Journal des Goncourt (Deuxième
série, troisième volume)
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Title: Journal des Goncourt (Deuxième série, troisième volume)
Mémoires de la vie littéraire
Author: Edmond de Goncourt
Release Date: January 12, 2006 [EBook #17505]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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DES GONCOURT ***
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Mémoires de la Vie Littéraire
DEUXIÈME SÉRIE--TROISIÈME VOLUME--TOME SIXIÈME
1878-1884
BIBLIOTHÈQUE G. CHARPENTIER ET E. FASQUELLE,
ÉDITEURS, PARIS, 11, RUE DE GRENELLE. 1892
PRÉFACE
Voici quarante ans, que je cherche à dire la vérité dans le roman, dans
l'histoire et le reste. Cette passion malheureuse a ameuté contre ma
personne, tant de haines, de colères, et donné lieu à des interprétations
si calomnieuses de ma prose, qu'à l'heure qu'il est, où je suis vieux,
maladif, désireux de la tranquillité d'esprit,--je passe la main pour la
dire, cette vérité,--je passe la main aux jeunes, ayant la richesse du sang
et des jarrets qui ploient encore.
Maintenant, dans un Journal, comme celui que je publie, la _vérité
absolue_ sur les hommes et les femmes, rencontrés le long de mon
existence se compose d'une vérité agréable--dont on veut bien; mais
presque toujours tempérée par une vérité désagréable--dont on ne veut
absolument pas. Eh bien, dans ce dernier volume, je vais tâcher, autant
qu'il m'est possible, de servir seulement aux gens, saisis par mes
instantanés, la vérité agréable, l'autre vérité qui fera la vérité absolue,
viendra vingt ans après ma mort.
EDMOND DE GONCOURT.
Auteuil, décembre 1891.
Ce volume du JOURNAL DES GONCOURT est le dernier qui paraîtra
de mon vivant.
* * * * *
ANNÉE 1878
Mardi 1er janvier 1878.--Ce jour, ce premier jour de l'an d'une
nouvelle année, se lève chez moi, comme dans une salle d'hôpital.
Pélagie, les mains et les pieds enveloppés de ouate, se traîne avec des
gestes gauches, se demandant si jamais l'adresse des mouvements lui
reviendra, et moi, la poitrine déchirée par des quintes de toux qui me
font vomir, je me demande si je pourrai, ce soir, au sortir de mon lit,
m'asseoir à la table de famille des Lefebvre de Béhaine.
Un coup de tonnerre singulier en Bavière. Il brûle une maison, rend
folle une servante, fait marcher pendant deux jours une femme
paralysée depuis dix-sept ans, refait aveugle la soeur de cette femme,
qui avait recouvré la vue à la suite d'une opération de la cataracte.
* * * * *
Dimanche 6 janvier.--Aujourd'hui, le ministre de l'instruction publique
m'a fait l'honneur de m'inviter à dîner. C'est la première fois, que mon
individu fait son entrée dans un ministère.
En ce temps-ci, les ministères me semblent avoir quelque chose des
grands appartements d'hôtel garni, où l'on sent que les gens passent et
ne demeurent pas.
Me voilà donc dans le salon du ministère, meublé d'épouvantables
encoignures en bois de boule, de canapés et de fauteuils recouverts de
moquette, imitant les tapisseries anciennes de Beauvais, de gravures de
la calcographie dans des baguettes de bois doré, sur les boiseries
blanches.
Le choix des convives est tout à fait audacieux, et les mânes des
anciens et raides universitaires, qui, le dos à la cheminée, se sont
avancés jusqu'à ces derniers jours, vers leurs classiques invités, doivent
tressaillir d'indignation dans leurs bières de chêne. Il y a Flaubert,
Daudet et moi, et le dessus du panier des peintres et des musiciens, tous
portant le ruban ou la rosette de la Légion d'honneur, et parmi lesquels
Hébert et Ambroise Thomas apparaissent, cravatés de pourpre, et la
poitrine chrysocalée d'une énorme croix.
On se rend dans la salle à manger. Bardoux prend à sa droite Girardin,
à sa gauche Berthelot: le fabricateur de La France a été jugé un convive
plus important que le décompositeur des corps simples.
Les domestiques tristes, ennuyés, compassés, apportent dans leur
service un certain dédain des gens qu'ils servent: dédain qui me fait
plaisir, comme une manifestation réactionnaire.
Le hasard m'a placé à côté de Leconte de Lisle, qu'on m'avait dit un
ennemi de ma littérature. Il m'adresse un mot aimable, et nous causons.
L'homme, avec ses yeux lumineux, le poli de marbre de la chair de sa
figure, sa bouche sarcastique, ressemble beaucoup à un prélat de race
supérieure, à un prélat romain. Je le trouve spirituel, délicatement
méchant, parlant peut-être un
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