est bien d'autres choses absurdes, si je pouvais m'en souvenir.
[Note 15: Traduction de Voltaire:
?Ma foi, je ne sais, je ne pourrai plus guère vous regarder en face.? C'est un contre-sens.]
[Note 16: Ce fut plus tard, et pour avoir, comme on l'a déjà dit, arraché les diadèmes placés sur quelques-unes des statues de César. Ils avaient aussi reconnu et fait arrêter quelques-uns des hommes qui, apostés par Antoine, avaient applaudi lorsqu'il avait présenté la couronne à César.]
CASSIUS.--Voulez-vous souper ce soir avec moi, Casca?
CASCA.--Non, je suis engagé.
CASSIUS.--Demain, voulez-vous que nous d?nions ensemble?
CASCA.--Oui, si je suis vivant, si vous ne changez pas d'avis, et si votre d?ner vaut la peine d'être mangé.
CASSIUS.--Il suffit: je vous attendrai.
CASCA.--Attendez-moi. Adieu tous deux.
(Il sort.)
BRUTUS.--Qu'il s'est abruti en prenant des années! Lorsque nous le voyions à l'école, c'était un esprit plein de vivacité.
CASSIUS.--Et malgré les formes pesantes qu'il affecte, il est le même encore lorsqu'il s'agit d'exécuter quelque entreprise noble et hardie. Cette rudesse sert d'assaisonnement à son esprit; elle réveille le go?t, et fait digérer ses paroles de meilleur appétit.
BRUTUS.--Il est vrai. Pour le moment je vais vous laisser. Demain, si vous voulez que nous causions ensemble, j'irai vous trouver chez vous; ou, si vous l'aimez mieux, venez chez moi, je vous y attendrai.
CASSIUS.--Volontiers, j'irai. D'ici là, songez à l'univers. (Brutus sort.) Bien, Brutus, tu es généreux; et, cependant, je le vois, le noble métal dont tu es formé peut être travaillé dans un sens contraire à celui où le porte sa disposition naturelle. Il est donc convenable que les nobles esprits se tiennent toujours dans la société de leurs semblables; car, quel est l'homme si ferme qu'on ne puisse le séduire? César ne peut me souffrir, mais il aime Brutus. Si j'étais Brutus aujourd'hui, et que Brutus f?t Cassius, César n'aurait pas d'empire sur moi.--Je veux cette nuit jeter sur ses fenêtres des billets tracés en caractères différents, comme venant de divers citoyens et exprimant tous la haute opinion que Rome a de lui. J'y glisserai quelques mots obscurs sur l'ambition de César; et, après cela, que César se tienne ferme, car nous la renverserons, ou nous aurons de plus mauvais jours encore à passer[17].
(Il sort.)
[Note 17: Traduction de Voltaire:
Son joug est trop affreux, songeons à le détruire, Ou songeons à quitter le jour que je respire.]
SCèNE III
Toujours à Rome.--Une rue.--Tonnerre et éclairs.
Entrent des deux c?tés opposés CASCA, l'épée à la main, ET CICéRON.
CICéRON.--Bonsoir, Casca. Avez-vous reconduit César chez lui? Pourquoi êtes-vous ainsi hors d'haleine? Pourquoi ces regards effrayés?
CASCA.--N'êtes-vous pas ému quand toute la masse de la terre chancelle comme une machine mal assurée? O Cicéron! j'ai vu des tempêtes où les vents en courroux fendaient les chênes noueux; j'ai vu l'ambitieux Océan s'enfler, s'irriter, écumer, et s'élever jusqu'au sein des nues mena?antes: mais jamais avant cette nuit, jamais jusqu'à cette heure, je ne marchai à travers une tempête qui se répand?t en pluie de feu: il faut qu'il y ait guerre civile dans le ciel, ou que le monde, trop insolent envers les dieux, les excite à lui envoyer la destruction.
CICéRON.--Quoi! avez-vous donc vu des choses encore plus merveilleuses?
CASCA.--Un esclave de la plus basse classe, vous le connaissez de vue, a levé la main gauche en l'air, elle a flambé et br?lé comme vingt torches unies; et cependant sa main, insensible à la flamme, est restée intacte. Outre cela (et depuis mon épée n'est pas rentrée dans le fourreau), près du Capitole, j'ai rencontré un lion, ses yeux reluisants se sont fixés sur moi, puis il a passé d'un air farouche sans m'inquiéter; près de là s'étaient attroupées une centaine de femmes semblables à des spectres, tant la peur les avait défigurées: elles jurent qu'elles ont vu des hommes tout flamboyants errer par les rues; et hier, en plein midi, l'oiseau de la nuit s'est établi criant et gémissant sur la place du marché. Quand tous ces prodiges se rencontrent à la fois, que les hommes ne disent pas: ?Ils portent en eux-mêmes leurs causes, ils sont naturels.? Pour moi, je pense que ce sont des présages mena?ants pour la contrée dans laquelle ils ont eu lieu.
CICéRON.--En effet, ce temps semble disposé à d'étranges événements; mais les hommes interprètent les choses selon leur sens, très-différent peut-être de celui dans lequel se dirigent les choses-elles-mêmes. César vient-il demain au Capitole?
CASCA.--Il y vient, car il a chargé Antoine de vous faire savoir qu'il y serait demain.
CICéRON--Sur cela, je vous souhaite une bonne nuit, Casca: sous ce ciel orageux, il ne fait pas bon se promener dehors.
(Cicéron sort.)
(Entre Cassius.)
CASCA.--Adieu, Cicéron!
CASSIUS.--Qui va là?
CASCA.--Un Romain.
CASSIUS.--C'est la voix de Casca.
CASCA.--Votre oreille est bonne, Cassius, qu'est-ce que c'est qu'une nuit pareille?
CASSIUS.--Une nuit agréable aux honnêtes gens.
CASCA.--Qui a jamais vu les cieux menacer ainsi?
CASSIUS.--Ceux qui ont vu la terre aussi pleine de crimes. Pour moi, je me suis promené le long des rues,
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