détention provisoire. Mais aucune loi directe contre les ex-nobles n'avait encore été portée. Saint-Just les montra comme des ennemis irréconciliables de la révolution. ?Quoi que vous fassiez, dit-il, vous ne pourrez jamais contenter les ennemis du peuple, à moins que vous ne rétablissiez la tyrannie. Il faut donc qu'ils aillent chercher ailleurs l'esclavage et les rois. Ils ne peuvent faire de paix avec vous; vous ne parlez point la même langue: vous ne vous entendrez jamais. Chassez-les donc! L'univers n'est point inhospitalier, et le salut public est parmi nous la suprême loi.? Saint-Just proposa un décret qui bannissait tous les ex-nobles, tous les étrangers, de Paris, des places fortes, des ports maritimes, et qui mettait hors la loi ceux qui n'auraient pas obéi au décret dans l'intervalle de dix jours. D'autres dispositions de ce projet faisaient un devoir à toutes les autorités de redoubler d'activité et de zèle. La convention applaudit à la proposition comme elle faisait toujours, et la vota par acclamation. Collot-d'Herbois, le rapporteur du décret aux jacobins, ajouta ses figures à celles de Saint-Just. ?Il faut, dit-il, faire éprouver au corps politique la sueur immonde de l'aristocratie; plus il aura transpiré, mieux il se portera.?
On vient de voir ce que fit le comité pour manifester l'énergie de sa politique; voici ce qu'il ajouta pour la concentration toujours plus grande du pouvoir. D'abord il pronon?a le licenciement de l'armée révolutionnaire. Cette armée, imaginée par Danton, avait d'abord été utile pour faire exécuter les volontés de la convention, lorsqu'il existait encore des restes de fédéralisme; mais étant devenue le centre de ralliement de tous les perturbateurs et de tous les aventuriers, ayant servi de point d'appui aux derniers démagogues, il était nécessaire de la disperser. Le gouvernement d'ailleurs, étant aveuglément obéi, n'avait plus besoin de ces satellites pour faire exécuter ses ordres. En conséquence elle fut licenciée par décret. Le comité proposa ensuite l'abolition des Différens[1] ministères. Des ministres étaient des puissances qui avaient encore trop d'importance, à c?té des membres du comité de salut public. Ou ils laissaient tout faire au comité, et alors ils étaient inutiles; ou bien ils voulaient agir, et alors ils étaient des concurrens[1] importuns. L'exemple de Bouchotte, qui, dirigé par Vincent, avait suscité tant d'embarras au comité, était un exemple assez instructif. En conséquence les ministères furent abolis. A leur place, on institua les douze commissions suivantes:
1. Commission des administrations civiles, police et tribunaux;
2. Commission de l'instruction publique;
3. Commission de l'agriculture et des arts;
4. Commission du commerce et des approvisionnemens[1];
5. Commission des travaux publics;
6. Commission des secours publics;
7. Commission des transports, postes et messageries;
8. Commission des finances;
9. Commission de l'organisation et du mouvement des armées de terre;
10. Commission de la marine et des colonies;
11. Commission des armes, poudres et exploitations des mines;
12. Commission des relations extérieures.
Ces commissions, dépendantes du comité de salut public, n'étaient autre chose que les douze bureaux entre lesquels on avait partagé le matériel de l'administration. Hermann, qui présidait le tribunal révolutionnaire pendant le procès de Danton, fut récompensé de son zèle par la qualité de chef de l'une de ces commissions. On lui donna la plus importante, celle _des administrations civiles, police et tribunaux_.
D'autres mesures furent prises pour augmenter encore la centralisation du pouvoir. D'après l'institution des comités révolutionnaires, il devait y en avoir un par chaque commune ou section de commune. Les communes rurales étant très-nombreuses et peu populeuses, le nombre des comités était trop grand, et leurs fonctions presque nulles. Leur composition d'ailleurs présentait un grand inconvénient. Les paysans étant fort révolutionnaires pour la plupart, mais illettrés, les fonctions municipales étaient en général échues aux propriétaires retirés dans leurs terres, et fort peu disposés à exercer leur pouvoir dans le sens du gouvernement; de cette manière, la surveillance des campagnes, et surtout des chateaux, se faisait fort mal. Pour remédier à ce facheux état des choses, on supprima les comités révolutionnaires des communes, et on ne maintint que ceux de district. Par ce moyen, la police en se concentrant devint plus active, et passa dans les mains des bourgeois des districts, presque tous fort jacobins, et fort jaloux de l'ancienne noblesse.
Les jacobins étaient la société principale, et la seule avouée par le gouvernement. Elle en avait constamment suivi les principes et les intérêts, et s'était comme lui prononcée également contre les hébertistes et les dantonistes. Le comité de salut public aurait voulu qu'elle absorbat presque toutes les autres dans son sein, et qu'elle concentrat en elle-même toute la puissance de l'opinion, comme il avait concentré en lui toute la puissance du gouvernement. Ce voeu flattait singulièrement l'ambition des jacobins; et ils firent les plus grands efforts pour l'accomplir. Depuis que les assemblées de sections avaient été réduites à deux par semaine, afin que le peuple p?t y assister et y faire triompher les motions révolutionnaires, les sections
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