maison paternelle des bords du Saint-Laurent, et �� celle qui attendait avec impatience le retour du voyageur.
Le chantier ��tait souvent troubl��, durant la nuit, par le voisinage d'un ours que les senteurs de la cuisine avaient attir�� �� une mort certaine.
On se levait en se bousculant pour avoir l'honneur de lui donner le premier coup. On d��daignait les armes �� feu; la hache meurtri��re du b?cheron ��tait suffisante pour ces hommes de fer qui ignoraient le danger. Martin y laissait toujours sa peau, et quelque voyageur y gagnait quelquefois un coup de griffe.
Le printemps arrivait avec la fonte des neiges et la descente des billots.
On encageait{2} en chantant les refrains du pays on allait bient?t revoir ceux qu'on aimait et les coeurs bondissaient �� la pens��e du retour au foyer.
On ?sautait? les rapides en bravant mille fois la mort, et le gousset bien garni et les mains remplies de cadeaux achet��s en passant �� Montr��al, on tombait comme une bombe au milieu de la famille enchant��e.
Les r��jouissances duraient deux ou trois semaines. Venaient ensuite les r��coltes.
On travaillait �� aider les vieilles gens, et une fois les grains en s?ret��, on reprenait en chantant la route de la for��t pour recommencer pour une autre saison les travaux et les p��rils du voyageur.
Le type est maintenant--�� quelques rares exceptions pr��s--presque enti��rement disparu. La civilisation moderne, la colonisation des contr��es situ��es au nord de l'Outaouais, les facilit��s du commerce et de la navigation, la vapeur ont tour �� tour d��truit ce qui restait encore de pittoresque et d'original dans le caract��re du ?canotier voyageur?.
Ce cachet ind��l��bile du ?coureur des bois? et de ?l'homme de chantier? que l'on rencontrait si souvent dans nos campagnes et dans les rues des villes de Montr��al et de Qu��bec, est pass�� �� l'��tat de l��gende.
On entend encore les vieillards raconter leurs exploits parmi les indiens du Nord-Ouest et dans les for��ts vierges de l'Outaouais, mais les enfants, maintenant, vont �� l'��cole, passent au coll��ge, et finissent g��n��ralement par choisir l'outil de l'artisan ou l'��tude des professions lib��rales.
La sc��ne que nous avons racont��e, au premier chapitre, ��tait donc, en 1872, chose �� peu pr��s exceptionnelle. Aussi l'arriv��e des voyageurs dans le joli village de Lavaltrie eut-elle pour effet de rassembler le soir m��me, �� la ferme du p��re Mont��pel, tous les amis des alentours qui se disputaient le privil��ge de serrer la main du fils unique qui revenait des chantiers apr��s une absence de neuf mois.
III
Pierre
J'aime, ? terre b��nie, o�� dorment nos a?eux! Tes lacs d'azur au fond des bois harmonieux O�� murmure une onde limpide. Tes coteaux ��maill��s de hameaux ��clatants Qui se mirent au loin dans les flots transparents De ton fleuve large et rapide.
(L.-J.-C. Fiset.)
Au nombre des hardis soldats qui accompagnaient M. Marganne de Lavaltrie, lors de son premier voyage au Canada, avec le r��giment de Carignan-Sali��res, se trouvait l'arri��re grand-p��re du fermier Jean-Louis Mont��pel.
Originaire de la haute Normandie et descendant de fermier de p��re en fils depuis des g��n��rations, Mont��pel avait continu��, apr��s l'expiration de son service au Canada, �� se livrer �� la culture des champs.
Les rives encore incultes du fleuve Saint-Laurent offraient des avantages magnifiques �� l'agriculture, et M. de Lavaltrie charm�� par le site pittoresque du village qui porte encore son nom, s'��tait ��tabli avec ses anciens soldats au nord de la magnifique pointe de sapins, que l'on appelle encore aujourd'hui ?le domaine de Lavaltrie.?{3} [Augmentation. ?Concession du 21 avril 1734, faite par Charles, marquis de Beauharnois, Gouverneur, et Gilles Hocquart, Intendant au sieur Marganne de Lavaltrie, d'une lieue et demi de terre de front sur deux lieues et demie de profondeur, du fief de Lavaltrie; pour ��tre la dite prolongation en profondeur unie et jointe au fief de Lavaltrie, et ne faire qu'une m��me seigneurie, laquelle, par ce moyen, se trouvera ��tre d'une lieue et demie de front sur quatre lieues de profondeur.?--Registre d'Intendance, No. 7, folio 24.]
Mont��pel s'��tait fix�� pr��s de l'humble manoir de son officier et avait mis en culture une des plus belles fermes des environs.
Le fermier Jean-Louis Mont��pel que nous venons d'introduire �� nos lecteurs, poss��dait encore le fief de ses p��res et avait la r��putation d'��tre ce qu'on appelle au Canada un ?habitant �� son aise?.
Lors de la cession du Canada �� l'Angleterre, en 1763, son grand-p��re qui ��tait alors lieutenant dans une compagnie de milice volontaire, avait ��t�� fait prisonnier �� Longueuil par les troupes du g��n��ral Amherst.
Le lieutenant Mont��pel avait ��t�� trait�� avec bont�� par les officiers anglais, pendant sa courte captivit��, et lors de l'invasion am��ricaine, en 1776, il s'��tait empress�� de lever une nouvelle compagnie pour d��fendre les droits de la couronne d'Angleterre, comme il avait d��fendu jadis l'autorit�� du roi de France.
Cette fid��lit�� au nouveau gouvernement, de la part des Mont��pel, avait caus�� quelque m��contentement parmi les vieillards qui ch��rissaient encore
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