��trangers qui erraient sur la place; et, s'ils ne r��pondaient pas �� cette question, ce n'��tait pas faute de conna?tre la langue du pays. Ils savaient le turc tr��s suffisamment: l'un, parce qu'il l'employait depuis vingt ans dans sa correspondance commerciale; l'autre, pour avoir souvent servi de secr��taire �� son ma?tre, bien qu'il ne f?t pr��s de lui qu'en qualit�� de domestique.
C'��taient deux Hollandais, originaires de Rotterdam, Jan Van Mitten et son valet Bruno, qu'une singuli��re destin��e venait de pousser jusqu'aux confins de l'extr��me Europe.
Van Mitten,--tout le monde le conna?t,--un homme de quarante-cinq �� quarante-six ans, rest�� blond, oeil bleu c��leste, favoris et barbiche jaunes, sans moustaches, joues color��es, nez un peu trop court par rapport �� l'��chelle du visage, t��te assez forte, ��paules larges, taille au-dessus de la moyenne, ventre au d��but du bedonnement, pieds mieux compris au point de vue de la solidit�� que de l'��l��gance,--en r��alit��, l'air d'un brave homme, qui ��tait bien de son pays.
Peut-��tre Van Mitten, au moral, semblait-il ��tre un peu mou de temp��rament. Il appartenait, sans conteste, �� cette cat��gorie de gens d'humeur douce et sociable, fuyant la discussion, pr��ts �� c��der sur tous les points, moins faits pour commander que pour ob��ir, personnages tranquilles, flegmatiques, dont on dit commun��ment qu'ils n'ont pas de volont��, m��me lorsqu'ils s'imaginent en avoir. Ils n'en sont pas plus mauvais pour cela. Une fois, mais une seule fois en sa vie, Van Mitten, pouss�� �� bout, s'��tait engag�� dans une discussion dont les cons��quences avaient ��t�� des plus graves. Ce jour-l��, il ��tait radicalement sorti de son caract��re; mais depuis lors, il y ��tait rentr��, comme on rentre chez soi. En r��alit��, peut-��tre e?t-il mieux fait de c��der, et il n'aurait pas h��sit��, sans doute, s'il avait su ce que lui r��servait l'avenir. Mais il ne convient pas d'anticiper sur les ��v��nements, qui seront l'enseignement de cette histoire.
?Eh bien, mon ma?tre? lui dit Bruno, quand tous deux arriv��rent sur la place de Top-Han��.
--Eh bien, Bruno?
--Nous voil�� donc �� Constantinople!
--Oui, Bruno, �� Constantinople, c'est-��-dire �� quelque mille lieues de Rotterdam!
--Trouverez-vous enfin, demanda Bruno, que nous soyons assez loin de la Hollande?
--Je ne saurais jamais en ��tre trop loin!? r��pondit Van Mitten, en parlant �� mi-voix, comme si la Hollande e?t ��t�� assez pr��s pour l'entendre.
Van Mitten avait en Bruno un serviteur absolument d��vou��. Ce brave homme, au physique, ressemblait quelque peu �� son ma?tre,--autant, du moins, que son respect le lui permettait: habitude de vivre ensemble depuis de longues ann��es. En vingt ans, ils ne s'��taient peut-��tre pas s��par��s un seul jour. Si Bruno ��tait moins qu'un ami, dans la maison, il ��tait plus qu'un domestique. Il faisait son service intelligemment, m��thodiquement, et ne se g��nait pas de donner des conseils, dont Van Mitten aurait pu faire son profit, ou m��me de faire entendre des reproches, que son ma?tre acceptait volontiers. Ce qui l'enrageait, c'��tait que celui-ci f?t aux ordres de tout le monde, qu'il ne s?t pas r��sister aux volont��s des autres, en un mot, qu'il manquat de caract��re.
?Cela vous portera malheur! lui r��p��tait-il souvent, et �� moi, par la m��me occasion!?
Il faut ajouter que Bruno, alors ag�� de quarante ans, ��tait s��dentaire par nature, qu'il ne pouvait souffrir les d��placements. A se fatiguer de la sorte, on compromet l'��quilibre de son organisme, on s'��reinte, on maigrit, et Bruno, qui avait l'habitude de se peser toutes les semaines, tenait �� ne rien perdre de sa belle prestance. Quand il ��tait entr�� au service de Van Mitten, son poids n'atteignait pas cent livres. Il ��tait donc d'une maigreur humiliante pour un Hollandais. Or, en moins d'un an, grace �� l'excellent r��gime de la maison, il avait gagn�� trente livres et pouvait d��j�� se pr��senter partout. Il devait donc �� son ma?tre, avec cette honorable bonne mine, les cent soixante-sept livres qu'il pesait maintenant,--ce qui mettrait dans la bonne moyenne de ses compatriotes. Il faut ��tre modeste, d'ailleurs, et il se r��servait, pour ses vieux jours, d'arriver �� deux cents livres.
En somme, attach�� �� sa maison, �� sa ville natale, �� son pays,--ce pays conquis sur la mer du Nord,--jamais, sans de graves circonstances, Bruno ne se f?t r��sign�� �� quitter l'habitation du canal de Nieuwe-Haven, ni sa bonne ville de Rotterdam, qui, �� ses yeux, ��tait la premi��re cit�� de la Hollande, ni sa Hollande, qui pouvait bien ��tre le plus beau royaume du monde.
Oui, sans doute, mais il n'en est pas moins vrai que, ce jour-l��, Bruno ��tait �� Constantinople, l'ancienne Byzance, le Stamboul des Turcs, la capitale de l'empire ottoman.
En fin de compte, qu'��tait donc Van Mitten?--Rien moins qu'un riche commer?ant de Rotterdam, un n��gociant en tabacs, un consignataire des meilleurs produits de la Havane, du Maryland, de la Virginie, de Varinas, de Porto-Rico, et plus sp��cialement de la Mac��doine, de la Syrie, de l'Asie Mineure.
Depuis
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