Isidora
The Project Gutenberg EBook of Isidora, by George Sand This eBook
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Title: Isidora
Author: George Sand
Release Date: October 14, 2004 [EBook #13744]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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[Illustration: 00.png]
ISIDORA
NOTICE
A Paris, 1845. C'était une très-belle personne, extraordinaire ment
intelligente, et qui vint plusieurs fois _verser son coeur à mes pieds_,
disait-elle. Je vis parfaitement qu'elle posait devant moi et ne pensait
pas un mot de ce qu'elle disait la plupart du temps. Elle eût pu être ce
qu'elle n'était pas. Aussi n'est-ce pas elle que j'ai dépeinte dans Isidora.
GEORGE SAND.
Nohant, 17 janvier 1853.
PREMIÈRE PARTIE.
JOURNAL D'UN SOLITAIRE A PARIS.
Il y a quelques années, un de nos amis partant pour la Suisse nous
chargea de ranger des papiers qu'il avait laissés à la campagne, chez sa
mère, bonne femme peu lettrée, qui nous donna le tout, pêle-mêle, à
débrouiller. Beaucoup des manuscrits de Jacques Laurent avaient déjà
servi à faire des sacs pour le raisin, et c'était peut-être la première fois
qu'ils étaient bons à quoique chose. Cependant nous eûmes le bonheur
de sauver deux cahiers qui nous parurent offrir quelque intérêt.
Quoiqu'ils n'eussent rien de commun ensemble, en apparence, la même
ficelle les attachait, et nous prîmes plaisir à mettre en regard les
interruptions d'un de ces manuscrits avec les dates de l'autre; ce qui
nous conduisit à en faire un tout que nous livrons à votre discrétion
bien connue, amis lecteurs. Nous avons désigné ces deux cahiers par les
numéros 1 et 2, et par les titres de Travail et Journal. Le premier était
un recueil de notes pour un ouvrage philosophique que Jacques Laurent
n'a pas encore terminé et qu'il ne terminera peut-être jamais. Le second
était un examen de son coeur et un récit de ses émotions qu'il se faisait
sans doute à lui-même.
CAHIER N° 1.--TRAVAIL.
..................................................... ..................................................... .......
.............................................. .....................................................
TROISIÈME QUESTION.
_La femme est-elle ou n'est elle pas l'égale de l'homme dans les
desseins, dans la pensée de Dieu?_
La question est mal posée ainsi; il faudrait dire: _L'espèce humaine
est-elle composée de deux êtres différents, l'homme et la femme?_
Mais dans cette rédaction j'omets la pensée divine, et ce n'est pas mon
intention. _En créant l'espèce humaine, Dieu a-t-il formé deux êtres
distincts et séparés, l'homme et la femme?_
Revoir cette rédaction dont je ne suis pas encore content.
CAHIER N°2. JOURNAL.
25 décembre.
J'ai passé toute ma soirée d'hier à poser la première question, et je me
suis couché sans l'avoir rédigée de manière à me contenter, je me
sentais lourd et mal disposé au travail, j'ai feuilleté mes livres pour me
réveiller, j'ai trop réussi, je me suis laissé aller au plaisir de comparer,
d'analyser. J'ai oublié la formule de mon sujet pour les détails. C'est
parfois un grand ennemi de la méditation que la lecture.
26 décembre.
Je n'ai pu travailler hier soir, le vent a tourné au nord. Je me suis senti
paralysé de corps et d'âme. Les nuits sont si froides et le bois coûte si
cher ici! Quand je devrais mourir à la peine, je ne sortirai pas de cette
pauvre mansarde, je ne quitterai pas ce sombre et dur Paris sans avoir
résolu la question qui m'occupe. Elle n'est pas de médiocre importance
dans mon livre: régler _les rapports de l'homme et de la femme dans la
société, dans la famille, dans la politique!_ Je n'irai pas plus avant dans
mon traité de philosophie, que je n'aie trouvé une solution aux divers
problèmes que cette formule soulève en moi. J'admire comme ils l'ont
cavalièrement et lestement tranchée tous ces auteurs, tous ces utopistes,
tous ces métaphysiciens, tous ces poëtes! Ils ont toujours placé la
femme trop haut ou trop bas. Il semble qu'ils aient tous été trop jeunes
ou trop vieux.--Mais moi-même, ne suis-je pas trop jeune? Vingt-cinq
ans, et vingt-cinq ans de chasteté presque absolue, c'est-à-dire
d'inexpérience presque complète! Il y en a qui penseraient que cela m'a
rendu trop vieux. Il est des moments où, dans l'horreur de mon
isolement, je suis épouvanté moi-même de mon peu de lumière sur la
question. Je crains d'être au-dessous de ma tâche; et si je m'en croyais,
je sauterais ce chapitre, sauf à le faire, et à l'intercaler en son lieu,
quand
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