Hyacinthe | Page 9

Alfred Assollant
souri. Elles ��taient toutes ?demoiselles?, h��las! ou du moins elles n'avaient jamais comparu devant M. le maire, ce qui est l'essentiel.
Le chef de cuisine continua:
--Je bois encore et en premier lieu �� la sant�� de mademoiselle Mihi��te, ici pr��sente, et qui nous fait l'honneur de nous recevoir dans sa maison...
Mihi��te s'inclina d'un air de protection bienveillante.
--... Dans sa maison..., reprit le chef, et de nous offrir quelques bouteilles de ses meilleurs crus, parmi lesquels je remarque avec plaisir du Chateau-Margaux, messieurs, du Chateau-Yquem, mesdames...
--Et, dit Mihi��te en montrant quelques bouteilles cach��es derri��re sa robe, nous avons aussi du Chambertin et du Corton, sans compter les vins de dessert et quelques liqueurs que j'ai eu soin de prendre pendant que madame Forestier faisait des graces avec les dames et les messieurs de l��-bas... Sans ?a, je la connais, elle aurait tout mis sous clef, ou, si elle avait oubli��, les messieurs auraient tout siffl��.
--Ah! dit le cocher de M. Forestier, c'est vrai qu'ils sifflent dur, quand ils s'y mettent. L'autre jour, �� Saint-Perry, apr��s la foire, le patron, le pr��sident et le procureur de la R��publique,--deux autres de son esp��ce,--ont fait apporter dix bouteilles,--dix, vous m'entendez bien,--et n'ont pas laiss�� au fond de quoi donner �� boire �� un merle.
Il y eut un cri d'indignation autour de la table.
--Ils ne t'ont rien donn��? demanda Mihi��te.
--Rien du tout. Ah! si! le patron m'a donn�� l'ordre que voici:
?--Pierre, tu donneras l'avoine au cheval et tu boiras un verre de vin gris �� ma sant��.?
--Oh! dit Mihi��te, je le reconnais bien l��. Tout pour lui. Rien pour les autres.
--Aussi, ajouta Pierre, je les ai joliment men��s dans la cal��che, tout le long de la route. Je suis parti au galop, j'ai pass�� dans toutes les orni��res, j'ai travers�� tous les tas de pierres, je les faisais rouler l'un sur l'autre et je les secouais comme la salade dans le panier. M. Forestier a voulu descendre un instant; j'ai fait semblant d'arr��ter; il a mis un pied par terre, j'ai lanc�� mon cheval, sans en avoir l'air, il est tomb�� les quatre fers en l'air. ?a lui apprendra �� m'offrir un verre de vin gris quand il se remplit, lui, comme une tonne.
--Mais, demanda le chef de cuisine, qu'est-ce qu'il a dit en se relevant?
--Il a dit comme vous auriez dit, �� sa place:
?--Sacr�� nom de Dieu!?
A cette r��ponse, tous les convives se mirent �� rire, et surtout les ?demoiselles?.
Pierre continua:
--Il aurait bien voulu se facher, mais j'ai cri�� plus fort que lui. J'ai dit aussi: ?Sacr�� nom de Dieu!? mais en parlant �� mon cheval. J'ai jur�� contre le bourrelier, contre le carrossier, contre la cal��che, contre les saints, contre tous les diables d'enfer, contre l'agent-voyer qui a fait la route, contre les ouvriers qui l'ont caillout��e, contre la pluie, contre le vent, et, tout en jurant, je relevais le patron, je l'essuyais, je le brossais, car il ��tait tout couvert de boue, je le plaignais, je lui disais tout bas que c'��tait bien malheureux pour lui, qu'on croirait qu'il s'��tait gris�� �� la foire et qu'il n'avait pas pu se tenir debout sur ses pattes; que madame Forestier lui ferait une sc��ne au retour, mais que je serais t��moin, moi, qu'il n'avait pas bu plus que les autres...
Enfin j'en ai tant dit qu'au lieu de m'appeler ?fichu animal? et ?sacr��e rosse?, comme au commencement, il a fini par me remercier comme si je lui avais rendu service... Et voil��!... Oh? les ma?tres, voyez-vous, c'est tous de la canaille. Si on ne les tenait pas bride en main, on n'en ferait rien de bon.
--Et les ma?tresses donc? dit Mihi��te. En voil�� qui sont bassinantes! Il faut se lever �� cinq heures du matin, se coucher �� minuit, leur porter le chocolat au lit avec du pain grill�� et beurr��, revenir �� dix heures, au coup de sonnette de madame, recevoir les ordres pour le d��jeuner, pour le d?ner, pour le lunch (une invention de ces chiens d'Anglais qui ne savent quoi faire pour tourmenter le pauvre monde!), balayer par-ci, balayer par-l��, faire les lits, lacer madame qui est faite comme une tour et qui veut para?tre mince comme une gu��pe (l'autre jour j'ai cass�� deux lacets, �� force de tirer; elle criait comme une br?l��e, et moi je serrais toujours plus fort, ?a m'amuse, quand elle crie); ensuite il faut faire la cuisine, et quand on l'a faite, entendre dire �� madame qui ne saurait pas seulement mettre un rognon de veau �� la broche: ?Mihi��te, vous ne comprenez donc rien? Vous jetez le sel �� poign��es; vous poivrez tout que c'est une b��n��diction; vous mettez trois livres de beurre dans le macaroni, comme si le beurre ne co?tait rien, ou comme si on le ramassait sur les grands chemins; il faut faire attention,
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