Isabelle | Page 5

André Gide
de sa chaise, mais ne paraissait pas plus grande debout qu'assise; je m'inclinai profond��ment devant elle; elle m'honora d'un petit plongeon brusque; elle avait d? recevoir �� un certain age quelque formidable ��v��nement sur la t��te; celle-ci en ��tait rest��e irr��m��diablement enfonc��e entre les ��paules; et m��me un peu de travers. Monsieur Floche s'��tait mis tout �� c?t�� d'elle pour me tendre la main. Les deux petits vieux ��taient exactement de m��me taille, de m��me habit, paraissaient de m��me age, de m��me chair ... Durant quelques instants nous ��changeames des compliments vagues, parlant tous les trois �� la fois. Puis, il y eut un noble silence, et Mademoiselle Verdure arriva portant la th��i��re.
--Mademoiselle Olympe, dit enfin Madame Floche, qui, ne pouvant tourner la t��te, s'adressait �� vous de tout le buste.--Mademoiselle Olympe, notre amie, s'inqui��tait beaucoup de savoir si vous aviez bien dormi et si le lit ��tait �� votre convenance.
Je protestai que j'y avais repos�� on ne pouvait mieux et que la cruche chaude que j'y avais trouv��e en me couchant m'avait fait tout le bien du monde.
Mademoiselle Verdure, apr��s m'avoir souhait�� le bonjour, ressortit.
--Et, le matin, les bruits de la cuisine ne vous ont pas trop incommod��?
Je renouvelai mes protestations.
--Il faut vous plaindre, je vous en prie, parce que rien ne serait plus ais�� que de vous pr��parer une autre chambre ...
Monsieur Floche, sans rien dire lui-m��me, hochait la t��te obliquement et, d'un sourire, faisait sien chaque propos de sa femme.
--Je vois bien, dis-je, que la maison est tr��s vaste; mais je vous certifie que je ne saurais ��tre install�� plus agr��ablement.
--Monsieur et Madame Floche, dit l'abb��, se plaisent �� gater leurs h?tes.
Mademoiselle Olympe apportait sur une assiette des tranches de pain grill��; elle poussa devant elle le petit estropi�� que j'avais vu culbuter tout �� l'heure. L'abb�� le saisit par le bras:
--Allons, Casimir! Vous n'��tes plus un b��b��; venez saluer Monsieur Lacase comme un homme. Tendez la main ... Regardez en face!... puis se tournant vers moi comme pour l'excuser:--Nous n'avons pas encore grand usage du monde ...
La timidit�� de l'enfant me g��nait:
--C'est votre petit-fils? demandai-je �� Madame Floche, oublieux des renseignements que l'abb�� m'avait fournis la veille.
--Notre petit-neveu, r��pondit-elle; vous verrez un peu plus tard mon beau-fr��re et ma soeur, ses grands-parents.
--Il n'osait pas rentrer parce qu'il avait empli de boue ses v��tements en jouant avec Terno, expliqua Mademoiselle Verdure.
--Dr?le de fa?on de jouer, dis-je, en me tournant affablement vers Casimir; j'��tais �� la fen��tre quand il vous a culbut�� ... Il ne vous a pas fait mal?
--Il faut dire �� Monsieur Lacase, expliqua l'abb�� �� son tour, que l'��quilibre n'est pas notre fort ...
Parbleu! je m'en apercevais de reste, sans qu'il f?t n��cessaire de me le signaler. Ce grand gaillard d'abb��, aux yeux vairons, me devint brusquement antipathique.
L'enfant ne m'avait pas r��pondu, mais son visage s'��tait empourpr��. Je regrettai ma phrase et qu'il y e?t pu sentir quelque allusion �� son infirmit��. L'abb��, son potage pris, s'��tait lev�� de table et arpentait la pi��ce; d��s qu'il ne parlait plus, il gardait les l��vres si serr��es que celle de dessus formait un bourrelet, comme celle des vieillards ��dent��s. Il s'arr��ta derri��re Casimir, et comme celui-ci vidait son bol: --Allons! Allons, jeune homme, Avenzoar nous attend!
L'enfant se leva; tous deux sortirent.
Sit?t que le d��jeuner fut achev��, Monsieur Floche me fit signe.
--Venez avec moi dans le jardin, mon jeune h?te, et me donnez des nouvelles du Paris penseur.
Le langage de Monsieur Floche fleurissait d��s l'aube. Sans trop ��couter mes r��ponses, il me questionna sur Gaston Boissier son ami, et sur plusieurs autres savants que je pouvais avoir eus pour ma?tres et avec qui il correspondait encore de loin en loin; il s'informa de mes go?ts, de mes ��tudes ... Je ne lui parlai naturellement pas de mes projets litt��raires et ne laissai voir de moi que le sorbonnien; puis il entreprit l'histoire de la Quartfourche, dont il n'avait �� peu pr��s pas boug�� depuis pr��s de quinze ans, l'histoire du parc, du chateau; il r��serva pour plus tard l'histoire de la famille qui l'habitait pr��c��demment, mais commen?a de me raconter comment il se trouvait en possession des manuscrits du XVIIme si��cle qui pouvaient int��resser ma th��se ... Il marchait �� petits pas press��s, ou, plus exactement, il trottinait aupr��s de moi; je remarquai qu'il portait son pantalon si bas que la fourche en restait �� mi-cuisse; sur le devant du pied, l'��toffe retombait en nombreux plis, mais par derri��re restait au-dessus de la chaussure, suspendue �� l'aide de je ne sais quel artifice; je ne l'��coutais plus que d'une oreille distraite, l'esprit engourdi par la moiti��deur de l'air et par une sorte de torpeur v��g��tale. En suivant une all��e de tr��s hauts marronniers qui formaient vo?te au-dessus de nos t��tes, nous ��tions parvenus presque �� l'extr��mit�� du parc.
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