Jim Harrison, boxeur | Page 7

Sir Arthur Conan Doyle
instant quelle sorte d'homme il avait été jadis.
Par une matinée d'été le petit Jim et moi étions debout près de la porte de la forge, quand une voiture privée, avec ses quatre chevaux frais, ses cuivres bien brillants, arriva de Brighton avec un si joyeux tintamarre de grelots que le champion accourut, un fer a cheval à demi courbé dans ses pinces, pour y jeter un coup d'oeil.
Un gentleman, couvert d'une houppelande blanche de cocher, un Corinthien, comme nous aurions dit en ce temps-là, conduisait et une demi-douzaine de ses amis, riant, faisant grand bruit, étaient perchés derrière lui. Peut-être que les vastes dimensions du forgeron attirèrent son attention, peut-être fut-ce simple hasard, mais comme il passait, la lanière du fouet de vingt pieds que tenait le conducteur siffla et nous l'entend?mes cingler d'un coup sec le tablier de cuir du forgeron.
-- Holà, ma?tre, cria le forgeron en le suivant du regard, votre place n'est pas sur le siège, tant que vous ne saurez pas mieux manier un fouet.
-- Qu'est-ce que c'est? dit le conducteur en tirant sur les rênes.
-- Je vous invite à faire attention, ma?tre, ou bien il y aura un oeil de moins sur la route où vous conduisez.
-- Ah! c'est comme cela que vous parlez, vous, dit le conducteur en pla?ant le fouet dans la gaine et ?tant ses gants de cheval. Nous allons causer un peu, mon beau gaillard.
Les gentilshommes sportsmen de ce temps-là étaient d'excellents boxeurs pour la plupart, car c'était la mode de suivre le cours de Mendoza tout comme quelques années plus tard, il n'y avait pas un homme de la ville qui n'e?t porté le masque d'escrime avec Jackson.
Avec ce souvenir de leurs exploits, ils ne reculaient jamais devant la chance d'une aventure de grande route et il arrivait bien rarement que le batelier ou le marin eussent lieu de se vanter après qu'un jeune beau ait mis habit bas pour boxer avec lui.
Celui-là s'élan?a du siège avec l'empressement d'un homme qui n'a pas de doutes sur l'issue de la querelle et, après avoir accroché sa houppelande à collet à la barre de dessus, il retourna coquettement les manchettes plissées de sa chemise de batiste. -- Je vais vous payer votre conseil, mon homme, dit-il.
Les amis, qui étaient sur la voiture, savaient, j'en suis certain, qui était ce gros forgeron et se faisaient un plaisir de premier ordre de voir leur camarade donner tête baissée dans le piège.
Ils poussaient des hurlements de satisfaction et lui jetaient à grands cris des phrases, des conseils.
-- Secouez-lui un peu sa suie, Lord Frederick, criaient-ils. Servez-lui son déjeuner à ce Jeannot-tout-cru. Roulez-le dans son tas de cendre. Et dépêchez-vous, sans quoi vous allez voir son dos.
Encouragé par ces clameurs, le jeune patricien s'avan?a vers son homme.
Le forgeron ne bougea pas, mais ses lèvres se contractèrent avec une expression farouche pendant que ses gros sourcils s'abaissaient sur ses yeux per?ants et gris.
Il avait laché les tenailles et les bras libres étaient ballants.
-- Faites attention, mon ma?tre, dit-il. Sans cela vous allez vous faire poivrer.
Il y avait dans cette voix un ton d'assurance, il y avait dans cette attitude une fermeté calme, qui firent deviner le danger au jeune Lord.
Je le vis examiner son antagoniste attentivement et aussit?t ses mains tombèrent, sa figure s'allongea.
-- Pardieu! s'écria-t-il, c'est Jack Harrison. -- Lui-même, mon ma?tre.
-- Ah! je croyais avoir affaire à quelque mangeur de lard du comté d'Essex. Eh! eh! mon homme, je ne vous ai pas revu depuis le jour où vous avez presque tué Baruch le noir, ce qui m'a co?té cent bonnes livres.
Quels hurlements poussait-on sur la voiture!
-- _Kiss! Kiss!_ Par Dieu! criaient-ils, c'est Jack Harrison l'assommeur. Lord Frederick était sur le point de s'en prendre à l'ex-champion. Flanquez-lui un coup sur le tablier, Fred, et voyons ce qui arrivera.
Mais le conducteur était déjà remonté sur son siège et riait plus fort que tous ses camarades.
-- Nous vous laissons aller pour cette fois, Harrison, dit-il. Sont-ce là vos fils?
-- Celui-ci est mon neveu, ma?tre.
-- Voici une guinée pour lui. Il ne pourra pas dire que je l'aie privé de son oncle.
Et ayant mis ainsi les rieurs de son c?té par la fa?on gaie de prendre les choses, il fit claquer son fouet et l'on partit à fond de train pour faire en moins de cinq heures le trajet de Londres, tandis que Harrison, son fer non achevé à la main, rentrait chez lui en sifflant.
II -- LE PROMENEUR DE LA FALAISE ROYALE
Tel était donc le champion Harrison.
Il faut maintenant que je dise quelques mots du petit Jim, non seulement parce qu'il fut mon compagnon de jeunesse, mais parce qu'en avan?ant dans la lecture de ce livre, vous vous apercevrez que c'est son histoire encore plus que la mienne et qu'il arriva un temps où son nom
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