Germinie Lacerteux | Page 3

Edmond de Goncourt
il emp��chait ma seconde soeur de me tirer les cheveux, de me faire du mal... parce qu'elle ��tait jalouse. Il me prenait toujours par la main pour aller voir jouer aux quilles... Enfin il soutenait �� lui seul la maison... Pour ma premi��re communion, en donna-t-il de ces coups de battant! Ah! il en abattit de l'ouvrage pour que je fusse comme les autres avec une petite robe blanche o�� il y avait un tuyaut��, et un petit sac �� la main, on portait alors de ?a... Je n'avais pas de bonnet: je m'��tais fait, je me souviens, une jolie couronne avec des faveurs et de la moelle blanche qu'on retire en ��cor?ant de la canette: il y en a beaucoup chez nous dans les places o�� on met rouir le chanvre... Voil�� un de mes bons jours ce jour-l��... avec le tirage des cochons �� No?l... et les fois o�� j'allais aider pour accoler la vigne... c'est au mois de juin, vous savez... Nous en avions une petite au haut de Saint-Hilaire... Il y eut ces ann��es-l�� une ann��e bien dure... vous vous rappelez, mademoiselle?... la gr��le de 1828 qui perdit tout... ?a alla jusqu'�� Dijon, et plus loin... on fut oblig�� de faire du pain avec du son... Mon fr��re alors s'ab?ma de travail... Mon p��re, qui ��tait �� pr��sent toujours dehors �� courir dans les champs, nous rapportait quelquefois des champignons... C'��tait de la mis��re tout de m��me... on avait plus souvent faim qu'autre chose... Moi, quand j'��tais dans les champs, je regardais si on ne me voyait pas, je me coulais tout doucement sur les genoux, et quand j'��tais sous une vache, j'?tais un de mes sabots, et je me mettais �� la traire... Dam! il n'aurait pas fallu qu'on me pr?t!... Ma plus grande soeur ��tait en service chez le maire de Lenclos, et elle envoyait �� la maison ses quatre-vingts francs de gages... c'��tait toujours autant. La seconde travaillait �� la couture chez les bourgeois; mais ce n'��taient pas les prix d'�� pr��sent alors: on allait de six heures du matin jusqu'�� la nuit pour huit sous. Avec ?a elle voulait mettre de c?t�� pour s'habiller �� la f��te le jour de Saint-R��mi... Ah! voil�� comme on est chez nous: il y en a beaucoup qui mangent deux pommes de terre par jour pendant six mois pour s'avoir une robe neuve ce jour-l��... Les mauvaises chances nous tombaient de tous les c?t��s... Mon p��re vint �� mourir... Il avait fallu vendre un petit champ et un homme de vigne qui tous les ans nous donnait un tonneau de vin... Les notaires, ?a co?te... Quand mon fr��re fut malade, il n'y avait rien �� lui donner �� boire que du _rap��_ sur lequel on jetait de l'eau depuis un an... Et puis il n'y avait plus de linge pour le changer: tous nos draps de l'armoire, o�� il y avait une croix d'or dessus, du temps de maman, c'��tait parti... et la croix aussi... L��-dessus, avant d'��tre malade alors, mon fr��re s'en va �� la f��te de Clermont. Il entend dire que ma soeur a fait sa faute avec le maire o�� elle ��tait: il tombe sur ceux qui disaient cela... il n'��tait gu��re fort... Eux, ils ��taient beaucoup, ils le jet��rent par terre, et quand il fut par terre, ils lui donn��rent des coups de sabot dans le creux de l'estomac... On nous le rapporta comme mort... Le m��decin le remit pourtant sur pied, et nous dit qu'il ��tait gu��ri. Mais il ne fit plus que tra?ner... Je voyais qu'il s'en allait, moi, quand il m'embrassait... Quand il fut mort, le pauvre cher palot, il fallut que Cadet Ballard y m?t toutes ses forces pour m'enlever de dessus le corps. Tout le village, le maire et tout, alla �� son enterrement. Ma soeur n'ayant pu garder sa place chez ce maire �� cause des propos qu'il lui tenait, et ��tant partie se placer �� Paris, mon autre soeur la suivit... Je me trouvai toute seule... Une cousine de ma m��re me prit alors avec elle �� Damblin; mais j'��tais toute d��plant��e l��, je passais les nuits pleurer, et quand je pouvais me sauver, je retournais toujours �� notre maison. Rien que de voir, de l'entr��e de notre rue, la vieille vigne notre porte, ?a me faisait un effet! il me poussait des jambes... Les braves gens qui avaient achet�� la maison me gardaient jusqu'�� ce qu'on v?nt me chercher: on ��tait toujours s?r de me retrouver l��. �� la fin, on ��crivit �� ma soeur de Paris, que si elle ne me faisait pas venir aupr��s d'elle, je pourrais bien ne pas faire de vieux os... Le fait que j'��tais comme de la cire... On me recommanda au conducteur d'une petite voiture qui allait
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