Kourroglou | Page 3

George Sand
le plus grand pillard et le plus grand vantard que nous ayons jamais rencontr��, m��me chez nous, o�� ces qualit��s sont si fort r��pandues par le temps qui court. Il est entreprenant, vindicatif, insatiable de richesses et de plaisirs, fourbe, brutal et impitoyable dans la col��re. Il n'en est pas moins l'idole de ses compagnons et de leur nombreuse post��rit��. Ces peccadilles ne le rendent que plus aimable. Les femmes en sont folles, et les enfants r��vent de lui, non comme d'un croquemitaine, mais comme d'un Tancr��de ou d'un Roland. Tandis que le Rustem de Ferdausy est un vrai chevalier, fid��le �� son prince ou prostern�� devant son Dieu, Kourroglou ne conna?t gu��re d'autre dieu que lui-m��me et n'est fid��le qu'�� son propre serment. A cet ��gard, il affiche une loyaut�� et une g��n��rosit�� qui ne sont point sans grandeur et sans danger, vu la mauvaise foi des ennemis qui le poursuivent. Une seule trahison d��shonore sa vie; mais il la pleure am��rement, et le remords lui inspire le plus beau de ses chants de douleur. Un seul amour p��n��tre jusqu'au fond de son ame, et fait de lui un ��tre sympathique par quelque endroit, c'est sa tendresse exalt��e pour son fils adoptif, Ayvaz, le Benjamin, le Renaud du po?me. Mais le v��ritable h��ros de la vie de Kourroglou, ce n'est point Kourroglou, ce n'est pas le bel Ayvaz, ce n'est pas m��me le spirituel marmiton Hamza-Beg; ce n'est pas un homme, ce n'est pas une femme: c'est un cheval, c'est la divin Kyrat, pr��s duquel les coursiers d'Achille et tous les palefrois renomm��s de la chevalerie ne sont que de pauvres poneys. Le po?me s'ouvre par la formation c��leste de Kyrat, comme vous allez le voir, lecteur; car j'entreprends de vous raconter tout le po?me. Mais comme M. Chodzko l'a oralement transcrit, je me permettrai d'abr��ger et de r��sumer la traduction de M. Chodzko. Quand je la citerai textuellement, j'aurai soin de l'indiquer.
Le po?me est divis�� par chants, que M. Chodzko intitule: _Entrevues; meetings_ en anglais, mejjliss en perso-turk que nous traduirons par rencontres. Ce sont les rapsodies que l'haleine d'un _Kourroglou-Khan_ peut fournir en une s��ance �� l'attention d'un auditoire. Les Kourroglou-Khans sont comme les Schah-Namah-Khans de Ferdausy, comme les Koran-Khans du Proph��te, des bardes de profession qui, en s'accompagnant de la guitare, r��citent au peuple et aux amateurs les faits, gestes, maximes et improvisations de leur h��ros. La m��moire de ces chanteurs, dit M. Chodzko, est vraiment incroyable; �� toute sommation, ils r��citent d'une seule haleine, et durant des heures enti��res, sans la moindre h��sitation, �� partir du vers qui leur est d��sign�� par les auditeurs.

PREMI��RE RENCONTRE[1].
[Footnote 1: Ce premier chant est textuellement traduit de l'anglais.]
Kourroglou ��tait un Turkoman de la tribu de Tuka; son v��ritable nom ��tait Roushan, et celui de son p��re Mirza-Serraf. Ce dernier ��tait au service du sultan Murad, gouverneur d'une des provinces du Turkestan, en qualit�� de chef des haras de ce prince.
Un jour que les cavales paissaient dans les prairies qui s'��tendent le long du Ja?houn (l'Oxus), un ��talon sortit de la surface des eaux, gagna la rive, courut vers la troupe des cavales, et apr��s s'��tre accoupl�� �� deux d'entre elles, il se replongea dans le fleuve, o�� il disparut pour jamais. Cette ��trange nouvelle ne fut pas plus t?t rapport��e �� Mirza-Serraf, qu'il se rendit �� la prairie, et ayant fait des marques distinctes aux deux juments d��sign��es, il recommanda aux gardiens d'en avoir un soin particulier; puis, de retour chez lui, il consigna sur ses livres les d��tails de l'apparition de l'��talon, et enregistra la date pr��cise de cet ��v��nement.
On sait qu'une jument donne toujours naissance �� son poulain ��tant debout; quand le terme fut arriv��, Mirza-Serraf, qui ��tait pr��sent �� leur naissance, re?ut les jeunes poulains dans le pan de sa robe, afin qu'ils ne fussent point bless��s par leur contact avec la terre.
Il dirigea lui-m��me avec le plus grand soin leur premi��re ��ducation pendant les deux ann��es suivantes, et surveilla les progr��s de leur croissance. Malheureusement leur mauvaise mine n'��tait pas propre �� inspirer beaucoup d'espoir pour l'avenir. Ils paraissaient laids �� la premi��re vue, et leur robe ��paisse semblait ��tre de crin plus que de poil.
Un des devoirs de la charge de Mirza-Serraf ��tait de visiter, �� tour de r?le, tous les haras confi��s �� ses soins, afin de mettre �� part les meilleurs poulains pour les ��curies du prince. Dans cette occasion, les deux poulains merveilleux furent au nombre de ceux qu'il choisit. Quand le prince vint en personne visiter ses ��curies, il examina attentivement les chevaux amen��s par Mirza-Serraf, et approuva tous ses choix, �� l'exception des deux poulains en question.
Plus il les regardait, plus ils lui semblaient hideux. Il fit amener en sa pr��sence le chef de ses haras, et s'adressant ��
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