grande agitation. Un complot avait ete
decouvert a Rennes, et il paraissait trame par les Anglais, les seigneurs
bretons et les pretres non assermentes. Deja des mouvemens avaient
eclate dans l'Ouest, a l'occasion de la cherte des subsistances et de la
menace de ne plus payer le culte; maintenant c'etait dans le but avoue
de defendre la cause de la monarchie absolue. Des rassemblemens de
paysans, demandant le retablissement du clerge et des Bourbons,
s'etaient montres aux environs de Rennes et de Nantes. Orleans etait en
pleine insurrection, et le representant Bourdon avait manque d'y etre
assassine. Les revoltes s'elevaient deja a plusieurs milliers d'hommes. Il
ne fallait rien moins que des armees et des generaux pour les reduire.
Les grandes villes depechaient leurs gardes nationales; le general
Labourdonnaie avancait avec son corps, et tout annoncait une guerre
civile des plus sanglantes. Ainsi, d'une part, nos armees se retiraient
devant la coalition, de l'autre la Vendee se levait, et jamais la
fermentation ordinairement produite par le danger n'avait du etre plus
grande.
A peu pres a cette epoque, et a la suite du 10 mars, on avait imagine de
reunir les chefs des deux opinions au comite de surete generale, pour
qu'ils pussent s'y expliquer sur les motifs de leurs divisions. C'est
Danton qui avait provoque l'entrevue.
Les querelles de tous les jours ne satisfaisaient point des haines qu'il
n'avait pas, l'exposaient a une discussion de conduite qu'il redoutait, et
arretaient l'oeuvre de la revolution qui lui etait si chere. Il en desirait
donc la fin. Il avait montre une grande bonne foi dans les differens
entretiens, et s'il prenait l'initiative, s'il accusait les girondins, c'etait
pour ecarter les reproches dont il aurait pu etre l'objet. Les girondins,
tels que Buzot, Guadet, Vergniaud, Gensonne, avec leur delicatesse
accoutumee, se justifiaient comme si l'accusation eut ete serieuse, et
prechaient un converti en argumentant avec Danton. Il n'en etait pas de
meme avec Robespierre: on l'irritait en voulant le convaincre, et on
cherchait a lui demontrer ses torts, comme si cette demonstration avait
du l'apaiser. Pour Marat, qui s'etait cru necessaire a ces conferences,
personne n'avait daigne lui donner une explication, et ses amis memes,
pour n'avoir pas a se justifier de cette alliance, ne lui adressaient jamais
la parole. De pareilles conferences devaient aigrir plutot que radoucir
les chefs opposes: fussent-ils parvenus a se prouver reciproquement
leurs torts, une telle demonstration ne les eut certainement pas concilies.
Les choses en etaient a ce point, lorsque les evenemens de la Belgique
furent connus a Paris.
Sur-le-champ on s'accusa de part et d'autre; on se reprocha de
contribuer aux desastres publics, les uns en desorganisant le
gouvernement, les autres en voulant ralentir son action. On demanda
des explications sur la conduite de Dumouriez. On lut la lettre du 12
mars, qui avait ete tenue secrete, et a cette lecture on s'ecria que
Dumouriez trahissait, que bien evidemment il tenait la conduite de
Lafayette, et qu'a son exemple il commencait sa trahison par des lettres
insolentes a l'assemblee. Une seconde lettre, ecrite le 27 mars, et plus
hardie que celle du 12, excita encore davantage les soupcons. De tous
cotes on pressa Danton d'expliquer ce qu'il savait de Dumouriez.
Personne n'ignorait que ces deux hommes avaient du gout l'un pour
l'autre, que Danton avait insiste pour tenir secrete la lettre du 12 mars,
et qu'il etait parti pour en obtenir la retractation. On disait meme qu'ils
avaient malverse ensemble dans la riche Belgique. Aux Jacobins, dans
le comite de defense generale, dans l'assemblee, on somma Danton de
s'expliquer. Celui-ci, embarrasse des soupcons des girondins et des
doutes des montagnards eux-memes, eprouva pour la premiere fois
quelque peine a repondre. Il dit que les grands talens de Dumouriez
avaient paru meriter des menagemens; qu'on avait cru convenable de le
voir, avant de le denoncer, afin de lui faire sentir ses torts, et le ramener,
s'il etait possible, a de meilleurs sentimens; que jusqu'ici les
commissaires n'avaient vu dans sa conduite que l'effet de mauvaises
suggestions, et surtout le chagrin de ses derniers revers; mais qu'ils
avaient cru, et qu'ils croyaient encore, pouvoir conserver ses talens a la
republique.
Robespierre dit que, s'il en etait ainsi, il ne fallait pas le menager, et
qu'il etait inutile de garder tant de mesure avec lui. Il renouvela en outre
la motion que Louvet avait faite contre les Bourbons restes en France,
c'est-a-dire contre les membres de la famille d'Orleans; et il parut
etrange que Robespierre, qui, en janvier, les avait si fortement defendus
contre les girondins, les attaquat maintenant avec tant de fureur. Mais
son ame soupconneuse avait tout de suite suppose de sinistres complots.
Il s'etait dit: Un ancien prince du sang ne peut se resigner a son nouvel
etat, et bien qu'il s'appelle _Egalite_, son sacrifice ne peut

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