se rapprochaient, et cherchaient à concerter les nominations qui restaient à faire, afin de rester ma?tres du gouvernement. En vertu des célèbres décrets des 5 et 13 fructidor, le nombre des députés dans le nouveau corps législatif devait être de cinq cents. Si ce nombre n'était pas complété par les réélections, les membres présens le 5 brumaire devaient se former en corps électoral pour le compléter. On arrêta un projet de liste au comité de salut public, dans laquelle on fit entrer beaucoup de montagnards prononcés. La liste ne fut pas approuvée en entier. Cependant on n'y pla?a que des patriotes connus. Le 5, tous les députés présens, réunis en une seule assemblée, se constituèrent en corps électoral. D'abord ils complétèrent les deux tiers de conventionnels qui devaient siéger dans le corps législatif; ensuite ils formèrent une liste de tous les députés mariés et agés de plus de quarante ans, et en prirent au sort deux cent cinquante, pour composer le conseil des anciens.
Le lendemain, le conseil des cinq-cents réuni au Manège, dans l'ancienne salle de l'assemblée constituante, choisit Daunou pour président, et Rewbell, Chénier, Cambacérès et Thibaudeau, pour secrétaires. Le conseil des anciens se réunit dans l'ancienne salle de la convention, appela Larévellière-Lépaux au fauteuil, et Baudin, Lanjuinais, Bréard, Charles Lacroix au bureau. Ces choix étaient convenables et prouvaient que, dans les deux conseils, la majorité était acquise à la cause républicaine. Les conseils déclarèrent qu'ils étaient constitués, s'en donnèrent avis réciproquement par des messages, confirmèrent provisoirement les pouvoirs des députés, et en renvoyèrent la vérification après l'organisation du gouvernement.
La plus importante de toutes les élections restait à faire, c'était celle des cinq magistrats chargés du pouvoir exécutif. De ce choix dépendaient à la fois le sort de la république et la fortune des individus. Les cinq directeurs, en effet, ayant la nomination de tous les fonctionnaires publics, de tous les officiers des armées, pouvaient composer le gouvernement à leur gré, et le remplir d'hommes attachés ou contraires à la république. Ils étaient ma?tres en outre de la destinée des individus; ils pouvaient leur ouvrir ou leur fermer la carrière des emplois publics, récompenser ou décourager les talens fidèles à la cause de la révolution. L'influence qu'ils devaient exercer était donc immense. Aussi les esprits étaient-ils singulièrement préoccupés du choix qu'on allait faire.
Les conventionnels se réunirent pour se concerter sur ce choix. Leur avis à tous fut de choisir des régicides, afin de se donner plus de garanties. Les opinions, après avoir flotté quelque temps, se réunirent en faveur de Barras, Rewbell, Sieyès, Larévellière-Lépaux et Letourneur. Barras avait rendu de grands services en thermidor, prairial et vendémiaire; il avait été en quelque sorte le législateur général opposé à toutes les factions; la dernière bataille du 13 vendémiaire lui avait surtout donné une grande importance, quoique le mérite des dispositions militaires de cette journée appart?nt au jeune Bonaparte. Rewbell, enfermé à Mayence pendant le siége, et souvent appelé dans les comités depuis le 9 thermidor, avait adopté l'opinion des thermidoriens, montré de l'aptitude et de l'application aux affaires, et une certaine vigueur de caractère. Sieyès était regardé comme le premier génie spéculatif de l'époque. Larévellière-Lépaux s'était volontairement associé aux girondins le jour de leur proscription, était revenu le 9 thermidor au milieu de ses collègues, et y avait combattu de tous ses moyens les deux factions qui avaient alternativement attaqué la convention. Patriote doux et humain, il était le seul girondin que la Montagne ne suspectat pas, et le seul patriote dont les contre-révolutionnaires n'osassent pas nier les vertus. Il n'avait qu'un inconvénient au dire de certaines gens: c'était la difformité de son corps; on prétendait qu'il porterait mal le manteau directorial. Letourneur enfin, connu pour patriote, estimé pour son caractère, était un ancien officier du génie qui avait, dans les derniers temps, remplacé Carnot au comité de salut public, mais qui était loin d'en avoir les talens. Quelques conventionnels auraient voulu qu'on pla?at parmi les cinq directeurs l'un des généraux qui s'étaient le plus distingués à la tête des armées, comme Kléber, Moreau, Pichegru ou Hoche; mais on craignait de donner trop d'influence aux militaires, et on ne voulut en appeler aucun au pouvoir suprême. Pour rendre les choix certains, les conventionnels convinrent entre eux d'employer un moyen qui, sans être illégal, ressemblait fort à une supercherie. D'après la constitution, le conseil des cinq-cents devait, pour tous les choix, présenter une liste décuple de candidats au conseil des anciens. Ce dernier, sur dix candidats, en choisissait un. Pour les cinq directeurs, il fallait donc présenter cinquante candidats. Les conventionnels, qui avaient la majorité dans les cinq-cents, convinrent de placer Barras, Rewbell, Sieyès, Larévellière-Lépaux et Letourneur en tête de la liste, et d'y ajouter ensuite quarante-cinq noms inconnus, sur lesquels il serait impossible de fixer un choix. De cette manière,
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