Jean-nu-pieds, Vol. I | Page 9

Albert Delpit
mais ferme:
--Ce que vous ordonnez sera accompli, monsieur le marquis. J'ai embrass�� vos genoux pour implorer mon pardon... vous ��tes rest�� sans piti��. C'��tait votre droit.
--C'��tait mon devoir!
--Mais, quoi que vous ordonniez, j'ob��irai!
--Je vous d��fends de repara?tre jamais �� mes yeux... Je ne vivrai pas bien longtemps, d'ailleurs. Vous m'avez port�� le dernier coup. Comme je ne veux pas qu'il y ait rien de commun entre mon fils unique et vous, je ferai deux parts de ma fortune. Vous h��riterez de moi de mon vivant, car je suis mort pour vous, comme, pour moi, vous ��tes mort.
--Je ferai mieux, monsieur le marquis, dit Philippe avec une fiert�� triste. Je comprends ce que vous souffrez. Un Kardigan vous irrite dans les rangs du peuple? Je quitterai mon nom..., mais, en retour, laissez-moi vous adjurer une derni��re fois... Oui, il y a des fatalit��s humaines; oui, c'est affreux de penser que j'��tais avec ceux qui ont tu�� Louis... qui ont assassin�� Marianne... Mon pauvre fr��re! lui si beau et si bon!... ma pauvre Marianne que j'aimais tant, et pour qui j'esp��rais tant de joies!...
Il s'arr��ta un instant.
Puis il reprit plus bas:
--Ah! c'est l�� mon chatiment, mon p��re! si vous pouviez lire dans mon coeur, vous y verriez un tel d��sespoir, que vous auriez piti�� de moi!...
M. de Kardigan fit un mouvement comme pour s'avancer vers Philippe.
Mais il retomba dans son immobilit��.
--Eh bien! je n'h��site pas �� vous ob��ir, continua le jeune homme. Tous vos ordres seront respect��s, parce qu'ils viennent de vous. Mais ne laissez point peser sur mon front cette mal��diction qui me tue... Tenez! ce n'est plus m��me le pardon que j'implore, c'est l'oubli. Je comprends qu'il est de ces traditions de fid��lit�� qui ne doivent pas ��tre bris��es... Mais pensez que je perds le m��me jour mon p��re, mon fr��re et ma soeur!... Je reste orphelin et seul...
L'��motion du marquis grandissait �� cet appel d��chirant qui frappait �� son coeur.
Il se disait que ce jeune homme ��tait son enfant et qu'il pleurait.
S'il l'e?t trouv�� orgueilleux devant lui, rebelle �� sa volont��, peut-��tre f?t-il rest�� implacable.
--Mais au moins piti�� pour le reste! acheva faiblement Philippe... Pardonnez-moi, mon p��re! L'oubli ne me suffirait plus! et n'enseignez pas �� Jean �� me ha?r!
M. de Kardigan ��tait vaincu.
--Mon Dieu, dit-il, ma parole a ��t�� plus rapide que mon coeur... Ne fais pas retomber ta col��re sur la t��te de cet enfant.
Philippe s'��tait agenouill��.
--Me permettez-vous d'assister au convoi de nos pauvres morts, mon p��re?
--Non!
--Oui... ils sont les victimes des miens.
--Je pardonne, parce que vous n'��tes plus rien pour moi. J'accepte ce que vous m'avez offert. Vous quitterez votre nom. Les Kardigan ont toujours ��t�� fid��les!
Il fit de nouveau quelques pas vers la porte.
--Si je mourais, mon p��re, vous ne me laisseriez pas m'en aller sans un dernier adieu! Puisque je suis mort pour vous... que l'adieu soit le m��me!
Le marquis regarda ce jeune visage, o�� les larmes avaient creus�� leur sillon.
Il eut piti��...
Lentement, d'un geste noble et triste, il tendit sa main �� Philippe, qui l'embrassa �� plusieurs reprises.
--Dieu vous garde! dit-il.
Et il s'��loigna rapidement.

VI
FERNANDE
On sait que M. de Salis, colonel des Suisses, avait envoy�� Jean de Kardigan au mar��chal Marmont.
Le troisi��me fils du marquis ��tant le h��ros de ce roman, le lecteur nous permettra de faire, en quelques lignes, son portrait.
Louis et Philippe tenaient de leur p��re.
Jean, comme Marianne, ressemblait �� sa m��re. La forte race des Kardigan ne se retrouve pas dans cette fr��le nature, presque f��minine. La taille est moyenne. Les cheveux blonds couvrent un front o�� la pens��e a mis son empreinte. C'est un adolescent de vingt ans, avec tout le charme et toute l'��l��gance d'une nature fine.
Les yeux sont noirs, un peu trop enfonc��s dans la t��te pourtant. La l��vre rouge cache des dents tr��s blanches. Les extr��mit��s sont petites; une moustache et une royale blondes ach��vent de donner �� cette charmante figure une ressemblance frappante avec le portrait de Jean de l'Aigle, a?eul des Kardigan, qu'on peut voir �� Versailles. Mais c'est une ame indomptable qui vit dans ce corps.
Quand il ��tait arriv�� au r��giment avec son allure un peu timide, Jean avait commenc�� par faire sourire ses camarades qui le surnomm��rent en riant: Mademoiselle.
Le premier qui s'avisa de dire en face ce mot au jeune homme, re?ut en plein visage le gant du baron.
Il s'appelait Aymond de Chelles.
Le lendemain, ils se rencontr��rent au bois de Boulogne, dans une all��e ��cart��e.
Aymond, grand et beau gar?on, tr��s fort, semblait ne devoir faire qu'une bouch��e de son adversaire.
De plus, il avait une r��putation de tireur �� l'��p��e qui en imposait aux plus r��solus.
Or, pendant les dix minutes que dura le combat, Jean joua avec l'��p��e de son adversaire comme l'e?t fait un Saint-Georges.
Quand il eut suffisamment montr�� sa force aux t��moins stup��faits, le jeune baron prit de tierce le fer
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