Isidora | Page 5

George Sand
rejeter dans la vie d'��motion. Ce vieux malheureux demandait grace.
Il a des neveux assez riches, dit-il, et qui ne le n��gligeront pas toujours. Il leur a ��crit. Ils sont en province, bien loin; mais ils r��pondront, et il paiera si on lui et donne le temps.
Sans avoir de neveux, je suis dans une position analogue. Le notaire qui touche mon mince revenu de campagne m'oublie et me n��glige. Il ne le ferait pas si j'��tais un meilleur client, si j'avais trente mille livres de rente. Heureusement pour moi, mon loyer n'est pas arri��r��; mais je me trouve dans l'impossibilit�� maintenant de payer celui de mon vieux voisin. J'ai offert d'��tre sa caution; mais la malheureuse porti��re, cette triste et laide madame Germain, que la n��cessit�� condamne �� faire de sa servitude une tyrannie, a jet�� un regard de piti�� sur mes pauvres meubles, dont maintes fois elle a dress�� l'inventaire dans sa pens��e; et d'une voix apre, avec un regard o�� la d��fiance semblait chercher �� ��touffer un reste de piti��, elle m'a r��pondu que je n'avais pas un mobilier �� r��pondre pour deux, et qu'il lui ��tait interdit d'accepter la caution des locataires du cinqui��me les uns pour les autres. Alors, touch�� de la situation de mon voisin, j'ai ��crit au propri��taire un billet dont j'attache ici le brouillon avec une ��pingle.
?Madame,
?Il y a dans votre maison de la rue de ***, n�� 4, un pauvre homme qui paie quatre-vingts francs de loyer, et qu'on va mettre dehors parce que son paiement est arri��r�� de deux mois. Vous ��tes riche, soyez pitoyable; ne permettez pas qu'on jette sur le pav�� un homme de soixante-quinze ans, presque aveugle, qui ne peut plus travailler, et qui ne peut m��me pas ��tre admis �� un hospice de vieillards, faute d'argent et de recommandation. Ou prenez-le sous votre protection (les riches ont toujours de l'influence), et faites-le admettre �� l'h?pital, ou accordez-lui son logement. Si vous ne voulez pas, acceptez ma caution pour lui. Je ne suis pas riche non plus, mais je suis assur�� de pouvoir acquitter sa dette dans quelque temps. Je suis un honn��te homme; ayez un peu de confiance, si ce n'est un peu de g��n��rosit��.?
?JACQUES LAURENT.?

CAHIER N�� 1.--TRAVAIL.
Un ��tre qui ne vivrait que par le sentiment, et chez qui l'intelligence serait totalement inculte, totalement inactive, serait, �� coup s?r, un ��tre incomplet. Beaucoup de femmes sont probablement dans ce cas. Mais n'est-il pas beaucoup d'hommes en qui le travail du cerveau a totalement atrophi�� les facult��s aimantes? La plupart des savants, ou seulement des hommes adonn��s �� des professions purement lucratives, �� la chicane, �� la politique ambitieuse, beaucoup d'artistes, de gens de lettres, ne sont-ils pas dans le m��me cas? Ce sont des ��tres incomplets, et, j'ose le dire, le plus facheusement, le plus dangereusement incomplets de tous! Or donc, l'induction des p��dants, qui concluent de l'inaction sociale apparente de la femme, qu'elle est d'une nature inf��rieure, est d'un raisonnement...

CAHIER N�� 2.--JOURNAL.
30 d��cembre.
Absurde! ��videmment je l'ai ��t��. Ces valets m'auront pris pour un galant de mauvaise compagnie, qui venait risquer quelque insolente d��claration d'amour �� la dame du logis. Vraiment, cela me va bien! Mais je n'en ai pas moins ��t�� d'une simplicit�� extr��me avec mes bonnes intentions. La dame m'a paru belle quand je l'ai aper?ue dans son jardin. Son mari est jaloux, je vois ce que c'est... Ou peut-��tre ce propri��taire n'est-il pas un mari, mais un fr��re. Le concierge souriait d��daigneusement quand je lui demandais �� parler �� madame la comtesse; et cette soubrette qui m'a repouss�� de l'antichambre avec de grands airs de prude... Il y avait un air de myst��re dans ce pavillon entre cour et jardin, dont j'ai �� peine eu le temps de contempler le p��ristyle, quelque chose de noble et de triste comme serait l'asile d'une ame souffrante et fi��re... Je ne sais pourquoi je m'imagine que la femme qui demeure l�� n'est pas complice des crimes de la richesse. Illusion peut-��tre! N'importe, un vague instinct me pousse �� mettre sous sa protection le malheureux vieillard que je ne puis sauver moi-m��me.
3l janvier.
Je ne sais pas si j'ai fait une nouvelle maladresse, mais j'ai risqu�� hier un grand moyen. Au moment o�� j'allais fermer ma fen��tre, par laquelle entrait un doux rayon de soleil, le seul qui ait paru depuis quatre mortels jours, j'ai jet�� les yeux sur le jardin voisin et j'y ai vu mon innominata. Avec son manteau de velours noir doubl�� d'hermine, elle m'a paru encore plus belle que la premi��re fois. Elle marchait lentement dans l'all��e, abrit��e du vent d'est par le mur qui s��pare les deux jardins. Elle ��tait seule avec un charmant l��vrier gris de perle. Alors j'ai fait un coup de t��te! J'ai pris mon billet, je l'ai attach�� �� une b?chette
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