LUscoque | Page 8

George Sand
derni��re marche, curieux de voir si Orio allait revenir �� lui muni de sa dague, et d��sirant au fond qu'il ne le f?t pas; car, la raison ayant repris le dessus, il sentait la folie et la d��loyaut�� de son premier mouvement. Il se trouva dans la galerie inf��rieure; il y vit Orio au milieu de plusieurs valets, affectant de leur donner des ordres, comme s'il e?t ��t�� averti, par un souvenir subit, de quelque oubli, et comme s'il f?t revenu sur ses pas pour le r��parer. Il avait repris si vite tout son empire sur lui-m��me, il paraissait si calme, si d��gag��, qu'Ezzelin douta un instant si sa pr��occupation ne l'avait pas emp��ch�� de le voir dans l'escalier: mais cela ��tait fort peu probable. N��anmoins il se promena quelques instants au bout de la galerie, ayant toujours l'oeil sur lui, et il le vit sortir avec ses valets par une issue oppos��e.
Ne songeant plus �� sa vengeance et se reprochant m��me d'en avoir eu la pens��e, mais voulant �� toute force ��claircir ses soup?ons, Ezzelin retourna �� la f��te, et bient?t il vit son rival rentrer avec un groupe de convi��s. Il avait sa dague �� la ceinture, et cette circonstance r��v��la �� Ezzelin l'attention qu'Orio avait faite �� son geste dans l'escalier. ?Eh quoi! pensa-t-il, il a cru que j'avais le dessein de l'assassiner? Il n'a eu ni assez d'estime pour moi ni assez de calme et de pr��sence d'esprit pour me montrer que la partie n'��tait pas ��gale; et sa frayeur va ��t�� si subite, si aveugle, qu'il n'a pas pris le temps d'apercevoir le mouvement que j'ai fait pour rentrer ma dague dans le fourreau en voyant qu'il n'avait pas la sienne! Cet homme n'a pas le coeur d'un noble, et je serais bien ��tonn�� si quelque lachet�� secr��te ou quelque crime inconnu n'avait pas d��j�� fl��tri en lui le principe de l'honneur et le sentiment du courage.?
D��s ce moment la f��te devint encore plus insupportable �� Ezzelin. Il remarqua d'ailleurs que, tout en causant avec Giovanna, sa soeur avait laiss�� Orio s'approcher d'elle, et qu'elle r��pondait �� ses questions oiseuses et frivoles avec une timidit�� de moins en moins hautaine. Orio pensait r��ellement que son rival avait des projets de vengeance; il voulait voir si Argiria ��tait dans la confidence, et, comptant surprendre ce secret dans le maintien candide de la jeune fille, il la surveillait de pr��s et l'obs��dait de ses impertinentes cajoleries, fixant sur elle ce regard de faucon qui, disait-on, avait sur toutes les femmes un pouvoir magique. Argiria, ��lev��e dans la retraite, enfant plein de noblesse et de puret��, ne comprenait rien �� l'��motion inconnue que ce regard lui causait. Elle se sentait prise d'une sorte de vertige, et lorsque Soranzo reportait ensuite ses yeux enflamm��s d'amour sur Giovanna et lui adressait des ��pith��tes passionn��es, elle sentait son coeur battre et ses joues br?ler, comme si ces regards et ces paroles eussent ��t�� adress��s �� elle-m��me. Ezzelin n'aper?ut pas son trouble int��rieur; mais le bal allait commencer, il craignit qu'Orio n'invitat sa soeur �� danser, et il ne pouvait souffrir qu'elle se familiarisat avec la conversation et les mani��res d'un homme pour qui sa haine se changeait en m��pris. Il alla prendre Argiria par la main, et, la reconduisant aupr��s de sa tante, il les supplia l'une et l'autre de se retirer. Argiria ��tait venue �� regret �� la f��te; et quand son fr��re l'en arracha, elle sentit quelque chose se briser en elle, comme si un vif regret l'e?t atteinte au fond de l'ame. Elle se laissa emmener sans pouvoir dire un mot, et la bonne tante, qui avait une confiance sans bornes dans la sagesse et la dignit�� d'Ezzelin, le suivit sans lui faire une seule question.
La f��te des noces fut magnifique, et dura plusieurs jours; mais le comte Ezzelin n'y reparut pas: il ��tait reparti le soir m��me pour Padoue, emmenant sa tante et sa soeur avec lui.
C'��tait certainement beaucoup pour un homme presque ruin�� la veille d'��tre devenu l'��poux d'une des plus riches h��riti��res de la r��publique et le neveu du g��n��ralissime; c'��tait de quoi satisfaire une ambition ordinaire. Mais rien ne suffisait �� Orio, parce qu'il abusait de tout. Il ne lui aurait rien fallu de moins qu'une fortune de roi pour subvenir �� ses d��penses de fou. C'��tait un homme �� la fois insatiable et cupide, �� qui tous les moyens ��taient bons pour acqu��rir de l'argent, et tous les plaisirs bons pour le d��penser. Il avait surtout la passion du jeu. Accoutum�� qu'il ��tait �� tous les dangers et �� toutes les volupt��s, ce n'��tait plus que dans le jeu qu'il trouvait des ��motions. Il jouait donc d'une mani��re qui, m��me dans ce pays et ce si��cle de joueurs, semblait effrayante, exposant souvent, sur
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