empêchements bourgeois de la vie, quand on a la
tête pleine de fantaisies héroïques qui vous grandissent à vos propres yeux, quand on est
déjà un homme par deux ou trois côtés et encore un enfant par vingt autres, quand on a lu
Ducray-Duminil à onze ans, Auguste Lafontaine à treize, Shakespeare à seize, échelle
étrange et rapide qui vous a fait passer brusquement, dans vos affections littéraires, du
niais au sentimental, et du sentimental au sublime.
C'est parce que, selon nous, ce livre, oeuvre naïve avant tout, représente avec quelque
fidélité l'âge qui l'a produit que nous le redonnons au public en 1833 tel qu'il a été fait en
1821.
D'ailleurs, puisque l'auteur, si peu de place qu'il tienne en littérature, a subi la loi
commune à tout écrivain grand ou petit, de voir rehausser ses premiers ouvrages aux
dépens des derniers et d'entendre déclarer qu'il était fort loin d'avoir tenu le peu que ses
commencements promettaient, sans opposer à une critique peut-être judicieuse et fondée
des objections qui seraient suspectes dans sa bouche, il croit devoir réimprimer purement
et simplement ses premiers ouvrages tels qu'il les a écrits, afin de mettre les lecteurs à
même de décider, en ce qui le concerne, si ce sont des pas en avant ou des pas en arrière
qui séparent _Han d'Islande_ de _Notre-Dame de Paris_.
Paris, mai 1833.
PREMIÈRE ÉDITION
L'auteur de cet ouvrage, depuis le jour où il en a écrit la première page, jusqu'au jour où il
a pu tracer le bienheureux mot FIN au bas de la dernière, a été le jouet de la plus ridicule
illusion. S'étant imaginé qu'une composition en quatre volumes valait la peine d'être
méditée, il a perdu son temps à chercher une idée fondamentale, à la développer bien ou
mal dans un plan bon ou mauvais, à disposer des scènes, à combiner des effets, à étudier
des moeurs de son mieux; en un mot, il a pris son ouvrage au sérieux.
Ce n'est que tout à l'heure, au moment où, selon l'usage des auteurs de terminer par où le
lecteur commence, il allait élaborer une longue préface, qui fût comme le bouclier de son
oeuvre, et contînt, avec l'exposé des principes moraux et littéraires sur lesquels repose sa
conception, un précis plus ou moins rapide des divers événements historiques qu'elle
embrasse, et un tableau plus ou moins complet du pays qu'elle parcourt; ce n'est que tout
à l'heure, disons-nous, qu'il s'est aperçu de sa méprise, qu'il a reconnu toute l'insignifiance
et toute la frivolité du genre à propos duquel il avait si gravement noirci tant de papier, et
qu'il a senti combien il s'était, pour ainsi dire, mystifié lui-même, en se persuadant que ce
roman pourrait bien, jusqu'à un certain point, être une production littéraire, et que ces
quatre volumes formaient un livre.
Il se résout donc sagement, après avoir fait amende honorable, à ne rien dire dans cette
espèce de préface, que monsieur l'éditeur aura soin en conséquence d'imprimer en gros
caractères. Il n'informera pas même le lecteur de son nom ou de ses prénoms, ni s'il est
jeune ou vieux, marié ou célibataire, ni s'il a fait des élégies ou des fables, des odes ou
des satires, ni s'il veut faire des tragédies, des drames ou des comédies, ni s'il jouit du
patriciat littéraire dans quelque académie, ni s'il a une tribune dans un journal quelconque;
toutes choses, cependant, fort intéressantes à savoir. Il se bornera seulement à faire
remarquer que la partie pittoresque de son roman a été l'objet d'un soin particulier; qu'on
y rencontre fréquemment des K, des Y, des H et des W, quoiqu'il n'ait jamais employé
ces caractères romantiques qu'avec une extrême sobriété, témoin le nom historique de
Guldenlew, que plusieurs chroniqueurs écrivent _Guldenloëwe_, ce qu'il n'a pas osé se
permettre; qu'on y trouve également de nombreuses diphtongues variées avec beaucoup
de goût et d'élégance; et qu'enfin tous les chapitres sont précédés d'épigraphes étranges et
mystérieuses, qui ajoutent singulièrement à l'intérêt et donnent plus de physionomie à
chaque partie de la composition.
Janvier 1823.
DEUXIÈME ÉDITION
On a affirmé à l'auteur de cet ouvrage qu'il était absolument nécessaire de consacrer
spécialement quelques lignes d'avertissement, de préface ou d'introduction à cette
seconde édition. Il a eu beau représenter que les quatre ou cinq malencontreuses pages
vides qui escortaient la première édition, et dont le libraire s'est obstiné à déparer celle-ci,
lui avaient déjà attiré les anathèmes de l'un de nos écrivains les plus honorables et les
plus distingués [Footnote: M. C. Nodier. Quotidienne du 12 mars.], lequel l'avait accusé
de prendre _le ton aigre-doux_ de l'illustre Jedediah Cleishbotham, maître d'école et
sacristain de la paroisse de Gandercleugh; il a eu beau alléguer que ce brillant et
judicieux critique, de sévère pour la faute, deviendrait sans doute impitoyable
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