Kourroglou | Page 9

George Sand
cette ville; Ayvaz-Bally est son nom.? Le marchand pensa lors en lui-m��me: ?Kourroglou n'a pas d'enfants; pourquoi n'adopterait-il pas un si beau gar?on pour son fils? Mais que dois-je faire? Si, �� mon retour �� Chamly-Bill, j'essaie de lui d��peindre ce que j'ai vu, il ne me croira pas.? Il trouva alors un peintre dans Orfah, et lui paya un bon prix pour faire le portrait d'Ayvaz.
Apr��s un voyage de quelques jours, il revint �� la forteresse de Chamly-Bill. Il fut dit �� Kourroglou que son fr��re Khoya-Yakub ��tait revenu. Il ordonna aussit?t �� ses hommes d'aller �� sa rencontre, et de l'amener dans la ville avec les honneurs qui lui ��taient dus. D��s qu'il fut descendu de cheval, Kourroglou le baisa sur la joue, et le fit asseoir �� ses c?t��s, tandis que Khoya-Yakub lui baisait les deux mains, comme �� son sup��rieur. ?Hourra! mes enfants, du vin! cria Kourroglou; buvons en l'honneur de l'arriv��e de notre fr��re.? Et ils s'assirent, et ils burent au point que Khoya-Yakub commen?a �� devenir gris, et sentit sa t��te s'allumer. Kourroglou lui demanda d'o�� il venait. Il r��pondit: ?D'Orfah!--Tu n'as pas vu, par hasard, a Orfah, un plus beau cheval que mon Kyrat?--Je n'en ai pas vu.--Dis, as-tu vu l��, des hommes plus beaux et plus braves que mes compagnons?--Je n'en ai pas vu.--As-tu vu, dis moi, une f��te plus joyeuse que la mienne?--Je n'en ai pas vu.--As-tu vu des ��chansons plus beaux et plus richement v��tus que les miens?--Fr��re guerrier, j'ai vu l�� un jeune gar?on que les mains de tous vos jeunes gens ne sont pas dignes de laver. Voil�� que tu deviens vieux, et que tu n'as pas d'enfants: pourquoi ne le prendrais-tu pas pour ton fils, afin de faire de lui, quand le temps en sera venu, un guerrier digne de te servir et de te succ��der lorsque tu seras mort, aussi bien qu'un appui et un fils tant que tu vivras?? Il commen?a alors �� vanter la beaut�� d'Ayvaz et sa male physionomie. Kourroglou dit: ?Eh quoi! marchand qui n'es bon �� rien! ne pouvais-tu d��penser quelques tumans pour payer un peintre et m'apporter sa ressemblance?? Le marchand sortit une miniature de son habit et la tendit �� Kourroglou. Kourroglou la prit; et quand il l'eut examin��e, _les r��nes de sa volont�� ��chapp��rent des mains de sa patience_, et il s'��cria: ?Daly-Hassan, qu'on appr��te une cha?ne et des fers.? Le marchand, ��tonn��, demanda ce que signifiait un ordre semblable. ?Je vais te faire encha?ner, mis��rable!? Pour quelle raison, et quel est mon crime? Est-ce donc la r��compense que tu me donnes pour t'avoir trouv�� un fils?--C'est pour le mensonge que tu as dit. Homme, ��coute-moi; je vais partir pour Orfah �� l'instant m��me; et tu attendras mon retour, encha?n�� dans un cachot. Si le jeune gar?on justifie r��ellement tes louanges, que mon nom ne soit pas Kourroglou si je ne couvre pas ta t��te d'une pluie d'or et ne t'exalte pas au-dessus de la vo?te des cieux. Mais malheur �� toi, si Ayvaz est indigne de tes ��loges; car j'arracherai la racine de ton existence du sol de la vie; et ton chatiment servira d'exemple aux menteurs impudents comme toi. Tu ne dois pas mentir �� tes sup��rieurs.?
Cela dit, il donna ordre d'encha?ner le marchand par le cou et par une jambe, et de le jeter ensuite en prison.
?Daly-Hassan! que l'on selle Kyrat.? Daly-Hassan mit lui-m��me la selle et le coussin sur le cheval de son ma?tre, et les attacha sept fois avec la sangle. ?Je pars pour Orfah, dit Kourroglou. Que personne ne de vous ne se hasarde de boire de fa?on �� s'enivrer jusqu'�� ce que je sois de retour. Malheur a celui dont la demeure retentira des sons de la musique ou du tambourin. Souvenez-vous de cette d��fense, ou je vous arracherai de la terre, et vous jetterai au vent, comme un chardon nuisible. Je pars seul pour chercher mon futur enfant, pour chercher Ayvaz. Je mourrai ou je reviendrai avec lui. ��coutez ma chanson.
_Improvisation._--?J'adopterai pour mon fils le jeune Ayvaz-Bally. Attendez le jour d'adoption jusqu'�� mon retour. Demandez-le en Turquie et en Syrie jusqu'�� mon retour. Un homme brave monte l'arabe gris ou le bai, et galope tout le long du chemin, sur le cheval de bataille aux pieds l��gers. Tuez des veaux, ��gorgez des moutons, et nourrissez-vous de mes troupeaux jusqu'�� mon retour. _Kourroglou dit:_ le diable emporte l'ennemi; les braves galopent sur des chevaux arabes: allez et buvez jusqu'�� mon retour.?
Ayant dit cela, Kourroglou prit cong�� de ses fr��res, monta sur Kyrat et marcha seul, jour et nuit, de bourgade en bourgade, vers la ville d'Orfah. Il n'en ��tait plus qu'�� un fersakh de distance, quand il se sentit une faim extr��me; et, voyant un berger qui gardait son troupeau sur
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