et madame n'entendaient pas trop ce que le gouverneur voulait dire; mais ils furent enti��rement de son avis.
Un seigneur comme monsieur le marquis, continua-t-il , ne doit pas se dess��cher le cerveau dans ces vaines ��tudes. Si un jour il a besoin d'un g��om��tre sublime, pour lever le plan de ses terres, il les fera arpenter pour son argent. S'il veut d��brouiller l'antiquit�� de sa noblesse, qui remonte aux temps les plus recul��s, il enverra chercher un b��n��dictin. Il en est de m��me de tous les arts. Un jeune seigneur heureusement n�� n'est ni peintre, ni musicien, ni architecte, ni sculpteur; mais il fait fleurir tous ces arts en les encourageant par sa magnificence. Il vaut sans doute mieux les prot��ger que de les exercer; il suffit que monsieur le marquis ait du go?t; c'est aux artistes �� travailler pour lui; et c'est en quoi on a tr��s grande raison de dire que les gens de qualit�� (j'entends ceux qui sont tr��s riches) savent tout sans avoir rien appris, parcequ'en effet ils savent �� la longue juger de toutes les choses qu'ils commandent et qu'ils paient.
L'aimable ignorant prit alors la parole, et dit: Vous avez tr��s bien remarqu��, madame, que la grande fin de l'homme est de r��ussir dans la soci��t��. De bonne foi, est-ce par les sciences qu'on obtient ce succ��s? s'est-on jamais avis�� dans la bonne compagnie de parler de g��om��trie? demande-t-on jamais �� un honn��te homme quel astre se l��ve aujourd'hui avec le soleil? s'informe-t-on �� souper si Clodion-le-Chevelu passa le Rhin? Non, sans doute, s'��cria la marquise de La Jeannoti��re, que ses charmes avaient initi��e quelquefois dans le beau monde, et monsieur mon fils ne doit point ��teindre son g��nie par l'��tude de tous ces fatras; mais enfin que lui apprendra-t-on? car il est bon qu'un jeune seigneur puisse briller dans l'occasion, comme dit monsieur mon mari. Je me souviens d'avoir ou? dire �� un abb�� que la plus agr��able des sciences ��tait une chose dont j'ai oubli�� le nom, mais qui commence par un B.--Par un B, madame? ne serait-ce point la botanique?--Non, ce n'��tait point de botanique qu'il me parlait; elle commen?ait, vous dis-je, par un B, et finissait par un on.--Ah! j'entends, madame; c'est le blason: c'est, �� la v��rit��, une science fort profonde; mais elle n'est plus �� la mode depuis qu'on a perdu l'habitude de faire peindre ses armes aux porti��res de son carrosse; c'��tait la chose du monde la plus utile dans un ��tat bien polic��. D'ailleurs cette ��tude serait infinie; il n'y a point aujourd'hui de barbier qui n'ait ses armoiries; et vous savez que tout ce qui devient commun est peu f��t��. Enfin, apr��s avoir examin�� le fort et le faible des sciences, il fut d��cid�� que monsieur le marquis apprendrait �� danser.
La nature, qui fait tout, lui avait donn�� un talent qui se d��veloppa bient?t avec un succ��s prodigieux; c'��tait de chanter agr��ablement des vaudevilles. Les graces de la jeunesse, jointes �� ce don sup��rieur, le firent regarder comme le jeune homme de la plus grande esp��rance. Il fut aim�� des femmes; et ayant la t��te toute pleine de chansons, il en fit pour ses ma?tresses. Il pillait Bacchus et l'Amour dans un vaudeville, la nuit et le jour dans un autre, les charmes et les alarmes dans un troisi��me; mais, comme il y avait toujours dans ses vers quelques pieds de plus ou de moins qu'il ne fallait, il les fesait corriger moyennant vingt louis d'or par chanson; et il fut mis dans l'Ann��e litt��raire au rang des La Fare, des Chaulieu, des Hamilton, des Sarrasin, et des Voiture.
Madame la marquise crut alors ��tre la m��re d'un bel esprit, et donna �� souper aux beaux esprits de Paris. La t��te du jeune homme fut bient?t renvers��e; il acquit l'art de parler sans s'entendre, et se perfectionna dans l'habitude de n'��tre propre �� rien. Quand son p��re le vit si ��loquent, il regretta vivement de ne lui avoir pas fait apprendre le latin, car il lui aurait achet�� une grande charge dans la robe. La m��re, qui avait des sentiments plus nobles, se chargea de solliciter un r��giment pour son fils; et en attendant il fit l'amour. L'amour est quelquefois plus cher qu'un r��giment. Il d��pensa beaucoup, pendant que ses parents s'��puisaient encore davantage �� vivre en grands seigneurs.
Une jeune veuve de qualit��, leur voisine, qui n'avait qu'une fortune m��diocre, voulut bien se r��soudre �� mettre en s?ret�� les grands biens de monsieur et de madame de La Jeannoti��re, en se les appropriant, et en ��pousant le jeune marquis. Elle l'attira chez elle, se laissa aimer, lui fit entrevoir qu'il ne lui ��tait pas indiff��rent, le conduisit par degr��s, l'enchanta, le subjugua sans peine. Elle lui donnait tant?t des ��loges, tant?t des conseils; elle devint la meilleure
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