans plaisir, comme elle e?t fait un m��tier si l'on e?t song�� �� lui en apprendre un.
La vue continuelle de la d��bauche, une d��bauche pr��coce, aliment��e par l'��tat continuellement maladif de cette fille, avaient ��teint en elle l'intelligence du mal et du bien que Dieu lui avait donn��e peut-��tre, mais qu'il n'��tait venue �� l'id��e de personne de d��velopper.
Je me rappellerai toujours cette jeune fille, qui passait sur les boulevards presque tous les jours �� la m��me heure. Sa m��re l'accompagnait sans cesse, aussi assidument qu'une vraie m��re e?t accompagn�� sa vraie fille. J'��tais bein jeune alors, et pr��t �� accepter pour mois la facile morale de mon si��cle. Je me souviens cependant que la vue de cette surveillance scandaleuse m'inspirait le m��pris et le d��go?t.
Joignez �� cela que jamais visage de vierge n'eut un pareil sentiment d'innocence, une pareille expression de souffrance m��lancolique.
On e?t dit une figure de la R��signation.
Un jour, le visage de cette fille s'��claira. Au milieu des d��bauches dont sa m��re tenait le programme, il sembla �� la p��cheresse que Dieu lui permettait un bonheur. Et pourquoi, apr��s tout, Dieu qui l'avait faite sans force, l'aurait-il laiss��e sans consolation, sous le poids douloureux de sa vie? Un jour donc, elle s'aper?ut qu'elle ��tait enceinte, et ce qu'il y avait en elle de chaste encore tressaillit de joie. L'ame a d'��tranges refuges. Louise courut annoncer �� sa m��re cette nouvelle qui la rendait si joyeuse. C'est honteux �� dire, cependant nous ne faisons pas ici de l'immoralit�� �� plaisir, nous racontons un fait vrai, que nous ferions peut-��tre mieux de taire, si nous ne croyions qu'il faut de temps en temps r��v��ler les martyres de ces ��tres, que l'on condamne sans les entendre, que l'on m��prise sans les juger; c'est honteux, disons-nous, mais la m��re r��pondit �� sa fille qu'elles n'avaient d��j�� pas trop pour deux et qu'elles n'auraient pas assez pour trois; que de pareils enfants sont inutiles et qu'une grossesse est du temps perdu.
Le lendemain, une sage-femme, que nous signalons seulement comme l'amie de la m��re, vint voir Louise que resta quelques jours au lit, et s'en releva plus pale et plus faible qu'autrefois.
Trois mois apr��s, un homme se prit de piti�� pour elle et entreprit sa gu��rison morale et physique; mais la derni��re secousse avait ��t�� trop violente, et Louise mourut des suites de la fausse couche qu'elle avait faite.
La m��re vit encore: comment? Dieu le sait.
Cette histoire m'��tait revenue �� l'esprit pendant que je contemplais les n��cessaires d'argent, et un certain temps s'��tait ��coul��, �� ce qu'il para?t, dans ces reflexions,
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