encore il est, je crois, facile de reconstruire par la pensée cette enceinte primitive, qui devait être circonscrite par les rues actuelles du Boyer, Sainte-Anne, Saint-Beno?t, Danican et une partie de la rue consacrée à la mémoire de ce Porcon de la Babinais, que M. Cunat qualifie si proprement de Regulus malouin.
Quoi qu'il en soit, favorisé par la bonté de son port et son heureuse situation à l'embouchure de la Rance, Saint-Malo, qui avait été baptisé du nom de son premier évêque, cr?t rapidement en grandeur, en prospérité sous la domination et la juridiction cléricales.
?Grace, dit son historien, à la modicité du prix exigé par les seigneurs ecclésiastiques pour accorder ce que l'on a appelé depuis congé d'amiral, le commerce maritime prit bient?t de l'extension.? Dès le milieu du treizième siècle, les Malouins allaient en course et méritaient le titre de troupes légères de la mer; en 1241, ils s'associaient à la Ligue anséatique; sous saint Louis, ils prenaient une part active aux Croisades; puis ils se lan?aient vaillamment, opiniatrement dans cette lutte sanglante qui, pendant près de deux cents ans, désola la France et l'Angleterre.
Plusieurs fois assiégée, prise et saccagée durant ces guerres formidables, la ville de Saint-Malo ne développa pas moins sa population, sa richesse, sa puissance. Tandis que le pavillon britannique flottait sur Paris et sur toutes les forteresses normandes, le cardinal-évêque Guillaume de Montfort arma quelques nefs à Saint-Malo, battit et dispersa la flotte anglaise qui bloquait le Mont-Saint-Michel. En récompense de cette victoire, Charles VII rendit, le 6 ao?t 1425, un décret par lequel les vaisseaux malouins seraient exempts pendant trois années de toute imposition dans les ports soumis à la couronne.
Cet édit et les lettres de franchise accordées par le duc Fran?ois Ier de Bretagne, en 1446 et 1447, aux habitants de Saint-Malo furent très-avantageux au commerce. Aussi l'agrandissement de la ville nécessita-t-il bient?t des fortifications nouvelles.
Suivant une tradition, dont l'autorité me para?t suspecte, les Malouins étendaient déjà si loin leurs excursions maritimes que, dès 1492, l'année même de l'arrivée de Colomb dans la mer des Antilles, ils auraient, ?de concert avec les Dieppois et les Biscayens,? découvert l'?le de Terreneuve et quelques c?tes du bas-Canada. A cette époque, cependant, les navigateurs de Saint-Malo s'étaient acquis une notoriété rare, et leur havre passait pour l'un des plus considérables du continent.
Deux ans plus tard, le 31 décembre 1494, naissait
Jacques Cartier, le futur explorateur du Saint-Laurent--le héros de ce récit.
Saint-Malo, dont la population monta (en 1700) jusqu'à près de 20,000 ames, intra muros, et dont les relations se prolongeaient dans toutes les mers connues; Saint-Malo qui, avant la paix honteuse de 1763, avait, en quatre années, armé 40 navires pour les Antilles, 33 pour la c?te de Guinée, 438 pour Terreneuve et le Canada, non compris de nombreuses expéditions pour les Grandes-Indes et la Chine; Saint-Malo, à présent déchu de sa splendeur, et dont, le vaste port, à demi désert, les somptueux batiments abandonnés et noircis par le temps, semblent en deuil de la vie absente, de leurs h?tes disparus; Saint-Malo, dont le recensement donne à peine aujourd'hui 10,000 habitants, était tout aussi peuplé, mais bien autrement animé, bien autrement affairé au milieu du seizième siècle.
Que, sous le rapport du pittoresque, du l'élégance, la ville de la Renaissance ou du moyen age e?t paru a un poète, supérieure à la ville moderne! Malgré ses quais magnifiques, ses superbes remparts, sa Bourse, son Intendance, ses monumentales constructions rectilignes, de la défunte Compagnie des Indes, sur les rues de Chartres et d'Orléans, ses hautes maisons du temps de Louis XV, son beau chantier de marine, son m?le des Noirs, les bassins grandioses qu'on a substitués à son havre de marée, malgré son Casino, ses bains de mer, malgré même son railroad,--celle-ci peut faire regretter celle-là, avec ses grèves abruptes, ses ruelles escarpées, hérissées ?a et là d'escaliers branlants; ses places étroites, mais bigarrées de gens de toutes les nations, ses batisses multiformes, aux étages surplombant, aux pignons aigus, ornementés, aux vitraux de couleur; et ses nombreuses tours, et ses d?mes, et ses clochers, et ses campanilles, et ses pyramides égarées dans les nues, et, en un mot, le mouvement qui, du matin au soir, régnait à l'intérieur comme au dehors des murs.
Qu'est-elle devenue, cette noble cathédrale, commencée par les picoteurs aléthiens vers le huitième siècle? Qu'en subsiste-t-il? Un tron?on, avec un méchant portail, relevé sous Louis XIII ou Louis XIV. Où sont aussi ces trois gigantesques colonnes-phares, surmontées de flèches effilées, qui se dressaient fièrement près de cette basilique? Où l'église des Récollets avec son clocheton ouvré en dentelle? Ou l'h?pital Saint-Thomas et ses gothiques arceaux? Où ce vaste couvent des Bénédictins dont la chapelle, dans le style byzantin, était un chef-d'oeuvre d'architecture? Où encore le joli moutier des religieuses du Calvaire? Où donc enfin le palais épiscopal,
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