émanés d'Écosse, et que les hauts grades
y sont nommés Écossais. V. Grouvelle et les écrivains qu'il a suivis,
Munter, Moldenhawer, Nicolaï., etc.]
L'Église est la maison du Christ, le Temple celle du Saint-Esprit. Les
gnostiques prenaient, pour leur grande fête, non pas Noël ou Pâques,
mais la Pentecôte, le jour où l'Esprit descendit. Jusqu'à quel point ces
vieilles sectes subsistèrent-elles au moyen âge? Les Templiers y
furent-ils affiliés? De telles questions, malgré les ingénieuses
conjectures des modernes, resteront toujours obscures dans
l'insuffisance des monuments[24].
[Note 24: Voyez Hammer, Mémoire sur deux coffrets gnostiques, p. 7.
V. aussi le mémoire du même dans les Mines d'Orient, et la réponse de
M. Raynouard. (Michaud, Hist. des croisades, éd. 1828, t. V. p. 572.)]
Ces doctrines intérieures du Temple semblent tout à la fois vouloir se
montrer et se cacher. On croit les reconnaître, soit dans les emblèmes
étranges, sculptés au portail de quelques églises, soit dans le dernier
cycle épique du moyen âge, dans ces poëmes où la chevalerie épurée
n'est plus qu'une odyssée, un voyage héroïque et pieux à la recherche
du Graal. On appelait ainsi la sainte coupe qui reçut le sang du Sauveur.
La simple vue de cette coupe prolonge la vie de cinq cents années. Les
enfants seuls peuvent en approcher sans mourir. Autour du Temple qui
la contient, veillent en armes les Templistes, ou chevaliers du
Graal[25].
[Note 25: Voyez mon Histoire de France, t. III, chapitre VIII.]
Cette chevalerie plus qu'ecclésiastique, ce froid et trop pur idéal, qui fut
la fin du moyen âge et sa dernière rêverie, se trouvait, par sa hauteur
même, étranger à toute réalité, inaccessible à toute pratique. Le
templiste resta dans les poëmes, figure nuageuse et quasi-divine. Le
Templier s'enfonça dans la brutalité.
Je ne voudrais pas m'associer aux persécuteurs de ce grand ordre.
L'ennemi des Templiers les a lavés sans le vouloir; les tortures par
lesquelles il leur arracha de honteux aveux semblent une présomption
d'innocence. On est tenté de ne pas croire des malheureux qui
s'accusent dans les gênes. S'il y eut des souillures, on est tenté de ne
plus les voir, effacées qu'elles furent dans la flamme des bûchers.
Il subsiste cependant de graves aveux, obtenus hors de la question et
des tortures. Les points mêmes qui ne furent pas prouvés n'en sont pas
moins vraisemblables pour qui connaît la nature humaine, pour qui
considère sérieusement la situation de l'ordre dans ces derniers temps.
Il était naturel que le relâchement s'introduisît parmi des moines
guerriers, des cadets de la noblesse, qui couraient les aventures loin de
la chrétienté, souvent loin des yeux de leurs chefs, entre les périls d'une
guerre à mort et les tentations d'un climat brûlant, d'un pays d'esclaves,
de la luxurieuse Syrie. L'orgueil et l'honneur les soutinrent tant qu'il y
eut espoir pour la Terre sainte. Sachons-leur gré d'avoir résisté si
longtemps, lorsqu'à chaque croisade leur attente était si tristement
déçue, lorsque toute prédiction mentait, que les miracles promis
s'ajournaient toujours. Il n'y avait pas de semaine que la cloche de
Jérusalem ne sonnât l'apparition des Arabes dans la plaine désolée.
C'était toujours aux Templiers, aux Hospitaliers à monter à cheval, à
sortir des murs... Enfin ils perdirent Jérusalem, puis Saint-Jean-d'Acre.
Soldats délaissés, sentinelles perdues, faut-il s'étonner si, au soir de
cette bataille de deux siècles, les bras leur tombèrent?
La chute est grave après les grands efforts. L'âme montée si haut dans
l'héroïsme et la sainteté tombe bien lourde en terre... Malade et aigrie,
elle se plonge dans le mal avec une faim sauvage, comme pour se
venger d'avoir cru.
Telle paraît avoir été la chute du Temple. Tout ce qu'il y avait eu de
saint en l'ordre devint péché et souillure. Après avoir tendu de l'homme
à Dieu, il tourna de Dieu[26] à la Bête. Les pieuses agapes, les
fraternités héroïques, couvrirent de sales amours de moines[27]. Ils
cachèrent l'infamie en s'y mettant plus avant. Et l'orgueil y trouvait
encore son compte; ce peuple éternel, sans famille ni génération
charnelle, recruté par l'élection et l'esprit, faisait montre de son mépris
pour la femme[28], se suffisant à lui-même et n'aimant rien hors de soi.
[Note 26: Sans parler de notre dicton populaire «Boire comme un
Templier,» les Anglais en avaient un autre: «Dum erat juvenis
sæcularis, omnes pueri clamabant publice et vulgariter unus ad alterum:
Custodiatis vobis ab osculo Templariorum.» Conc. Britann.]
[Note 27: La règle austère que l'ordre reçut à son origine semble à sa
chute un acte d'accusation terrible: «Domus hospitis non careat lumine,
ne tenebrosus hostis... Vestiti autem camisiis dormiant, et cum
femoralibus dormiant. Dormientibus itaque fratribus usque mane
nunquam deerit lucerna...» Actes du concile de Troyes, 1128. Ap. Dup.
Templ. 92-102.]
[Note 28: Voyez cependant Processus contra Templarios, ms. de la
Biblioth. royale. Ce qu'on y lit dans les Articles de
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