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Israël en Égypte
The Project Gutenberg EBook of Israël en Égypte, by Maurice Bouchor
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Title: Israël en Égypte Étude sur un oratorio de G.F. Hændel
Author: Maurice Bouchor
Release Date: December 21, 2005 [EBook #17363]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK ISRAËL EN
ÉGYPTE ***
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[Illustration: Autograph A V. d'Indy, Très cordialement, M. Bouchor]
ISRAËL EN ÉGYPTE
MAURICE BOUCHOR
Israël en Égypte
ÉTUDE SUR UN ORATORIO
DE
G.F. HÆNDEL
[Illustration]
PARIS LIBRAIRIE FISCHBACHER SOCIÉTÉ ANONYME 33, RUE
DE SEINE, 33
1888
STRASBOURG, TYPOGRAPHIE DE G. FISCHBACH
A CASIMIR BAILLE
I
Croyez-moi, Baille, prenons l'habitude de retourner dans cette
hospitalière ville de Bâle, où il nous est permis de nous laver de toutes
les turpitudes contemporaines qui nous écoeurent dans l'un de ces
grands fleuves de la musique, Bach ou Hændel, larges et sereins
comme le fleuve des Amazones, sacrés comme le Gange et purifiants
comme lui. Ne disons pas trop de mal de Wagner: contentons-nous
d'échapper, fût-ce pour quelques heures, à son influence qui n'est pas
toujours bienfaisante. Entre deux auditions d'un chef-d'oeuvre riche en
fugues immenses, regardons couler le Rhin, pâmons-nous devant le
Saint Georges de la cathédrale ou devant le Saint Martin qui coupe en
deux son manteau comme pour en revêtir pieusement un tronc d'arbre;
étudions les dessins de Holbein, admirables de vie et de science, de
force et de vérité; ne négligeons pas d'arroser de quelque vin rose le
saumon du Rhin, les filets de féras, la tanche frite ou le fin brochet;
faisons résonner discrètement, dans le silence du musée gothique,
l'épinette ou le virginal; esquissons le sujet de mainte fugue de Bach sur
des touches creusées par les terribles galops d'anciens pandours du
clavicorde; enfin laissons-nous vivre, respirons un air paisible, perdons
tout souvenir des littératures et musiques faisandées dont le parfum
vaut celui de certaines cuisines parisiennes à dix-neuf sous, par les soirs
d'orage qui en exaltent les miasmes. Chaque année, Baille,
recommençons notre pèlerinage vers cette ville amie où les maîtres que
nous vénérons le plus nous apparaissent dans leur fulgurante beauté; et
redescendons lumineux de la sainte montagne, bras dessus, bras
dessous, comme Moïse et Aaron, vous plein de l'esprit de Dieu, moi
humble porte-parole, puisque le Seigneur m'a fait la grâce de délier ma
langue et que je peux, sans balbutier trop, dire aux autres ce que j'ai
profondément ressenti et verser en eux le trop-plein de mon âme.
En ce béni mois de juin 1887, nous avons goûté la fraîcheur d'une de
nos oasis de musique, si désirables dans le désert où nous tirons
piteusement la langue. Car notre Paris ignore Hændel, malgré les belles
exécutions du Messie et de _Judas Macchabée_, données par M.
Lamoureux, il y a une douzaine d'années, et auxquelles, hélas! je
n'assistais point, la lumière n'ayant pas été faite alors dans ma misérable
cervelle. Pourtant j'abominais l'Opéra; ses pompes m'étaient en horreur,
et cette instinctive répulsion trahissait une âme prédestinée. Je devais
un jour m'épanouir à la musique, me passionner pour les fugues. Loué
soit Dieu!
Le Rhin, cette fois, était jaune. Je l'avais vu d'un vert splendide sous le
ciel de l'été, puis sombre et charriant des glaçons par un temps de neige
bien approprié à ma joie du moment, puisque j'entendais au mois de
décembre dernier l'oratorio de Noël, oeuvre lumineuse et tendre, tour à
tour exquise par l'intimité ou exubérante de joie, et toute parfumée de
cette divine grâce que personne, non, pas même Mozart, n'eut jamais à
un aussi haut degré que le grand Sébastien. Cette fois il pleuvait donc à
torrents; mais vous m'êtes témoin, Baille, qu'après la répétition des
solistes, que nous ouîmes dans la cathédrale, le ciel, enthousiasmé par
les viriles mélodies de Hændel et tout surpris qu'on ne l'assassinât pas
de miaulements chromatiques et d'harmonies faites pour agacer les
dents, se rasséréna tout d'un coup et revêtit le plus virginal azur.
Les soli sont rares dans _Israël en Égypte_, cette oeuvre la plus mâle du
plus mâle génie que je connaisse. Presque entièrement écrite à huit voix,
elle est faite pour être chantée par de grandes masses chorales. Elle
renferme cependant plusieurs airs ou récits, et deux admirables duos. Il
est d'usage en Angleterre d'intercaler dans la partition quelques autres
soli,
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