grand paillasse des Funambules, qui le regardait avec une expression indéfinissable de malice et de bonhomie.
THéOPHILE GAUTIER.--Onuphrius.
Au clair de la lune Mon ami Pierrot Prête-moi une plume Que j'écrive un mot. Ma chandelle est morte Je n'ai plus de feu; Ouvre-moi la porte Pour l'amour de Dieu.
Chanson populaire.
Le ma?tre de chapelle eut à peine interrogé de l'archet la viole bourdonnante, qu'elle lui répondit par un gargouillement burlesque de lazzi et de roulades, comme si elle e?t eu au ventre une indigestion de comédie italienne.
* * * * *
C'était d'abord la duègne Barbara qui grondait cet imbécile de Pierrot d'avoir, le maladroit, laissé tomber la bo?te à perruque de M. Cassandre et répandu toute la poudre sur le plancher.
Et M. Cassandre de ramasser piteusement sa perruque, et Arlequin de détacher au viédase un coup de pied dans le derrière, et Colombine d'essuyer une larme de fou rire, et Pierrot d'élargir jusqu'aux oreilles une grimace enfarinée.
Mais bient?t, au clair de lune, Arlequin dont la chandelle était morte suppliait son ami Pierrot de tirer les verrous pour la lui rallumer, si bien que le tra?tre enlevait la jeune fille avec la cassette du vieux.
* * * * *
--?Au diable Job Hans le luthier qui m'a vendu cette corde! s'écria le ma?tre de chapelle recouchant la poudreuse viole dans son poudreux étui.?--La corde s'était cassée.
VIII
L'ALCHIMISTE.
Notre art s'apprent en deux manières, c'est à savoir par enseignement d'un ma?tre, bouche à bouche, et non autrement, ou par inspiration et révélation divines; ou bien par les livres lesquelz sont moult obscurs et embrouilléz; et pour en iceux trouver accordance et vérité moult convient estre subtil, patient, studieux et vigilant.
_La clef des secrets de philosophie de Pierre Vicot._
Rien encore!--Et vainement ai-je feuilleté pendant trois jours et trois nuits, aux blafardes lueurs de la lampe, les livres hermétiques de Raymond Lulle.
Non, rien, si ce n'est, avec le sifflement de la cornue étincelante, les rires moqueurs d'un salamandre qui se fait un jeu de troubler mes méditations.
Tant?t il attache un pétard à un poil de ma barbe, tant?t il me décoche de son arbalète un trait de feu dans mon manteau.
Ou bien fourbit-il son armure, c'est alors la cendre du fourneau qui souffle sur les pages de mon formulaire et sur l'encre de mon écritoire.
Et la cornue toujours plus étincelante siffle le même air que le diable, quand saint éloi lui tenaille le nez dans sa forge.
Mais rien encore!--Et pendant trois autres jours et trois autres nuits je feuilleterai, aux blafardes lueurs de la lampe, les livres hermétiques de Raymond Lulle!
IX
DéPART POUR LE SABBAT.
Elle se leva la nuit, et allumant la chandelle prit une bo?te et s'oignit, puis avec quelques paroles elle fut transportée au sabbat.
JEAN BODIN.--_De la Démonomanie des Sorciers._
Ils étaient là une douzaine qui mangeaient la soupe à la bière, et chacun d'eux avait pour cuiller l'os de l'avant-bras d'un mort.
La cheminée était rouge de braise, les chandelles champignonnaient dans la fumée, et les assiettes exhalaient une odeur de fosse au printemps.
Et lorsque Maribas riait ou pleurait, on entendait comme geindre un archet sur les trois cordes d'un violon démantibulé.
Cependant le soudard étala diaboliquement sur la table, à la lueur du suif, un grimoire où vint s'ébattre une mouche grillée.
Cette mouche bourdonnait encore lorsque, de son ventre énorme et velu, une araignée escalada les bords du magique volume.
Mais déjà sorciers et sorcières s'étaient envolés par la cheminée à califourchon, qui sur un balai, qui sur les pincettes, et Maribas sur la queue de la poêle.
Ici finit le premier Livre des Fantaisies De Gaspard De la Nuit
NOTES:
[1] Balcon de pierre.
[2] Instrument de musique.
* * * * *
Ici commence le deuxième Livre des Fantaisies De Gaspard De la Nuit
* * * * *
LE VIEUX PARIS
I
LES DEUX JUIFS.
Vieux époux Vieux jaloux, Tirez tous Les verrous.
Vieille chanson.
Deux juifs, qui s'étaient arrêtés sous ma fenêtre, comptaient mystérieusement au bout de leurs doigts les heures trop lentes de la nuit.
--?Avez-vous de l'argent, Rabbi? demanda le plus jeune au plus vieux.--Cette bourse, répondit l'autre, n'est point un grelot.?
* * * * *
Mais alors une troupe de gens se rua avec vacarme des bouges du voisinage; et des cris éclatèrent sur mes vitraux comme les dragées d'une sarbacane.
C'étaient des turlupins qui couraient joyeusement vers la place du Marché, d'où le vent chassait des étincelles de paille et une odeur de roussi.
--?Ohé! Ohé! Lanturelu!--Ma révérence à Madame la lune!--Par ici, la cagoule du diable! Deux juifs dehors pendant le couvre-feu!--Assomme! assomme! aux juifs le jour, aux truands la nuit!
* * * * *
Et les cloches fêlées carillonnaient là-haut dans les tours de Saint-Eustache le gothique:--?Dindon, dindon, dormez-donc, dindon!?
A M. Louis Boulanger, peintre.
II
LES GUEUX DE NUIT.
J'endure Froidure Bien dure.
La chanson du pauvre diable.
--?Ohé! rangez-vous qu'on se chauffe!--Il ne te manque plus que d'enfourcher le foyer! Ce dr?le a les jambes comme des pincettes.
--Une heure!--Il bise dru!--Savez-vous, mes chats-huants,
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