L'oeuvre
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Title: L'oeuvre
Author: ��mile Zola
Release Date: January 15, 2006 [EBook #17517]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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��mile Zola
L'OEUVRE
(1886)
I
Claude passait devant l'H?tel de ville, et deux heures du matin sonnaient �� l'horloge, quand l'orage ��clata. Il s'��tait oubli�� �� r?der dans les Halles, par cette nuit br?lante de juillet, en artiste flaneur, amoureux du Paris nocturne: Brusquement, les gouttes tomb��rent si larges, si drues, qu'il prit sa course, galopa d��gingand��, ��perdu, le long du quai de la Gr��ve. Mais, au pont Louis-Philippe, une col��re de son essoufflement l'arr��ta: il trouvait imb��cile cette peur de l'eau; et, dans les t��n��bres ��paisses, sous le cinglement de l'averse qui noyait les becs de gaz, il traversa lentement le pont, les mains ballantes.
Du reste, Claude n'avait plus que quelques pas �� faire.
Comme il tournait sur le quai de Bourbon, dans l'?le Saint-Louis, un vif ��clair illumina la ligne droite et plate des vieux h?tels rang��s devant la Seine, au bord de l'��troite chauss��e. La r��verb��ration alluma les vitres des hautes fen��tres sans persiennes, on vit le grand air triste des antiques fa?ades, avec des d��tails tr��s nets, un balcon de pierre, une rampe de terrasse, la guirlande sculpt��e, d'un fronton. C'��tait l�� que le peintre avait son atelier, dans les combles de l'ancien h?tel du Martoy, �� l'angle de la rue de la Femme-sans-T��te. Le quai entrevu ��tait aussit?t retomb�� aux t��n��bres, et un formidable coup de tonnerre avait ��branl�� le quartier endormi.
Arriv�� devant sa porte, une vieille porte ronde et basse, bard��e de fer, Claude, aveugl�� par la pluie, tatonna pour tirer le bouton de la sonnette; et sa surprise fut extr��me, il eut un tressaillement en rencontrant dans l'encoignure, coll�� contre le bois, un corps vivant. Puis, �� la brusque lueur d'un second ��clair, il aper?ut une grande jeune fille, v��tue de noir, et d��j�� tremp��e, qui grelottait de peur.
Lorsque le coup de tonnerre les eut secou��s tous les deux, il s'��cria:
?Ah bien, si je t'attendais...! Qui ��tes-vous? que voulez-vous?? Il ne la voyait plus, il l'entendait seulement sangloter et b��gayer.
?Oh! monsieur, ne me faites pas du mal.... C'est le cocher que j'ai pris �� la gare, et qui m'a abandonn��e pr��s de cette porte en me brutalisant.... Oui, un train a d��raill��, du c?t�� de Nevers. Nous avons eu quatre heures de retard, je n'ai plus trouv�� la personne qui devait m'attendre.... Mon Dieu! c'est la premi��re fois que je viens �� Paris, monsieur, je ne sais pas o�� je suis....? Un ��clair ��blouissant lui coupa la parole; et ses yeux dilat��s parcoururent avec effarement ce coin de ville inconnue, l'apparition violatre d'une cit�� fantastique. La pluie avait cess��. De l'autre c?t�� de la Seine, le quai des Ormes alignait ses petites maisons grises, bariol��es en bas par les boiseries des boutiques, d��coupant en haut leurs toitures in��gales; tandis que l'horizon ��largi s'��clairait, �� gauche, jusqu'aux ardoises bleues des combles de l'H?tel de ville, �� droite jusqu'�� la coupole plomb��e de Saint-Paul. Mais ce qui la suffoquait surtout, c'est l'encaissement de la rivi��re, la fosse profonde o�� la Seine coulait �� cet endroit, noiratre, des lourdes piles du pont Marie aux arches l��g��res du nouveau pont Louis-Philippe.
D'��tranges masses peuplaient l'eau, une flottille dormante de canots et d'yoles, un bateau-lavoir et une dragueuse, amarr��s au quai; puis, l��-bas, contre l'autre berge, des p��niches pleines de charbon, des chalands charg��s de meuli��re, domin��s par le bras gigantesque d'une grue de fonte. Tout disparut.
?Bon! une farceuse, pensa Claude, quelque gueuse flanqu��e �� la rue et qui cherche un homme.? Il avait la m��fiance de la femme: cette histoire d'accident, de train en retard, de cocher brutal, lui paraissait une invention ridicule. La jeune fille, au coup de tonnerre, s'��tait renfonc��e dans le coin de la porte, terrifi��e.
?Vous ne pouvez pourtant pas coucher l��?, reprit-il tout haut.
Elle pleurait plus fort, elle balbutia: ?Monsieur, je vous en prie, conduisez-moi �� Passy!...
C'est �� Passy que je vais.? Il haussa les ��paules: le prenait-elle pour un sot?
Machinalement, il s'��tait tourn�� vers le quai des C��lestins, o�� se trouvait une station de fiacres. Pas une lueur de lanterne ne luisait.
?�� Passy, ma ch��re, pourquoi pas Versailles?... O�� diable voulez-vous qu'on p��che une voiture, �� cette heure, et par un temps pareil??
Mais elle jeta un cri, un nouvel ��clair l'avait aveugl��e; et, cette fois, elle venait de revoir la ville tragique dans un ��claboussement de sang. C'��tait une trou��e immense, les deux bouts de la rivi��re s'enfon?ant �� perte
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