Trapoiseau, vous qui savez tout, dites-moi donc o�� mon p��re a cach�� le Voyage en Orient de Lamartine et la traduction du po?me d'Antar qui est �� la suite...?
Et alors je suis bien forc�� de chercher le Voyage en Orient. Puis, comme la biblioth��que a quinze pieds de haut, il faut tenir l'��chelle. C'est moi qui monte et c'est elle qui la tient... Je regarde en haut et en bas, �� droite et �� gauche, je fourrage au hasard parmi les livres; je prends par m��garde un trait�� de m��decine sur ?le plus doux des l��nitifs?, et je descends avec empressement pour l'offrir �� Mlle Ang��line. Elle le regarde et me le jette au nez en riant et se moquant de ma b��tise, mais si gaiement, si d��licatement, si... je ne sais comment, que j'en ai le coeur tout troubl�� et rempli d'une joie infinie.
Au fond, est-elle jolie? Qui peut savoir? Supposons cependant que je sois pour un moment photographe ou gendarme et charg�� de donner un signalement. Qu'est-ce que je devrais dire pour ne pas tromper le public?
(Tais-toi, mon coeur, et ne cherche pas �� m'influencer!)
Eh bien, voici ou �� peu pr��s son signalement:
Cheveux: blond-cendr�� (c'est une jolie couleur).
Nez: un peu trop gros du bout, mais joliment relev��. Plein d'esprit, ce nez-l��, mais pas grec du tout, gaulois plut?t; car j'en ai vu beaucoup de cette forme en Auvergne. C'est un nez qui n'a pas de r��putation chez les peintres et chez les sculpteurs, mais des milliers de m��res de famille en ont un tout pareil et s'en font honneur. Pourquoi donc Ang��line serait-elle plus modeste?
Bouche: un peu grande. Oui, un peu grande, il faut l'avouer..., mais tout est relatif. Elle est grande certainement, si vous la comparez �� celle de Mlle Hyacinthe Forestier qui est une petite cerise rouge entr'ouverte,--?a, c'est l'id��al! En revanche, elle est de m��diocre dimension en comparaison de celle de Mme Tatempot qui fut dessin��e par la nature sur le mod��le d'un four de boulanger.
Quant aux dents, rien �� dire que de flatteur. Elles sont grandes, c'est vrai, mais elles sont blanches, bien rang��es et toutes pr��sentes �� l'appel, comme on peut s'en assurer, car Ang��line, sous pr��texte de rire, les montre �� chaque instant.
Menton rond et marqu�� d'une fossette. Signe de bonne humeur et de bonne volont�� ferme... Eh! eh! la bonne humeur est une excellente chose. La volont�� ferme en est une autre tr��s appr��ci��e des connaisseurs. Mais cela ressemble fort �� une bonne ��p��e, bien tremp��e. Celui qui en tient la poign��e est en s?ret��; mais l'autre, son associ��, sur qui la pointe est dirig��e, n'a-t-il rien �� craindre?
Quand au reste, Mlle Ang��line est grande et forte comme son p��re. L'autre jour, une vieille dame disait devant moi: ?Elle est grassouillette!? La v��rit��, c'est qu'elle est admirablement proportionn��e dans le sens de la rondeur, qu'elle a une sant�� superbe, un teint assorti,--c'est-��-dire plus rouge que blanc;--et des yeux, oh! des yeux d'une douceur divine (quand elle veut, bien entendu).
Me croirez-vous? Je n'ai jamais pu voir la couleur de ces yeux-l��! Sont-ils noirs, bleus, verts, gris, chatains? C'est ce que j'ignorerai toujours. Et apr��s tout, �� quoi me servirait de le savoir? Mon oncle le cur�� me le disait hier encore:
--F��lix, F��lix, mademoiselle Ang��line Bouchardy n'est pas faite pour ton nez!
Et comme je me d��fendais d'y penser:
--Souviens-toi que si je suis cur�� de Creux-de-Pile et le personnage le plus respect�� de tout le pays, parce que je suis inamovible et parce que je donne ma b��n��diction aux autres qui ne peuvent me le rendre, tu n'es et ne seras longtemps, toi, mon neveu, fils de ma soeur, que l'h��ritier du nom et de la consid��ration de l'huissier Trapoiseau, ton p��re, ce qui est mince. Moi, vois-tu, j'ouvre �� ceux qui m'ob��issent les portes du paradis et �� ceux qui se r��voltent les portes de l'enfer; mais ton p��re, lui, n'ouvrait que celles de la salle d'audience, et il y a la m��me diff��rence entre son m��tier et le mien qu'entre ceux de nos ma?tres respectifs: je veux dire: le pr��sident du tribunal et Dieu le p��re. Comprends-tu bien, F��lix?
H��las! je ne comprend que trop. Je ne me fais pas illusion. Ang��line aura cent mille ��cus apr��s la mort de son p��re, et moi,--je m'en f��licite d'ailleurs,--je verrais mourir toute la terre sans recueillir un centime parmi tous les testaments qu'on ne manquerait pas de faire. Un seul homme pourrait me l��guer quelque chose, car il est riche,--c'est mon oncle le cur��,--mais personne ne conna?t au juste sa fortune, et je crois qu'il l'a promise �� l'��v��que pour une fondation pieuse. D'ailleurs, comme il dit souvent: ?Apr��s la mort de Trapoiseau, ton p��re, je t'ai envoy�� au petit s��minaire de S***, j'ai pay�� ta pension (deux cent cinquante francs par an), je t'ai
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