Henri III et sa Cour | Page 4

Alexandre Dumas, père
tout d?vou?...Mais aussi ma protection, quoique ignor?e de tous, ne vous est pas inutile...Votre r?putation vous a fait bien des ennemis, mon p?re...
RUGGIERI
Je le sais.
CATHERINE
La Mole, en expirant, a avou? que les figures de cire … la ressemblance du roi, que l'on a trouv?es sur l'autel, perc?es d'un poignard … la place du coeur, avaient ?t? fournies par vous; et peut-?tre les m?mes juges qui l'ont condamn? trouveraient-ils, sous les cendres chaudes encore de son b–cher, assez de feu pour allumer celui de C“me Ruggieri.
RUGGIERI, avec crainte
Je le sais,...je le sais.
CATHERINE
Ne l'oubliez pas...Restez moi fid?le...et, tant que le ciel laissera … Catherine de M?dicis existence et pouvoir, ne craignez rien. Aidez-la donc … conserver l'un et l'autre.
RUGGIERI
Que puis-je faire pour Votre Majest??
CATHERINE
D'abord, mon p?re, avez-vous sign? la Ligue, comme je vous avais ?crit de le faire?
RUGGIERI
Oui, ma fille; la premi?re r?union des ligueurs doit m?me avoir lieu ici; car nul d'entre eux ne soup?onne la haute protection dont m'honore Votre Majest?...Vous voyez que je vous ai comprise et que j'ai ?t? au del… de vos ordres.
CATHERINE
Et vous avez compris aussi que l'?cho de leurs paroles devait retentir dans mon cabinet, et non dans celui du roi?
RUGGIERI
Oui, oui...
CATHERINE
Et maintenant, mon p?re, ?coutez...Votre profonde retraite, vos travaux scientifiques, vous laissent peu de temps pour suivre les intrigues de la cour...Et, d'ailleurs, vos yeux, habitu?s … lire dans un ciel pur, perceraient mal l'atmosph?re ?paisse et trompeuse qui l'environne.
RUGGIERI
Pardon, ma fille!...les bruits du monde arrivent parfois jusqu'ici: je sais que le roi de Navarre et le duc d'Anjou ont fui la cour et se sont retir?s, l'un dans son royaume, l'autre dans son gouvernement.
CATHERINE
Qu'ils y restent; ils m'inqui?tent moins en province qu'… Paris... Le caract?re franc du B?arnais, le caract?re irr?solu du duc d'Anjou, ne nous menacent point de grands dangers; c'est plus pr?s de nous que sont nos ennemis...Vous avez entendu parler du duel sanglant qui a eu lieu, le 27 avril dernier, pr?s la porte Saint-Antoine, entre six jeunes gens de la cour; parmi les quatre qui ont ?t? tu?s, trois ?taient les favoris du roi.
RUGGIERI
J'ai su sa douleur; j'ai vu les magnifiques tombeaux qu'il a fait ?lever … Qu?lus, Schomberg et Maugiron; car il leur portait une grande amiti?...Il avait promis, assure-t-on, cent mille livres aux chirurgiens, en cas que Qu?lus v?nt en convalescence...Mais que pouvait la science de la terre contre les dix-neuf coups d'?p?e qu'il avait re?us?...Antraguet, son meurtrier, a du moins ?t? puni par l'exil...
CATHERINE
Oui, mon p?re...Mais cette douleur s'apaise d'autant plus vite, qu'elle a ?t? exag?r?e. Qu?lus, Schomberg et Maugiron ont ?t? remplac?s par d'Epernon, Joyeuse et Saint-M?grin. Antraguet repara?tra demain … la cour; le duc de Guise l'exige, et Henri n'a rien … refuser … son cousin de Guise. Saint-M?grin et lui sont mes ennemis. Ce jeune gentilhomme bordelais m'inqui?te. Plus instruit, moins frivole surtout que Joyeuse et d'Epernon, il a pris sur l'esprit de Henri un ascendant qui m'effraye...Mon p?re, il en ferait un roi.
RUGGIERI
Et le duc de Guise?
CATHERINE
En ferait un moine, lui...Je ne veux ni l'un ni l'autre...Il me faut un peu plus qu'un enfant, un peu moins qu'un homme...Aurais-je donc ab?tardi son coeur … force de volupt?s, ?teint sa raison par des pratiques superstitieuses, pour qu'un autre que moi s'empar?t de son esprit et le dirige?t … son gr??...Non; je lui ai donn? un caract?re factice, pour que ce caract?re m'appart?nt...Tous les calculs de ma politique, toutes les ressources de mon imagination ont tendu l…...Il fallait rester r?gente de la France, quoique la France e–t un roi; il fallait qu'on p–t dire un jour: ?Henri III a regn? sous Catherine de M?dicis...ˉ J'y ai r?ussi jusqu'… pr?sent...Mais ces deux hommes!...
RUGGIERI
Eh bien, Ren?, votre valet de chambre, ne peut-il pr?parer pour eux des pommes de senteur, pareilles … celles que vous envoy?tes … Jeanne d'Albret, deux heures avant sa mort?...
CATHERINE
Non...Ils me sont n?cessaires: ils entretiennent dans l'?me du roi cette irr?solution qui fait ma force. Je n'ai besoin que de jeter d'autres passions au travers de leurs projets politiques, pour les en distraire un instant; alors je me fais jour entre eux; j'arrive au roi, que j'aurai isol? avec sa faiblesse, et je ressaisis ma puissance...J'ai trouv? un moyen. Le jeune Saint-M?grin est amoureux de la duchesse de Guise.
RUGGIERI
Et celle-ci?...
CATHERINE
L'aime aussi, mais sans se l'avouer encore … elle-m?me, peut-?tre...Elle est esclave de sa r?putation de vertu...Ils en sont … ce point o— il ne faut qu'une occasion, une rencontre, un t?te-…-t?te, pour que l'intrigue se noue; elle-m?me craint sa faiblesse, car elle le fuit...Mon p?re, ils se verront aujourd'hui; ils se verront seuls.
RUGGIERI
O— se verront-ils?
CATHERINE
Ici...Hier, au cercle, j'ai entendu Joyeuse et d'Epernon lier, avec Saint-M?grin, la partie de venir faire tirer leur horoscope par vous...Dites aux deux premiers ce que bon vous semblera sur leur fortune future, que le roi veut porter …
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