yeux, la bouche ��paisse, le nez fort et les narines ouvertes. On voit sur ses l��vres des rudiments de moustaches.
Elle est v��tue d'une robe de soie, �� carreaux rouges et noirs. On voit qu'elle s'est mise en toilette. Un chapeau �� peine visible est camp�� en avant sur son crane, et laisse d��border un chignon monstrueux. Elle ne porte pas de gants, ses mains, assez blanches d'ailleurs, sont couvertes de mitaines de dentelle noire. De taille ��lev��e, elle porte en outre de hauts talons effil��s et, en approchant de la barre, elle tr��buche. Ses souliers d��couverts laissent voir un bas tr��s blanc et un pied un peu fort. Un caraco de soie noire compl��te cette toilette de mauvais go?t. L'accus��, en la voyant s'approcher, ne peut r��primer un sourire. Quant �� elle, elle para?t, malgr�� son assurance, un peu d��contenanc��e et, pour la prestation de serment, elle l��ve d'abord la main gauche, puis les deux mains �� la fois. Enfin, les formalit��s remplies, le pr��sident l'interroge.
D.--Veuillez, mademoiselle, de la fa?on la plus nette, et en respectant les convenances, expliquer �� MM. les jur��s la nature des relations qui vous unissaient �� la victime.
Un huissier lui ayant indiqu�� o�� se trouve le jury, elle tourne absolument le dos �� l'accus��. Puis elle garde le silence. Le pr��sident se voit dans la n��cessit�� de proc��der par voie d'interrogatoire:
D.--Depuis combien de temps connaissez-vous Beaujon?
R.--Depuis deux mois �� peu pr��s.
D.--O�� avez-vous fait sa connaissance?
R.--�� Bullier, o�� il ��tait avec son ami.
D.--Quelle est la circonstance qui vous a mis en relation avec ces messieurs?
R.--Oh! rien de particulier: ?a s'est fait tout bonnement.
D.--N'est-ce pas Beaujon qui a ��t�� le premier votre amant?
La femme semble h��siter et chercher �� rassembler ses souvenirs; puis:
--Je ne me rappelle pas trop bien. Pourtant, je crois que c'est Beaujon.
D.--Ne vous rappelez-vous aucune circonstance, par exemple une partie de piquet dont vos faveurs auraient ��t�� l'enjeu?
R.--Oh! pour ?a, non. Je n'aurais pas voulu d'abord. ?'aurait ��t�� m'insolenter.
Le pr��sident, s'adressant alors �� l'accus��.
--Vous voyez. Le t��moin d��ment votre r��cit.
BEAUJON.--Ce n'est pas pour rien qu'on l'appelle la Bestia; elle n'aura pas compris.
LE PR��SIDENT, �� la fille Gangrelot.--Ces messieurs ne jouaient-ils pas au piquet?
R.--Je crois que oui; mais ils jouaient la consomm.
BEAUJON, vivement et en souriant.--Tout compris.
LE PR��SIDENT.--Voyons, mademoiselle, continuez.
LA GANGRELOT, avec col��re.--Tout ?a, c'est tr��s d��sagr��able. Est-ce que je sais rien de rien dans toutes ces affaires-l��? C'est pour faire arriver des d��sagr��ments �� quelqu'un qui ne leur a rien fait...
LE PR��SIDENT.--Je vous prie de vous calmer. Beaujon ne vous t��moignait-il pas une grande affection?
R.--C'est vrai; il ��tait bien gentil.
D.--Et Defodon?
R.--Oh! tr��s gentil aussi.
D.--N'aviez-vous pas une pr��f��rence pour l'un ou pour l'autre? Je regrette d'��tre oblig�� d'entrer dans de semblables d��tails, mais messieurs les jur��s comprennent toute l'importance de ce t��moignage. Donc, fille Gangrelot, r��pondez franchement. Nous faisons la part de votre embarras. Cependant, il est n��cessaire que vous ne cachiez aucune des circonstances qui ont marqu�� ces relations?
R.--Beaujon ��tait plus aimable que Defodon. Il me disait toujours qu'il m'aimait bien: m��me une fois il m'a donn�� une bague. Pour Defodon, il ��tait un peu ours, et puis c'��tait pas un homme.
D.--Qu'entendez-vous par l��?
R.--Une mauviette; pas plus de m��chancet�� qu'un mouton. Il avait comme qui dirait un tremblement continuel...
D.--Beaujon ne vous a-t-il pas paru ��tre jaloux de vos complaisances pour Defodon?
R.--Dame, quelquefois ?a ne lui allait pas. Mais moi, je fais ce que je veux, et ce n'est pas un homme qui me m��nera.
D.--Ne l'avez-vous pas entendu prof��rer des menaces contre Defodon?
R.--Non, jamais... si, pourtant! une fois, dans le caf��, o�� il a voulu me ficher des coups, il voulait tout casser.
D.--Parlait-il de Defodon?
R.--Je ne me rappelle pas bien; mais s'il l'avait eu sous la main, il lui aurait tordu le cou comme �� un poulet.
Quelques murmures ��clatent dans l'auditoire.
D.--Les deux jeunes gens s'��taient-ils disput��s en votre pr��sence?
R.--Oh! plusieurs fois; mais, vous savez, pour des b��tises. D'abord, il y avait Beaujon qui me faisait toujours des sc��nes et se moquait de moi.
LE PR��SIDENT, �� l'accus��.--Il y a loin de ces affirmations �� vos d��clarations d'indiff��rence.
BEAUJON.--La malheureuse ne comprend pas l'importance de ses paroles. Elle me charge sans le vouloir.
LA GANGRELOT, vivement.--Comment! Comment! Je ne comprends pas! Pourquoi dis-tu toujours que je ne suis qu'une b��te? Je suis aussi maligne que toi, et, de plus, je n'ai tu�� personne.
Le pr��sident l'invite au calme, puis poursuit cet interrogatoire, d'o�� il semble ressortir que Beaujon lui a souvent t��moign�� une jalousie exag��r��e. Quant �� Defodon, il ��tait tr��s doux et n'a jamais prononc�� une parole malsonnante.
La fille Gangrelot va s'asseoir au banc des t��moins, tr��s satisfaite d'elle-m��me et paraissant attribuer �� la sympathie qu'elle inspire les marques de curiosit�� railleuse de l'auditoire.
VI
Plusieurs t��moins sont encore entendus. Mais ils ne font que confirmer les d��tails consign��s dans l'acte d'accusation au sujet des propos tenus par Beaujon.
Deux d��positions ont
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