passerai chez elle, afin de fixer le jour de notre départ pour Chartres; car vous savez, Messieurs, que la reine et moi faisons un pèlerinage à Notre-Dame de Chartres, afin d'obtenir du ciel ce qu'il nous a refusé jusqu'à présent, un héritier de notre couronne. Ceux qui voudront nous suivre seront les bienvenus.
SAINT-MEGRIN
Sire, si, au lieu d'un pèlerinage à Notre-Dame de Chartres, vous ordonniez une campagne dans l'Anjou...si vos gentilshommes étaient revêtus de cuirasses au lieu de cilices, et portaient des épées en guise de cierges, Votre Majesté ne manquerait pas de pénitents, et vous me verriez au premier rang, sire, dussé-je faire la moitié de la route pieds nus sur des charbons ardents.
HENRI
Chaque chose aura son tour, mon enfant. Nous ne resterons pas en arrière dès qu'il le faudra; mais, en ce moment, grace à Dieu, notre beau royaume de France est en paix, et le temps ne nous manque pas pour nous occuper de nos dévotions. Mais que vois-je! vous à ma cour, seigneur de Bussy? (A Catherine de Médicis qui entre) Venez, ma mère, venez: vous allez avoir des nouvelles de votre fils bien-aimé, qui, s'il e?t été frère soumis et sujet respectueux, n'aurait jamais d? quitter notre cour...
CATHERINE
Il y revient, peut-être, mon fils...
HENRI, s'asseyant
C'est ce que nous allons savoir...Asseyez-vous, ma mère...Approchez, seigneur de Bussy...Où avez-vous quitté notre frère?
BUSSY D'AMBOISE
A Paris, sire.
HENRI
A Paris!...Serait-il dans notre bonne ville de Paris?
BUSSY D'AMBOISE
Non; mais il y est passé cette nuit.
HENRI
Et il se rend?...
BUSSY D'AMBOISE
Dans la Flandre...
HENRI
Vous l'entendez, ma mère. Nous allons sans doute avoir dans notre famille un duc de Brabant. Et pourquoi a-t-il passé si près de nous, sans venir nous présenter son hommage de fidélité, comme à son a?né et à son roi?...
BUSSY D'AMBOISE
Sire,...il conna?t la grande amitié que lui porte Votre Majesté, et il a craint qu'une fois rentré au Louvre, vous ne l'en laissiez plus sortir.
HENRI
Et il a raison, monsieur; mais, en ce moment, l'absence de son bon serviteur et de sa fidèle épée doit lui faire faute; car peut-être bient?t compte-t-il se servir contre nous de l'un et de l'autre. Arrangez-vous donc, seigneur de Bussy, pour le rejoindre au plus vite, et pour nous quitter au plus t?t. (Un Page entre) Eh bien, qu'y a-t-il?
CATHERINE
Mon fils, c'est sans doute Antraguet qui profite de la permission que vous lui avez volontairement accordée de repara?tre en votre royale présence...
HENRI
Oui, oui, volontairement!...Le meurtrier!...Ma mère, mon cousin de Guise m'impose un grand sacrifice; mais pour mes péchés, Dieu veut qu'il soit complet. (Au Page) Parlez.
LE PAGE
Charles Balzac d'Entragues, baron de Dunes, comte de Graville, ex-lieutenant général au gouvernement d'Orléans, demande à déposer aux pieds de Votre Majesté l'hommage de sa fidélité et de son respect.
HENRI
Oui, oui;...tout à l'heure nous recevrons notre sujet fidèle et respectueux; mais, auparavant, je veux me séparer de tous ce qui pourrait me rappeler cet affreux duel...Tiens, Joyeuse, tiens!...(Il tire de sa poitrine une espèce de sachet) Voilà les pendants d'oreilles de Quélus; porte-les en mémoire de notre ami commun...D'Epernon, voici la cha?ne d'or de Maugiron...Saint-Mégrin, je te donnerai l'épée de Schomberg; elle était bien pesante pour un bras de dix-huit ans!...qu'elle te défende mieux que lui, en pareille circonstance. Et maintenant, messieurs, faites comme moi, ne les oubliez pas dans vos prières.
Que Dieu re?oive en son giron Quélus, Schomberg et Maugiron.
Restez autour de moi, mes amis, et asseyez-vous...Faites entrer...(A la vue d'Antraguet, il prend dans sa bourse un flacon qu'il respire) Approchez ici, baron, et fléchissez le genou...Charles Balzac d'Entragues, nous vous avons accordé la faveur de notre présence royale, au milieu de notre cour, pour vous rendre, là où nous vous les avions ?tés, vos dignités et vos titres...Relevez-vous, baron de Dunes, comte de Graville, gouverneur général de notre province d'Orléans, et reprenez près de notre personne royale les fonctions que vous y remplissiez autrefois...Relevez-vous.
D'ENTRAGUES
Non, sire,...je ne me relèverai pas, que Votre Majesté n'ait reconnu publiquement que ma conduite, dans ce funeste duel, a été celle d'un loyal et honorable cavalier.
HENRI
Oui,...nous le reconnaissons, car c'est la vérité...Mais vous avez porté des coups bien malheureux!...
D'ENTRAGUES
Et maintenant, sire, votre main à baiser, comme gage de pardon et d'oubli.
HENRI
Non, non, monsieur, ne l'espérez pas.
CATHERINE
Mon fils, que faites-vous?
HENRI
Non, madame, non...J'ai pu lui pardonner, comme chrétien, le mal qu'il m'a fait; mais je ne l'oublierai de ma vie.
D'ENTRAGUES
Sire,...j'appelle le temps à mon secours; peut-être ma fidélité et ma soumission finiront-elles par fléchir le courroux de Votre Majesté.
HENRI
C'est possible. Mais votre gouvernement doit avoir besoin de votre présence; il en est privé depuis longtemps, baron de Dunes, et le bien de nos fidèles sujets pourraient en souffrir...Qui fait ce bruit?
D'EPERNON
Ce sont ceux de Guise...
HENRI
Notre beau cousin de Lorraine ne profite pas du privilège qu'ont les princes souverains de para?tre devant nous sans être annoncés...Ses pages ont toujours soin de faire assez de bruit pour que son arrivée ne soit
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