Kourroglou | Page 5

George Sand
a reculons. L'��ducation du noble animal ayant ��t�� ainsi compl��t��e, il commen?a �� s'occuper de celle de son fils. ?Monte ton cheval, lui dit-il, fais-moi place derri��re toi, et traversons l'Oxus.? Pendant qu'ils s'amusaient ainsi, le vieillard exp��riment�� initiait son fils �� tous les stratag��mes de l'art de l'��quitation et du m��tier des armes.
?C'est bien, dit-il un jour �� Roushan, je suis content de toi. Mais il nous reste encore une chose �� faire. Notre prince vient quelquefois chasser sur les bords de l'Oxus; c'est l�� que tu l'attendras. La premi��re fois que tu le verras venir de ton c?t��, rev��ts toutes les pi��ces de ton armure, et, mont�� sur ton cheval, va hardiment �� la rencontre du tyran. Alors tu lui diras ces mots: ?Prince injuste et cruel, contemple le cheval �� cause duquel tu as fait crever les yeux de mon p��re, regarde bien ce qu'il est devenu, et meurs d'envie.?
Roushan ob��it fid��lement �� l'ordre de son p��re; la premi��re fois qu'il aper?ut le prince prenant le plaisir de la chasse sur les bords de l'Oxus, il rev��tit son armure et courut droit �� lui. Le prince, ��merveill�� de la beaut�� peu commune du cheval, aussi bien que de la noble apparence du cavalier, dit �� son vizir: ?Quel est ce jeune homme?? Roushan, invit�� �� s'approcher du prince, ne manqua pas de lui r��p��ter d'une voix ferme et mena?ante le discours que son p��re lui avait enseign��, et il ajouta: ?Prince stupide, tu le crois un bon connaisseur de chevaux. ��coute, ignorant, et apprends de moi quels sont les signes auxquels on reconna?t un cheval de noble race.? Cela dit, il improvisa le chant suivant:
Improvisation.--?Je viens, et je te dis: ��coute, ? prince! et apprends �� quoi se fait reconna?tre un noble cheval. Actif et alerte, vois si ses naseaux s'enflent et se distendent alternativement; si ses jambes, s��ches et d��li��es, sont comme les jambes de la gazelle pr��te �� commencer sa course. Ses hanches doivent ressembler a celles du chamois; sa bouche d��licate c��de �� la plus l��g��re pression de la bride, comme la bouche d'un jeune chameau. Quand il mange, ses dents broient le grain comme la meule d'un moulin en mouvement, et il l'avale comme un loup affam��. Son dos rappelle celui du li��vre; sa crini��re est douce et soyeuse; son cou est ��lev�� et majestueux comme celui du paon. Le meilleur temps pour le monter est entre sa quatri��me et sa cinqui��me ann��e. Sa t��te est fine et petite comme celle du grand serpent chahmaur; ses yeux sont saillants comme deux pommes; ses dents semblent autant de diamants. La forme de sa bouche doit approcher de celle du chameau male; ses membres sont finement dessin��s, et plut?t arrondis qu'allong��s. Quand on le sort de l'��curie, il est joyeux et il se cabre. Ses yeux ressemblent �� ceux de l'aigle, et il marche avec l'inqui��te impatience d'un loup affam��. Son ventre et ses c?tes remplissent exactement la sangle. Un jeune homme de bonne famille pr��te une oreille ob��issante aux le?ons de ses parents; il aime son cheval et en prend le plus grand soin Il sait par coeur la g��n��alogie et la puret�� de son sang. Il essaie souvent la vigueur des articulations de son genou; en un mot, il doit ��tre ce qu'��tait Mirza-Serraf dans sa jeunesse.?
D��s que le prince eut entendu cette improvisation, il dit aux gens de sa suite: ?C'est l�� le fils de Mirza-Serraf? Hol��! qu'il soit arr��t��!?
Roushan fut imm��diatement entour�� de tous c?t��s; mais, sans para?tre s'en apercevoir, il parla ainsi au sultan Murad:
Improvisation.--?��coutez, mon prince; il me revient en m��moire quelques stances de vers agr��ables; permettez-moi de vous les r��citer.? Le prince y consentit, et ordonna �� ses gardes, de ne pas toucher �� Roushan qu'il n'e?t dit ses vers. Alors ce dernier commen?a l'improvisation suivante: ?Mon prince a donn�� l'ordre de me punir; mais, par Allah! je sais comment me d��fendre; je m'��chapperai de ses mains. En vain m'offrirais-tu tes richesses et tes faveurs comme on jette la pature �� l'aigle vorace et affam��, je les rejetterais toutes.?
Le prince l'interrompit et lui dit: ?Cesse tes vaines bravades; viens, et sers-moi fid��lement, autrement je te ferai mourir.?
Roushan chanta alors ainsi:
Improvisation.--?Je suis appel�� Dieu dans ma maison: oui, je suis un dieu. Je ne courberai point mon cou devant un lache comme toi. La cruche a port�� l'eau assez longtemps pour toi; mais, �� la fin, la cruche s'est bris��e.?
Le prince lui dit: ?Ton p��re a ��t�� mon serviteur pendant cinquante ans. Dans un moment de col��re, j'ai ordonn�� qu'on lui crevat les yeux. Mais qui d��niera au ma?tre le droit de punir son esclave, afin de pouvoir ensuite le combler de ses faveurs? Viens avec moi, tu apprendras �� m'��tre agr��able, et je te r��compenserai.? Roushan r��pliqua: ?Tu
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