rappelait afin qu'elle rencontrat imm��diatement celui qu'il lui destinait comme fianc��, le marquis de Farandal. Cette combinaison, d'ailleurs, ��tait tenue tr��s secr��te, et seul Olivier Bertin en avait re?u la confidence de madame de Guilleroy.
Donc il demanda:
--Alors l'id��e de votre mari est bien arr��t��e?
--Oui, je la crois m��me tr��s heureuse.
Puis ils parl��rent d'autres choses.
Elle revint �� la peinture et voulut le d��cider �� faire un Christ. Il r��sistait, jugeant qu'il y en avait d��j�� assez par le monde; mais elle tenait bon, obstin��e, et elle s'impatientait.
--Oh! si je savais dessiner, je vous montrerais ma pens��e; ce serait tr��s nouveau, tr��s hardi. On le descend de la croix et l'homme qui a d��tach�� les mains laisse ��chapper tout le haut du corps. Il tombe et s'abat sur la foule qui l��ve les bras pour le recevoir et le soutenir. Comprenez-vous bien?
Oui, il comprenait; il trouvait m��me la conception originale, mais il se sentait dans une veine de modernit��, et, comme son amie ��tait ��tendue sur le divan, un pied tombant, chauss�� d'un fin soulier, et donnant �� l'oeil la sensation de la chair �� travers le bas presque transparent, il s'��cria:
--Tenez, tenez, voil�� ce qu'il faut peindre, voil�� la vie: un pied de femme au bord d'une robe! On peut mettre tout l�� dedans, de la v��rit��, du d��sir, de la po��sie. Rien n'est plus gracieux, plus joli qu'un pied de femme, et quel myst��re ensuite: la jambe cach��e, perdue et devin��e sous cette ��toffe!
S'��tant assis par terre, �� la turque, il saisit le soulier et l'enleva; et le pied, sorti de sa gaine de cuir, s'agita comme une petite b��te remuante, surprise d'��tre laiss��e libre.
Bertin r��p��tait:
--Est-ce fin, et distingu��, et mat��riel, plus mat��riel que la main. Montrez votre main, Any!
Elle avait de longs gants, montant jusqu'au coude. Pour en ?ter un, elle le prit tout en haut par le bord et vivement le fit glisser, en le retournant �� la fa?on d'une peau de serpent qu'on arrache. Le bras apparut, pale, gras, rond, d��v��tu si vite qu'il fit surgir l'id��e d'une nudit�� compl��te et hardie.
Alors, elle tendit sa main en la laissant pendre au bout du poignet. Les bagues brillaient sur ses doigts blancs; et les ongles ros��s, tr��s effil��s, semblaient des griffes amoureuses pouss��es au bout de cette mignonne patte de femme.
Olivier Bertin, doucement, la maniait en l'admirant. Il faisait remuer les doigts comme des joujoux de chair, et il disait:
--Quelle dr?le de chose! Quelle dr?le de chose! Quel gentil petit membre, intelligent et adroit, qui ex��cute tout ce qu'on veut, des livres, de la dentelle, des maisons, des pyramides, des locomotives, de la patisserie, ou des caresses, ce qui est encore sa meilleure besogne.
Il enlevait les bagues une �� une; et comme l'alliance, un fil d'or, tombait �� son tour, il murmura en souriant:
--La loi. Saluons.
--B��te! dit elle, un peu froiss��e.
Il avait toujours eu l'esprit gouailleur, cette tendance fran?aise qui m��le une apparence d'ironie aux sentiments les plus s��rieux, et souvent il la contristait sans le vouloir, sans savoir saisir les distinctions subtiles des femmes, et discerner les limites des d��partements sacr��s, comme il disait. Elle se fachait surtout chaque fois qu'il parlait avec une nuance de blague famili��re de leur liaison si longue qu'il affirmait ��tre le plus bel exemple d'amour du dix-neuvi��me si��cle. Elle demanda, apr��s un silence:
--Vous nous m��nerez au vernissage, Annette et moi?
--Je crois bien.
Alors, elle l'interrogea sur les meilleures toiles du prochain Salon, dont l'ouverture devait avoir lieu dans quinze jours.
Mais soudain, saisie peut-��tre par le souvenir d'une course oubli��e:
--Allons, donnez-moi mon soulier. Je m'en vais.
Il jouait r��veusement avec la chaussure l��g��re en la tournant et la retournant dans ses mains distraites.
Il se pencha, baisa le pied qui semblait flotter entre la robe et le tapis et qui ne remuait plus, un peu refroidi par l'air, puis il le chaussa; et Mme de Guilleroy, s'��tant lev��e, alla vers la table o�� tra?naient des papiers, des lettres ouvertes, vieilles et r��centes, �� c?t�� d'un encrier de peintre o�� l'encre ancienne ��tait s��ch��e. Elle regardait d'un oeil curieux, touchait aux feuilles, les soulevait pour voir dessous.
Il dit en s'approchant d'elle:
--Vous allez d��ranger mon d��sordre.
Sans r��pondre, elle demanda:
--Quel est ce monsieur qui veut acheter vos Baigneuses?
--Un Am��ricain que je ne connais pas.
--Avez-vous consenti pour la Chanteuse des rues?
--Oui. Dix mille.
--Vous avez bien fait. C'��tait gentil, mais pas exceptionnel. Adieu, cher.
Elle tendit alors sa joue, qu'il effleura d'un calme baiser; et elle disparut sous la porti��re, apr��s avoir dit, �� mi-voix:
--Vendredi, huit heures. Je ne veux point que vous me reconduisiez. Vous le savez bien. Adieu.
Quand elle fut partie, il ralluma d'abord une cigarette, puis se mit �� marcher �� pas lents �� travers son atelier. Tout le pass�� de cette liaison se d��roulait devant lui. Il se rappelait les d��tails lointains disparus, les recherchait en les
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