Humoresques | Page 9

Tristan Klingsor
délice de pauvre?Ou joie de roi.
LE SEIGNEUR DE HOCHEQUEUE
Parce que la besogne d'amour qui grise?De si douce sorte les jouvenceaux?Effrontés ou sots,?Devient dure aux sires à barbe grise,
Et que sa bonne dame s'amuse à la besogne?Autant que nonnain rusée?De France ou de Gascogne?Pour plaire au diable peut s'amuser,
Entre son feu, des hu?tres, une géline,?Deux fioles et un paté de Tours,?Le vieux seigneur de Hochequeue dodeline?Sa tête blanche sous son bonnet de velours.
Et pendant que sa dame confesse ses péchés?Au petit chapelain mignon dans l'oratoire,?Et que l'échanson et la servante vont chercher?Quelque fine bouteille à boire,
Il appelle son lévrier par la porte ouverte?Et cueille d'un geste négligent?La dernière hu?tre verte?Qui baille à mourir dans un plat d'argent.
LE LIT CHAUFFé
Commère il faut chauffer le lit,?Minuit sonne,?Minuit sonne au carillon;?Il ne reste plus personne,?Ni laideron, ni jolie,?Pour danser aux violons.
Au dehors le froid gèle le nez?Des amoureux qu'on oublie?Et qui font le pied de grue,?Tandis que les cocus mal encapuchonnés?Veillent dans la rue;?Commère, il faut chauffer le lit.
Ote ton corset que tes tétons brisent?Et tes jarretières agrafées?Qui laissent sur tes cuisses leur marque rougie?Et moi je viendrai haut trousser ta chemise,?Quand tu auras soufflé la bougie?Et quand le lit sera chauffé.
LES MUSICIENS GALANTS
Accorde ta fausse mandoline?Joli clerc en herbe: ré, sol, mi, la:?La mignonne en rira sous sa capeline,?La mignonne qui passera par là.
Les barbons moroses s'encapuchonnent?En leurs manteaux fourrés d'hermine?Et les amoureux transis de Bourgogne?Sous la bise font triste mine.
Le froid pince aux cordes des guitares?Les doigts des musiciens sous le balcon,?Des musiciens venus trop tard,?Et cramoisit leurs nez rubiconds.
Remportez vos bouquets, messeigneurs;?Colombine a ce soir soufflé sa chandelle:?Peut-être aurez-vous demain sort meilleur?Si son jaloux d'Arlequin n'est pas près d'elle.
Et pendant que ce vieux fou de duc tra?ne?Encor sa rapière d'un air méprisant,?En son lit la vive et friande chatelaine?Dépucèle son petit page de quinze ans.
LE POSTILLON DE LONGJUMEAU
Bon postillon de Longjumeau?En habit rouge, en gilet bleu,?En culotte blanche de peau,?Bon postillon de Longjumeau?Arrête un peu.
Bon postillon de Longjumeau?Avec ce tronc de c?ne que tu inclines?Sur ton oreille en guise de chapeau,?Bon postillon de Longjumeau?Arrête ta berline.
Je veux monter dans ta guimbarde?Et tu pourras fouetter ta haridelle,?Car il me tarde?D'être auprès de la belle?Dont je suis l'amant fidèle.
La route est fleurie et jolie à suivre;?Fais carillonner tout le long l'argentine?Sonnerie des grelots de cuivre,?Et fais envoler la poussière fine?Sous les roues de ta berline.
A la croisée de son chateau m'attend celle?Aux yeux d'or vert troublés d'émoi,?Aux lèvres chères de jouvencelle;?Bon postillon de Longjumeau, grimpe en selle?Et vite, vite, emmène-moi.
Galope et tu auras vingt beaux sols fran?ais,?Bon postillon de Longjumeau, vingt ou trente,?Et de plus quand ma mie ?tera son corset,?Tu pourras toi aussi caresser la servante,?D'une main leste, jusqu'où tu sais.
LE MéNéTRIER
Quand le ménétrier des morts est passé?Avec un mignon cercueil pour bo?te à violon,?Le crane sans toque et les pieds déchaussés,?Lansquenets bravaches ou félons,?Pages d'amour charmants ou vieux cocus rossés?Ont fait la courbette jusqu'à ses talons.
Quand le ménétrier des morts est passé?Avec un tibia pour archet,?Abbés papelards, mitrés et crossés,?Pourvus de pécheresses et d'évêchés,?Ont lampé leur dernier pichet?Et sont vite allés se confesser.
Et toi aussi, chère petite adorée,?Tu as mis ta collerette de neige?Et ta couronne de fiancée?Pour suivre l'étrange cortège?De danseurs et d'amoureuses au bout du pré.?Quand le ménétrier des morts est passé.
NOCTURNE
Amour donne esprit aux filles;?La fenêtre s'ouvre quand la duègne dort,?Et dans l'ombre au dehors?Les galants sans bruit?Se faufilent?Contre les murs gris.
échelles de corde?Et douces escalades d'amour,?C'est l'heure propice;?Le veilleur qui siffle en faisant son tour?Pisse?Sans y voir goutte;?échelles de corde,?Adroits rendez-vous?Et balivernes qu'on écoute,?C'est l'heure complice;?Au gracieux drille un baiser s'accorde,?Au gracieux drille on accorde tout.
Mais sur le vieux fou?Qui donne en vain des sérénades,?La servante vide le pot de nuit,?Et tandis que l'amoureux éconduit s'enfuit?Et que la fille rit aux larmes,?On entend au loin s'avancer la garde?Au pas de parade?Et chaque croisée vite est refermée;?A la barbe des gendarmes?C'est l'heure d'aimer.
L'ESPAGNOL DE HOLLANDE
A la table de bois d'une tonnelle d'auberge?Un Espagnol de Hollande s'est assis,?A posé sur le banc dague et flamberge,?Colichemarde, rapière?Et chapeau à plumes au rebord roussi?Et dressé vers le ciel son nez rouge et pointu?Comme un pignon de brique.
--Holà! maraud, pendard, bourrique,?Coquin d'h?telier, que fais-tu??Apporte-moi vite une pinte de bière?Ou je vais caresser tes reins de vingt coups de trique.?Hé! Hé! Marion venons ici;?Vous devez être, pardieu, une drue commère?A califourchon comme vous savez.?Peuh! cette bière est amère:?Ta bouche l'est-elle aussi??Ah! ne fais pas l'effarouchée;?Tu seras moins prude chemise levée?Et j'aurai, foi de Rodrigue Sanchez?Un plaisir extrême?A vaincre tes petites roueries?Et faire cocu ce soir même?Ton bél?tre de mari.--
Mais comme l'aubergiste s'est montré?Sur la porte en sabots de paille?Avec un baton dans sa main serrée,?Notre Espagnol a fait celui qui raille?Et laché la Marion aux cuisses malmenées?En renfon?ant sa tête dans son collet fourré?Et cachant dans sa chope de grès?L'aune de saucisse de
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