Jim lindien | Page 4

Gustave Aimard
tous les cas, c’est pitoyable qu’il ne l’ait pas visité avant d’écrire son poème, -- Néanmoins, poursuivit la jeune fille, pour être juste, je dois apporter une restriction à ce que je viens de vous dire; les Indiens convertis au christianisme sont tout à fait différents, ils ont laissé de c?té, leurs allures et vêtements sauvages, pour adopter ceux de la civilisation; ils sont devenus des créatures passables. J’en ai vu plusieurs, et, le contraste frappant qu’ils offrent en regard de leurs frères barbares, m’a porté à en dire du bien. Je pourrais vous en nommer: Chaskie, Paul, par exemple, qui seraient dignes de servir de modèles à beaucoup d’hommes blancs.
-- Ainsi, vous admettrez qu’il se trouve parmi eux des êtres humains?
-- Très certainement. Il y en a un surtout qui vient parfois rendre visite à l’oncle John. Il est connu sous le nom de Jim Chrétien; je peux dire que c’est un noble gar?on. Je ne craindrais point de lui confier ma vie en toute circonstance,
-- Mais enfin, Maria, parlant sérieusement, ne pensez-vous pas que ces mêmes hommes rouges dont vous faites si peu de cas, ne sont devenus pervers que par la fatale et détestable influence des Blancs. Ces trafiquants!... Ces agents!...
-- Je ne puis vous le refuser. Il est tout-à-fait impossible aux missionnaires de lutter contre les machinations de ces vils intrigants. Pauvres, bons missionnaires! voilà des hommes dévoués! Je vous citerai le docteur Williamson qui a fourni une longue et noble carrière, au milieu de ces peuplades farouches, se heurtant sans cesse à la mort, à des périls pires que la mort! tout cela pour leur ouvrir la voie qui mène au ciel! Et le Père Riggs, qui, depuis trente-cinq ans, erre autour du Lac qui parle, ou Jyedan, comme les Indiens l’appellent. C’est un second ap?tre saint Paul; dans les bois, dans les eaux, dans le feu, en mille occasions sa vie a été en péril; un jour sa misérable hutte br?la sur sa tête; il ne p?t s’échapper qu’à travers une pluie de charbons ardents. Eh bien! il bénissait le ciel d’avoir la vie sauve, pour la consacrer encore au salut de ses chères ouailles
-- Je suppose que ces pauvres missionnaires sont relevés et secourus de temps en temps, dans ces postes périlleux?
-- Pas ceux-là, du moins! Ils se croiraient indignes de l’apostolat s’ils faiblissaient un seul instant; cette lutte admirable, ils la continueront jusqu’à la mort. Pour savoir ce que c’est que le sublime du dévouement, il faut avoir vu de près le missionnaire Indien!
-- Ah! voici un changement de décor, à vue, dans le paysage; regardez-moi ?à! s’écrie le jeune artiste en ouvrant son album et taillant ses crayons; je vais croquer ce site enchanté.
-- Vous n’aurez pas le temps, mon cousin. Regardez par-dessus la rive, à environ un quart de mille; voyez-vous une voiture qui est proche d’un bouquet de sycomores; elle est attelée d’un cheval; un jeune homme se tient debout à c?té.
Adolphe implanta gravement son lorgnon dans l’oeil droit, et inspecta les bords du fleuve pendant assez longtemps avant de répondre.
-- J’ai quelque idée d’avoir aper?u ce dont vous me parlez. Quel est le propriétaire, est-ce l’oncle John?... dit-il enfin.
-- Oui; et je pense que c’est Will qui m’attend. Un petit temps de galop à travers la prairie, et nous serons arrivés au terme de notre voyage.
CHAPITRE II LéGENDES DU FOYER.
Après avoir fait des tours et des détours sans nombre, le petit steamer vira de bord se rangea sur le rivage, mouilla son ancre, raidit une amarre, jeta son petit pont volant, et nos deux jeunes passagers débarquèrent.
-- Ah! Will! c’est toi?... Comment ?a va, vieux gamin?...
Cette exclamation d’Halleck s’adressait à un robuste et beau gar?on, bronzé par le soleil et le hale du désert, mais qui demeura tout interdit, ne reconnaissant pas son interlocuteur.
-- Mais, Will! vous ne voyez donc pas notre cousin Adolphe? demanda Maria en riant.
-- Ha! ha! le soleil me donnait donc dans l’oeil de ce c?té-là! répondit sur le champ le jeune settler; ?a va bien, Halleck?... je suis ravi de vous voir! vous êtes le bienvenu chez nous, croyez-le.
-- Je vous crois, mon ami, répondit Halleck en échangeant une cordiale poignée de main; sans cela, je ne serais point venu. Ah! mais! ah mais! vous avez changé, Will! Peste! vous voilà un homme! je vous ai tenu au bout de mon lorgnon pendant dix minutes, et, jamais je n’aurais soup?onné votre identité, n’eut été Maria qui n’a su me parler que de vous.
-- Est-il impertinent! mais vous êtes un monstre! Vingt fois j’ai eu mon ombrelle levée sur votre tête pour vous corriger, mais je vais vous punir une bonne fois!
-- Prenez ma cane, cousine, ce sera mieux que votre parasol.
Chacun se mit à rire, on emballa valise, portefeuille, album et boites de
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