que, dans le moment, il n'y avait pas d'autre choix possible, si l'on voulait creer une dynastie nouvelle. Le fils du roi mort etait trop jeune, et d'ailleurs le regicide n'admettait pas une reconciliation aussi prompte avec la dynastie. Les oncles etaient en etat d'hostilite; et il ne restait que la branche d'Orleans, aussi compromise dans la revolution que les jacobins eux-memes, et seule capable d'ecarter toutes les craintes des revolutionnaires. Si l'esprit agite de Dumouriez s'arreta a un choix, il ne put en former d'autre alors, et ce fut cette necessite qui le fit accuser de songer a mettre la famille d'Orleans sur le trone. Il le nia dans l'emigration; mais cette denegation interessee ne prouve rien; et il ne faut pas plus le croire sur ce point que sur la date anterieure qu'il a pretendu donner a ses desseins. Il a voulu dire en effet que son projet de resistance contre les jacobins etait plus ancien, mais ce fait est faux. Ce n'est qu'alors, c'est-a-dire lorsque la carriere des succes lui fut fermee, qu'il songea a s'en ouvrir une autre. Dans ce projet, il entrait du ressentiment personnel, du chagrin de ses revers, enfin une indignation sincere, mais tardive, contre les desordres sans issue qu'il prevoyait maintenant sans aucune illusion.
Le 22, il trouva a Louvain Danton et Lacroix qui venaient lui demander raison de la lettre ecrite le 12 mars a la convention, et tenue secrete par le comite de surete generale. Danton, avec lequel il sympathisait, esperait le ramener a des sentimens plus calmes, et le rattacher a la cause commune. Mais Dumouriez traita les deux commissaires et Danton lui-meme avec beaucoup d'humeur, et leur laissa decouvrir les plus sinistres dispositions. Il se repandit en nouvelles plaintes contre la convention et les jacobins, et ne voulut pas retracter sa lettre. Seulement il consentit a ecrire deux mots, pour dire qu'il en donnerait plus tard l'explication. Danton et Lacroix partirent sans avoir rien pu obtenir, et le laissant dans la plus violente agitation.
Le 23, apres une resistance assez vive pendant toute la journee, plusieurs corps abandonnerent leurs postes, et il fut oblige de quitter Louvain en desordre. Heureusement l'ennemi n'apercut rien de ce mouvement, et n'en profita pas pour achever de jeter la confusion dans notre armee, en la poursuivant. Dumouriez separa alors la troupe de ligne des volontaires, la reunit a l'artillerie, et en composa un corps d'elite de quinze mille Hommes, avec lequel il se placa lui-meme a l'arriere-garde. La, se montrant au milieu de ses soldats, escarmouchant tous les jours avec eux, il parvint a donner a sa retraite une attitude plus ferme. Il fit evacuer Bruxelles avec beaucoup d'ordre, traversa cette ville le 25, et le 27 vint camper a Ath. La, il eut de nouvelles conferences avec le colonel Mack, en fut traite avec beaucoup de delicatesse et d'egards; et cette entrevue, qui n'avait pour objet que de regler les details de l'armistice, se changea bientot en une negociation plus importante. Dumouriez confia tous ses ressentimens au colonel etranger, et lui decouvrit ses projets de renverser la convention nationale. Ici, abuse par le ressentiment, s'exaltant sur l'idee d'une desorganisation generale, le sauveur de la France dans l'Argonne obscurcit sa gloire en traitant avec un ennemi dont l'ambition devait rendre toutes les intentions suspectes, et dont la puissance etait alors la plus dangereuse pour nous. Il n'y a, comme nous l'avons deja dit, qu'un choix pour l'homme de genie dans ces situations difficiles: ou se retirer et abdiquer toute influence, pour ne pas etre complice d'un systeme qu'il desapprouve; ou s'isoler du mal qu'il ne peut empecher, et faire une chose, une seule chose, toujours morale, toujours glorieuse, travailler a la defense de son pays.
Dumouriez convint avec le colonel Mack qu'il y aurait une suspension d'armes entre les deux armees; que les Imperiaux n'avanceraient pas sur Paris, pendant qu'il y marcherait lui-meme, et que l'evacuation de la Belgique serait le prix de cette condescendance; il fut aussi stipule que la place de Conde serait temporairement donnee en garantie, et que, dans le cas ou Dumouriez aurait besoin des Autrichiens, ils seraient a ses ordres. Les places fortes devaient recevoir des garnisons composees d'une moitie d'imperiaux et d'une moitie de Francais, mais sous le commandement de chefs francais, et a la paix toutes les places seraient rendues. Telles furent les coupables conventions faites par Dumouriez avec le prince de Cobourg, par l'intermediaire du colonel Mack.
On ne connaissait encore a Paris que la defaite de Neerwinden et l'evacuation successive de la Belgique. La perte d'une grande bataille, une retraite precipitee, concourant avec les nouvelles qu'on avait recues de l'Ouest, y causerent la plus grande agitation. Un complot avait ete decouvert a Rennes, et il paraissait trame par les Anglais, les seigneurs bretons et les pretres non
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