Histoire des Voyages de Scarmentado | Page 3

Voltaire
��pous�� leurs comm��res, ou qui n'avaient pas ador�� Notre-Dame d'Atocha[5], ou qui n'avaient pas voulu se d��faire de leur argent comptant en faveur des fr��res hi��ronymites. On chanta d��votement de tr��s belles pri��res, apr��s quoi on br?la �� petit feu tous les coupables; de quoi toute la famille royale parut extr��mement ��difi��e.
[5] Sur Notre-Dame d'Atocha, voyez dans les M��langes, ann��e 1769, une des notes de Voltaire sur son Extrait d'un journal (ou M��moires du Dangeau). B.
Le soir, dans le temps que j'allais me mettre au lit, arriv��rent chez moi deux familiers de l'inquisition avec la sainte Hermandad: ils m'embrass��rent tendrement, et me men��rent, sans me dire un seul mot, dans un cachot tr��s frais, meubl�� d'un lit de natte et d'un beau crucifix. Je restai l�� six semaines, au bout desquelles le r��v��rend p��re inquisiteur m'envoya prier de venir lui parler: il me serra quelque temps entre ses bras, avec une affection toute paternelle; il me dit qu'il ��tait sinc��rement afflig�� d'avoir appris que je fusse si mal log��; mais que tous les appartements de la maison ��taient remplis, et qu'une autre fois il esp��rait que je serais plus �� mon aise. Ensuite il me demanda cordialement si je ne savais pas pourquoi j'��tais l��. Je dis au r��v��rend p��re que c'��tait apparemment pour mes p��ch��s. Eh bien! mon cher enfant, pour quel p��ch��? parlez-moi avec confiance. J'eus beau imaginer, je ne devinai point; il me mit charitablement sur les voies.
Enfin je me souvins de mes indiscr��tes paroles. J'en fus quitte pour la discipline et une amende de trente mille r��ales. On me mena faire la r��v��rence au grand-inquisiteur: c'��tait un homme poli, qui me demanda comment j'avais trouv�� sa petite f��te. Je lui dis que cela ��tait d��licieux, et j'allai presser mes compagnons de voyage de quitter ce pays, tout beau qu'il est. Ils avaient eu le temps de s'instruire de toutes les grandes choses que les Espagnols avaient faites pour la religion. Ils avaient lu les m��moires du fameux ��v��que de Chiapa[6], par lesquels il para?t qu'on avait ��gorg��, ou br?l��, ou noy�� dix millions d'infid��les en Am��rique pour les convertir. Je crus que cet ��v��que exag��rait; mais quand on r��duirait ces sacrifices �� cinq millions de victimes, cela serait encore admirable.
[6] Las Cases: voyez tome XVII, pages 399, 426; et tome XXXII, pages 490-91. B.
Le d��sir de voyager me pressait toujours. J'avais compt�� finir mon tour de l'Europe par la Turquie; nous en pr?mes la route. Je me proposai bien de ne plus dire mon avis sur les f��tes que je verrais. Ces Turcs, dis-je �� mes compagnons, sont des m��cr��ants qui n'ont point ��t�� baptis��s, et qui par cons��quent seront bien plus cruels que les r��v��rends p��res inquisiteurs. Gardons le silence quand nous serons chez les mahom��tans.
J'allai donc chez eux. Je fus ��trangement surpris de voir en Turquie beaucoup plus d'��glises chr��tiennes qu'il n'y en avait dans Candie. J'y vis jusqu'�� des troupes nombreuses de moines qu'on laissait prier la vierge Marie librement, et maudire Mahomet, ceux-ci en grec, ceux-l�� en latin, quelques autres en arm��nien[7]. Les bonnes gens que les Turcs! m'��criai-je. Les chr��tiens grecs et les chr��tiens latins ��taient ennemis mortels dans Constantinople; ces esclaves se pers��cutaient les uns les autres, comme des chiens qui se mordent dans la rue, et �� qui leurs ma?tres donnent des coups de baton pour les s��parer. Le grand-vizir prot��geait alors les Grecs. Le patriarche grec m'accusa d'avoir soup�� chez le patriarche latin, et je fus condamn�� en plein divan �� cent coups de latte sur la plante des pieds, rachetables de cinq cents sequins. Le lendemain le grand-vizir fut ��trangl��; le surlendemain son successeur, qui ��tait pour le parti des Latins, et qui ne fut ��trangl�� qu'un mois apr��s, me condamna �� la m��me amende, pour avoir soup�� chez le patriarche grec. Je fus dans la triste n��cessit�� de ne plus fr��quenter ni l'��glise grecque ni la latine. Pour m'en consoler, je pris �� loyer une fort belle Circassienne, qui ��tait la personne la plus tendre dans le t��te-��-t��te, et la plus d��vote �� la mosqu��e. Une nuit, dans les doux transports de son amour, elle s'��cria en m'embrassant, Alla, Illa, Alla! ce sont les paroles sacramentales des Turcs; je crus que c'��taient celles de l'amour: je m'��criai aussi fort tendrement, Alla, Illa, Alla! Ah! me dit-elle, le Dieu mis��ricordieux soit lou��! vous ��tes Turc. Je lui dis que je le b��nissais de m'en avoir donn�� la force, et je me crus trop heureux. Le matin l'iman vint pour me circoncire; et, comme je fis quelque difficult��, le cadi du quartier, homme loyal, me proposa de m'empaler: je sauvai mon pr��puce et mon derri��re avec mille sequins, et je m'enfuis vite en Perse, r��solu de ne plus entendre ni messe grecque ni latine en Turquie, et de
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