de ces fables, Des bons démons, des esprits familiers. Des farfadets, aux mortels secourables! On écoutait tous ces faits admirables Dans son chateau, près d'un large foyer. Le père et l'oncle, et la mère et la fille; Et les voisins, et toute la famille, Ouvraient l'oreille à monsieur l'aum?nier, Qui leur faisait des contes de sorcier. On a banni les démons et les fées; Sous la raison les graces étouffées Livrent nos coeurs à l'insipidité; Le raisonner tristement s'accrédite, On court, hélas! après la vérité: Ah! croyez-moi, l'erreur a son mérite.]
Nous pourrions recueillir ainsi, en faveur des contes, de fort nombreux et fort éloquents témoignages. L'auteur de Don Quichotte, Cervantes, l'ennemi le plus redoutable qui ait croisé la plume contre l'épée de la chevalerie, fait dire à un cabaretier:
?Est-ce qu'il y a une meilleure lecture au monde? J'ai lu deux ou trois de ces livres, et je puis bien assurer qu'ils m'ont donné la vie; et non-seulement à moi, mais encore à beaucoup d'autres. Car, dans la saison des blés, il vient ici quantité de moissonneurs, les jours de fête, et comme il s'en trouve toujours quelqu'un qui sait lire, nous nous mettons vingt ou trente autour de lui; et nous nous amusons si bien, qu'il ne peut finir de lire, ni nous de l'entendre. Il ne faut point que je mente: quand j'entends parler de ces terribles coups que donnent les chevaliers errants, je meurs d'envie d'aller chercher les aventures, et je ne m'ennuierais pas d'entendre lire les jours et les nuits.?
Ce cabaretier-là ne dit rien qui ne soit l'exacte vérité. Et je citerais tel vigneron des vignes de la Franche-Comté qui n'a qu'un livre pour toute bibliothèque, les Aventures des quatre fils Aymon. Ce livre est même le seul volume du village. Au printemps, l'herbe pousse, le soleil luit dans l'herbe, les fleurs sourient au soleil; cela va bien, on est aux champs; l'été, la vigne fleurit et porte fruit; en automne, c'est la vendange et la pressée. Mais l'hiver, dans les longues veillées, là où il n'y a ni chanvreurs, habiles à dire des histoires, comme dans le Berri, ni colporteurs de passage, le vigneron prend son livre dans la huche; il le lit tout entier; lu, il le recommence, et il le relit tous les hivers. Le village entier assiste à ses lectures. Je vous assure que dans vingt ans, si le volume n'est pas trop déchiré, on le lira encore, sans ennui, avec une joie toujours aussi vive.
Paul Boiteau. 1857, au printemps.
LE ROI DAGOBERT
NOTICE.
Les moines du moyen age, dans le silence de leurs couvents, ont recueilli la plupart des vieilles légendes et des vieilles chansons qui, avant eux et jusqu'à eux, rappelaient le souvenir des anciens personnages célèbres de cette Gaule franque qui devait devenir la France. Ces légendes et ces chansons, altérées par le temps comme une monnaie par l'usage, ne laissaient guère deviner que quelques-uns des traits de ces rois, de ces guerriers, de ces évêques d'autrefois; mais les moines qui, en ce temps-là, ne savaient pas ce que c'est que la critique, acceptaient cela pour de l'histoire. Ainsi ont été écrites les Grandes chroniques de Saint-Denis; ainsi ont été composées les Gesta Dagoberti ou les Faits et gestes de Dagobert, qui sont les deux principales sources de la présente légende.
Les moines que Dagobert a protégés et enrichis (ceux de Saint-Denis particulièrement), lui ont gardé quelque reconnaissance. Ils ont eu soin de ne pas le traiter plus mal que les chansons ne le traitaient; ils ont même ajouté quelque chose à ces chansons. Par exemple, les miracles qui ont une couleur religieuse et que nous n'avons pas d? négliger.
Nous aurions voulu paraphraser plus largement la chanson populaire; mais il aurait fallu pour cela sortir tout à fait de l'histoire vraisemblable, et nous ne voulions pas faire ce sacrifice à des couplets qui ne datent pas de plus d'un siècle, et qui, privés de leur air, ne sont pas un chef-d'oeuvre d'espièglerie[2].
[Note 2: Il y a comme cela cinq ou six chansons très-fameuses qu'il ne faut pas regarder de trop près si l'on ne veut pas qu'elles perdent leur charme. La chanson du bon roi Dagobert et du grand saint éloi est peut-être celle qu'il faut se rappeler du plus loin. On ne s'explique même pas bien la fortune de ces couplets que le premier venu a écrits sans rimes ni raison et sans beaucoup d'esprit. Il faut que l'air sur lequel on les chante soit très-ancien et qu'il retentisse depuis quelques centaines d'années, matinal et sonore comme un chant de cor de chasse, dans la mémoire des générations. C'est l'air qui est gai et qui parle un langage; la chanson, sauf votre respect, est assez bête.]
Nous nous en sommes donc tenu, à peu de chose près, au texte des deux ouvrages que nous
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