La Conquete de Plassans | Page 4

Emile Zola
des enfants, la nappe blanche. La pi��ce ��tait ti��de, recueillie, avec l'enfoncement verdatre du jardin.
Comme Marthe, calm��e par cette paix, ?tait en souriant le couvercle de la soupi��re, un bruit se fit dans le corridor. Rose, effar��e, accourut, en bulbutiant:
--Monsieur l'abb�� Faujas est l��. II
Mouret fit un geste de contrari��t��. Il n'attendait r��ellement son locataire que le surlendemain, au plus t?t. Il se levait vivement, lorsque l'abb�� Faujas parut �� la porte, dans le corridor. C'��tait un homme grand et fort, une face carr��e, aux traits larges, au teint terreux. Derri��re lui, dans son ombre, se tenait une femme ag��e qui lui ressemblait ��tonnamment, plus petite, l'air plus rude. En voyant la table mise, ils eurent tous les deux un mouvement d'h��sitation; ils recul��rent discr��tement, sans se retirer. La haute figure noire du pr��tre faisait une tache de deuil sur la gaiet�� du mur blanchi �� la chaux.
--Nous vous demandons pardon de vous d��ranger, dit-il �� Mouret. Nous venons de chez monsieur l'abb�� Bourrette; il a d? vous pr��venir....
--Mais pas du tout! s'��cria Mouret. L'abb�� n'en fait jamais d'autres; il a toujours l'air de descendre du paradis.... Ce matin encore, monsieur, il m'affirmait que vous ne seriez pas ici avant deux jours.... Enfin, il va falloir vous installer tout de m��me. L'abb�� Faujas s'excusa. Il avait une voix grave, d'une grande douceur dans la chute des phrases. Vraiment, il ��tait d��sol�� d'arriver �� un pareil moment. Quand il eut exprim�� ses regrets, sans bavardage, en dix paroles nettement choisies, il se tourna pour payer le commissionnaire qui avait apport�� sa malle. Ses grosses mains bien faites tir��rent d'un pli de sa soutane une bourse, dont on n'aper?ut que les anneaux d'acier; il fouilla un instant, palpant du bout des doigts, avec pr��caution, la t��te baiss��e. Puis, sans qu'on e?t vu la pi��ce de monnaie, le commissionnaire s'en alla. Lui, reprit de sa voix polie:
--Je vous en prie, monsieur, remettez-vous �� table.... Votre domestique nous indiquera l'appartement. Elle m'aidera �� monter ceci.
Il se baissait d��j�� pour prendre une poign��e de la malle. C'��tait une petite malle de bois, garantie par des coins et des bandes de t?le; elle paraissait avoir ��t�� r��par��e, sur un des flancs, �� l'aide d'une traverse de sapin. Mouret resta surpris, cherchant des yeux les autres bagages du pr��tre; mais il n'aper?ut qu'un grand panier, que la dame ag��e tenait �� deux mains, devant ses jupes, s'ent��tant, malgr�� la fatigue, �� ne pas le poser �� terre. Sous le couvercle soulev��, parmi des paquets de linge, passaient le coin d'un peigne envelopp�� dans du papier, et le cou d'un litre mal bouch��.
--Non, non, laissez cela, dit Mouret en poussant l��g��rement la malle du pied. Elle ne doit pas ��tre lourde; Rose la montera bien toute seule.
Il n'eut sans doute pas conscience du secret d��dain qui per?ait dans ses paroles. La dame ag��e le regarda fixement de ses yeux noirs; puis, elle revint �� la salle �� manger, �� la table servie, qu'elle examinait depuis qu'elle ��tait l��. Elle passait d'un objet �� l'autre, les l��vres pinc��es. Elle n'avait pas prononc�� une parole. Cependant, l'abb�� Faujas consentit �� laisser la malle. Dans la poussi��re jaune du soleil qui entrait par la porte du jardin, sa soutane rap��e semblait toute rouge; des reprises en brodaient les bords; elle ��tait tr��s-propre, mais si mince, si lamentable, que Marthe, rest��e assise jusque-l�� avec une sorte de r��serve inqui��te, se leva �� son tour. L'abb��, qui n'avait jet�� sur elle qu'un coup d'oeil rapide, aussit?t d��tourn��, la vit quitter sa chaise, bien qu'il ne par?t nullement la regarder.
--Je vous en prie, r��p��ta-t-il, ne vous d��rangez pas; nous serions d��sol��s de troubler votre d?ner.
--Eh bien! c'est cela, dit Mouret qui avait faim. Rose va vous conduire. Demandez-lui tout ce dont vous aurez besoin.... Installez-vous, installez-vous �� votre aise.
L'abb�� Faujas, apr��s avoir salu��, se dirigeait d��j�� vers l'escalier, lorsque Marthe s'approcha de son mari, en murmurant:
--Mais, mon ami, tu ne songes pas....
--Quoi donc? demanda-t-il, voyant qu'elle h��sitait.
--Les fruits, tu sais bien.
--Ah! diantre! c'est vrai, il y a les fruits, dit-il d'un ton constern��. Et, comme l'abb�� Faujas revenait, l'interrogeant du regard:
--Je suis vraiment bien contrari��, monsieur, reprit-il. Le p��re Bourrette est s?rement un digne homme, seulement il est facheux que vous l'ayez charg�� de votre affaire.... Il n'a pas pour deux liards de t��te.... Si nous avions su, nous aurions tout pr��par��. Au lieu que nous voil�� maintenant avec un d��m��nagement �� faire.... Vous comprenez, nous utilisions les chambres. Il y a l��-haut, sur le plancher, toute notre r��colte de fruits, des figues, des pommes, du raisin....
Le pr��tre l'��coutait avec une surprise que sa grande politesse ne r��ussissait plus �� cacher. --Oh! mais ?a ne sera pas long, continua Mouret. En dix minutes, si vous voulez bien prendre la peine d'attendre, Rose va d��barrasser
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