Histoire des Montagnards

Alphonse Esquiros
薂.Histoire des Montagnards

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Title: Histoire des Montagnards
Author: Alphonse Esquiros
Release Date: January, 2006 [EBook #9643] [Yes, we are more than one year ahead of schedule] [This file was first posted on October 13, 2003]
Edition: 10
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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HISTOIRE
DES
MONTAGNARDS

LIBRAIRIE DE LA RENAISSANCE
OEUVRES D'ALPHONSE ESQUIROS
HISTOIRE DES MONTAGNARDS

[Illustration: Alphonse Esquiros.]
[Illustration: Rouget de l'Isle.]

INTRODUCTION

I
MES TéMOINS
Au moment où fut écrit l'Histoire des Montagnards (1846-1847), quelques acteurs du grand drame révolutionnaire vivaient encore; d'autres venaient de mourir. J'eus la bonne fortune de connaitre Barère, auquel je fus présenté par le sculpteur David, Lakanal, Souberbielle, Rouget de l'Isle. Ce que j'attendais d'eux n'était point des renseignements qui peuvent se retrouver dans les livres, les journaux ou les brochures du temps; c'était l'ame d'une époque qui n'a jamais eu d'égale dans l'histoire.
Il m'arriva souvent de recueillir dans ces entretiens des détails curieux, des souvenirs personnels, des impressions très-profondes sur les événements auxquels ces derniers témoins d'un monde évanoui avaient plus ou moins participé. Si la mémoire leur faisait quelquefois défaut sur les dates et les circonstances accessoires, le sentiment des choses était resté intact, et c'est ce sentiment qu'il m'importait surtout de conna?tre. En un mot, n'était-ce point la source à laquelle on pouvait retrouver la vie de la Révolution Fran?aise?
Il faut pourtant avouer que les hommes de 93 n'aimaient guère à parler de ce qu'ils avaient vu ni de ce qu'ils avaient fait. On avait quelque peine à les attirer sur ce terrain. Il semble que la gravité des scènes terribles auxquelles ils avaient assisté leur e?t posé sur les lèvres un sceau de plomb. Il est du moins certain que leurs convictions n'étaient nullement ébranlées et qu'ils soumettaient leurs actes au jugement de l'histoire avec une parfaite tranquillité de conscience.
Les femmes se montraient naturellement plus communicatives que les hommes; deux d'entre elles m'ont laissé un vif souvenir. La première est madame Lebas, veuve du conventionnel, l'autre est la soeur de Marat.
Madame Lebas devait avoir été jolie dans sa jeunesse. Elle avait l'oeil noir, des maniéres distinguées et une mémoire très-s?re. C'est d'elle que deux ou trois historiens de la Révolution Fran?aise ont appris des détails intéressants sur la famille Duplay et sur la vie privée de Robespierre. Ses souvenirs ne dépassaient guère le cercle des relations intimes; mais comme à dater de 93 la maison de Duplay devint le foyer vers lequel convergeait toute la vie politique autour de Robespierre, elle avait passé sa jeunesse au coeur même de la Révolution. Elle avait aimé son mari, comme elle disait elle-même, d'un amour patriotique; mais par une réserve et une délicatesse de coeur que les femmes comprendront, c'était celui dont elle parlait le moins. De Saint-Just, de Couthon, de Robespierre jeune, elle citait de belles et de bonnes actions qui l'avaient touchée. Sa grande admiration était pour Maximilien. L'intérieur de la famille Duplay était une maison à la Jean-Jacques Rousseau, une arche des vertus domestiques risquée sur un déluge de sang. Parlait-elle du 9 thermidor, son front s'assombrissait, ses yeux se remplissaient de larmes. Malheureusement son fils assistait à toutes nos conversations et la surveillait de près, craignant sans doute des indiscrétions qui pussent blesser son amour-propre comme fils d'un conventionnel et comme membre de l'Institut. Je n'oublierai jamais l'expression consternée de sa figure, un jour que cette respectable veuve me confia l'état de détresse et de misère auquel elle avait été réduite après la mort de son mari. Elle s'était faite blanchisseuse et allait battre son linge sur les bateaux de la Seine. Pour le coup c'était trop fort, et l'académicien palit. Raconter de pareilles choses, passe encore, mais les écrire (et il savait bien que je les écrirais plus tard), c'était selon lui déroger à la dignité classique de l'histoire.
Entre la veuve de Lebas et la soeur de Marat, quel contraste!
Comme je tenais à recueillir et à contr?ler tous les
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