Infernaliana | Page 2

Ch. Nodier
milieu de mille éclairs; la voiture emportée se brise.... Raymond tombe sans connaissance.
Le lendemain matin, il se voit entouré de paysans qui le rappelent à la vie. Il leur parle d'Agnès, de la voiture, de l'orage; ils n'ont rien vu, ne savent rien, et il est à dix lieues du chateau de Lindemberg.
On le transporte à Ratisbonne; un médecin panse ses blessures, et lui recommande le repos. Le jeune amant ordonne mille recherches inutiles, et fait cent questions, auxquelles on ne peut répondre. Chacun croit qu'il a perdu la raison.
Cependant la journée s'écoule, la fatigue et l'épuisement lui procurent le sommeil. Il dormait assez paisiblement, lorsque l'horloge d'un couvent voisin le réveille, en sonnant une heure. Une secrète horreur le saisit, ses cheveux se hérissent, son sang se glace. Sa porte s'ouvre avec violence; et, à la lueur d'une lampe posée sur la cheminée, il voit quelqu'un s'avancer: C'est la nonne sanglante. Le spectre s'approche, le regarde fixement, et s'assied sur son lit, pendant une heure entière. L'horloge sonne deux heures. Le fant?me alors se lève, saisit la main de Raymond, de ses doigts glacés, et lui dit: Raymond, je suis à toi; tu es à moi pour la vie. Elle sortit aussit?t, et la porte se referma sur elle.
Libre alors, il crie, il appelle; on se persuade de plus en plus qu'il est insensé; son mal augmente, et les secours de la médecine sont vains.
La nuit suivante la nonne revint encore, et ses visites se renouvellèrent ainsi pendant plusieurs semaines. Le spectre, visible pour lui seul n'était apper?u par aucun de ceux qu'il faisait coucher dans sa chambre.
Cependant Raymond apprit qu'Agnès, sortie trop tard, l'avait inutilement cherché dans les environs du chateau; d'où il conclut qu'il avait enlevé la nonne sanglante. Les parens d'Agnès, qui n'approuvaient point son amour, profitèrent de l'impression que fit cette avanture sur son esprit, pour la déterminer à prendre le voile.
Enfin Raymond fut délivré de son effrayante compagne. On lui amena un personnage mystérieux, qui passait par Ratisbonne; on l'introduisit dans sa chambre, à l'heure où devait para?tre la nonne sanglante. Elle le vit et trembla; à son ordre, elle expliqua le motif de ses importunités: religieuse espagnole, elle avait quitté le couvent, pour vivre dans le désordre, avec le seigneur du chateau de Lindemberg: infidèle à son amant, comme à son Dieu, elle l'avait poignardé: assassinée elle-même par son complice qu'elle voulait épouser; son corps était resté sans sépulture et son ame sans asyle errait depuis un siècle. Elle demandait un peu de terre pour l'un, des prières pour l'autre. Raymond les lui promit, et ne la vit plus.

LE VAMPIRE ARNOLD-PAUL.
Un paysan de Médre?ga (village de Hongrie), nommé Arnold-Paul, fut écrasé par la chute d'un chariot chargé de foin. Trente jours après sa mort, quatre personnes moururent subitement, et de la même manière que meurent ceux qui sont molestés des vampires. On se ressouv?nt alors qu'Arnold-Paul avait souvent raconté, qu'aux environs de Cassova, sur les frontières de la Turquie, il avait été tourmenté long-tems par un vampire turc; mais que sachant que ceux qui étaient victimes d'un vampire, le devenaient après leur mort, il avait trouvé le moyen de se guérir en mangeant de la terre du vampire turc, et en se frottant de son sang. On présuma que si ce remède avait guéri Arnold-Paul, il ne l'avait pas empêché de devenir vampire à son tour. En conséquence, on le déterra pour s'en assurer; et quoiqu'il f?t inhumé depuis quarante jours, on lui trouva le corps vermeil; on s'apper?ut que ses cheveux, ses ongles, sa barbe s'étaient renouvellés, et que ses veines étaient remplies d'un sang fluide.
Le bailly du lieu, en présence de qui se fit l'exhumation, et qui était un homme expert dans le vampirisme, ordonna d'enfoncer dans le coeur de ce cadavre un pieu fort aigu et de le percer de part en part; ce qui fut exécuté sur le champ. Le vampire jeta des cris effroyables et fit les mêmes mouvemens que s'il e?t été vivant. Après quoi on lui coupa la tête et on le br?la dans un grand b?cher. On fit subir ensuite le même traitement aux quatre personnes qu'Arnold-Paul avait tuées, de peur qu'elles ne dev?nsent vampires à leur tour.
Malgré toutes ces précautions, le vampirisme reparut au bout de quelques années; et dans l'espace de trois mois, dix-sept personnes, de tout age et de tout sexe, périrent misérablement; les unes sans être malades, et les autres après deux ou trois jours de langueur. Une jeune fille nommé Stanoska, s'étant couchée un soir en parfaite santé, se réveilla au milieu de la nuit, toute tremblante, jetant des cris affreux, et disant que le jeune Millo, mort depuis neuf semaines, avait manqué de l'étrangler pendant son sommeil. Le lendemain Stanoska se sentit très-malade, et mourut au bout de trois
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