les pens��es de l'enfance sont d'elles-m��mes assez enfantines, sans y joindre encore de nouvelles badineries. Ces badineries ne sont telles qu'en apparence, car dans le fond elles portent un sens tr��s solide. Et comme, par la d��finition du point, de la ligne, de la surface, et par d'autres principes tr��s familiers, nous parvenons �� des connaissances qui mesurent enfin le ciel et la terre, de m��me aussi, par les raisonnements et cons��quences que l'on peut tirer de ces fables, on se forme le jugement et les moeurs, on se rend capable des grandes choses.
Elles ne sont pas seulement morales, elles donnent encore d'autres connaissances. Les propri��t��s des animaux et leurs divers caract��res y sont exprim��s; par cons��quent les n?tres aussi, puisque nous sommes l'abr��g�� de ce qu'il y a de bon et de mauvais dans les cr��atures irraisonnables. Quand Prom��th��e voulut former l'homme, il prit la qualit�� dominante de chaque b��te: de ces pi��ces si diff��rentes il composa notre esp��ce; il fit cet ouvrage qu'on appelle ?le petit monde?. Ainsi ces fables sont un tableau o�� chacun de nous se trouve d��peint. Ce qu'elles nous repr��sentent confirme les personnes d'age avanc�� dans les connaissances que l'usage leur a donn��es, et apprend aux enfants ce qu'il faut qu'ils sachent. Comme ces derniers sont nouveaux venus dans le monde, ils n'en connaissent pas encore les habitants, ils ne se connaissent pas eux-m��mes. On ne les doit laisser dans cette ignorance que le moins qu'on peut; il leur faut apprendre ce que C'est qu'un lion, un renard, ainsi du reste; et pourquoi l'on compare quelquefois un homme �� ce renard ou �� ce lion. C'est �� quoi les fables travaillent; les premi��res notions de ces choses proviennent d'elles.
J'ai d��j�� pass�� la longueur ordinaire des pr��faces, cependant je n'ai pas encore rendu raison de la conduite de mon ouvrage. L'apologue est compos�� de deux parties, dont on peut appeler l'une le corps, l'autre l'ame. Le corps est la fable; l'ame, la moralit��. Aristote n'admet dans la fable que les animaux; il en exclut les hommes et les plantes. Cette r��gle est moins de n��cessit�� que de biens��ance, puisque ni ��sope, ni Ph��dre, ni aucun des fabulistes, ne l'a gard��e: tout au contraire de la moralit��, dont aucun ne se dispense. Que s'il m'est arriv�� de le faire, ce n'a ��t�� que dans les endroits o�� elle n'a pu entrer avec grace, et o�� il est ais�� au lecteur de la suppl��er. On ne consid��re en France que ce qui pla?t; c'est la grande r��gle, et pour ainsi dire la seule. Je n'ai donc pas cru que ce f?t un crime de passer par-dessus les anciennes coutumes lorsque je ne pouvais les mettre en usage sans leur faire tort. Du temps d'��sope, la fable ��tait cont��e simplement, la moralit�� s��par��e, et toujours en suite. Ph��dre est venu, qui ne s'est pas assujetti �� cet ordre: il embellit la narration, et transporte quelquefois la moralit�� de la fin au commencement. Quand il serait n��cessaire de lui trouver place, je ne manque �� ce pr��cepte que pour en observer un qui n'est pas moins important. C'est Horace qui nous le donne. Cet auteur ne veut pas qu'un ��crivain s'opiniatre contre l'incapacit�� de son esprit, ni contre celle de sa mati��re. Jamais, �� ce qu'il pr��tend, un homme qui veut r��ussir n'en vient jusque-l��; il abandonne les choses dont il voit bien qu'il ne saurait rien faire de bon:
Et quoe Desperat tractata nitescere posse, relinquit.
C'est ce que j'ai fait �� l'��gard de quelques moralit��s, du succ��s desquelles je n'ai pas bien esp��r��.
Il ne reste plus qu'�� parler de la vie d'��sope. Je ne vois presque personne qui ne tienne pour fabuleuse celle que Planude nous a laiss��e. On s'imagine que cet auteur a voulu donner �� son h��ros un caract��re et des aventures qui r��pondissent �� ses fables. Cela m'a paru d'abord sp��cieux; mais j'ai trouv�� �� la fin peu de certitude en cette critique. Elle est en partie fond��e sur ce qui se passe entre Xantus et ��sope; on y trouve trop de niaiseries, et qui est le sage �� qui de pareilles choses n'arrivent point? Toute la vie de Socrate n'a pas ��t�� s��rieuse. Ce qui me confirme en mon sentiment, c'est que le caract��re que Planude donne �� ��sope est semblable �� celui que Plutarque lui a donn�� dans son Banquet des sept Sages, c'est-��-dire d'un homme subtil, et qui ne laisse rien passer. On me dira que le Banquet des sept Sages est aussi une invention. Il est ais�� de douter de tout: quant �� moi, je ne vois pas bien pourquoi Plutarque aurait voulu imposer �� la post��rit�� dans ce trait��-l��, lui qui fait profession d'��tre v��ritable partout ailleurs, et de conserver �� chacun son caract��re. Quand cela serait, je ne saurais que
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