Fables de La Fontaine | Page 5

Jean de La Fontaine
même à ce prix un trésor.??Cela dit, ma?tre loup s'enfuit, et court encor.
La Génisse, la Chèvre et la Brebis en société avec le Lion
La génisse, la chèvre et leur soeur la brebis,?Avec un fier lion, seigneur du voisinage,?Firent société, dit-on, au temps jadis,?Et mirent en commun le gain et le dommage.?Dans les lacs de la chèvre un cerf se trouva pris.?Vers ses associés aussit?t elle envoie.?Eux venus, le lion par ses ongles compta,?Et dit: ?Nous sommes quatre à partager la proie?.?Puis, en autant de parts le cerf il dépe?a;?Prit pour lui la première en qualité de sire:??Elle doit être à moi, dit-il, et la raison,?C'est que je m'appelle lion:?A cela l'on n'a rien à dire.?La seconde, par droit, me doit échoir encor:?Ce droit, vous le savez, c'est le droit du plus fort.?Comme le plus vaillant, je prétends la troisième.?Si quelqu'une de vous touche à la quatrième,?Je l'étranglerai tout d'abord.?
La Besace
Jupiter dit un jour: ?Que tout ce qui respire?S'en vienne compara?tre aux pieds de ma grandeur:?Si dans son composé quelqu'un trouve à redire,?Il peut le déclarer sans peur;?Je mettrai remède à la chose.?Venez, singe; parlez le premier, et pour cause.?Voyez ces animaux, faites comparaison?De leurs beautés avec les v?tres.?êtes-vous satisfait?--Moi? dit-il; pourquoi non??N'ai-je pas quatre pieds aussi bien que les autres??Mon portrait jusqu'ici ne m'a rien reproché;?Mais pour mon frère l'ours, on ne l'a qu'ébauché:?Jamais, s'il me veut croire, il ne se fera peindre.??L'ours venant là-dessus, on crut qu'il s'allait plaindre. Tant s'en faut: de sa forme il se loua très fort;?Glosa sur l'éléphant, dit qu'on pourrait encor?Ajouter à sa queue, ?ter à ses oreilles;?Que c'était une masse informe et sans beauté.?L'éléphant étant écouté,?Tout sage qu'il était, dit des choses pareilles:?Il jugea qu'à son appétit?Dame baleine était trop grosse.?Dame fourmi trouva le ciron trop petit,?Se croyant, pour elle, un colosse.?Jupin les renvoya s'étant censurés tous,?Du reste contents d'eux.?Mais parmi les plus fous?Notre espèce excella; car tout ce que nous sommes,?Lynx envers nos pareils, et taupes envers nous,?Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes:?On se voit d'un autre oeil qu'on ne voit son prochain.?Le fabricateur souverain?Nous créa besaciers tous de même manière,?Tant ceux du temps passé que du temps d'aujourd'hui:?Il fit pour nos défauts la poche de derrière,?Et celle de devant pour les défauts d'autrui.
L'hirondelle et les petits oiseaux
Une hirondelle en ses voyages?Avait beaucoup appris. Quiconque a beaucoup vu?Peut avoir beaucoup retenu.?Celle-ci prévoyait jusqu'aux moindres orages,?Et devant qu'ils ne fussent éclos,?Les annon?ait aux matelots.?Il arriva qu'au temps que le chanvre se sème,?Elle vit un manant en couvrir maints sillons.??Ceci ne me pla?t pas, dit-elle aux oisillons:?Je vous plains, car pour moi, dans ce péril extrême,?Je saurai m'éloigner, ou vivre en quelque coin.?Voyez-vous cette main qui, par les airs chemine??Un jour viendra, qui n'est pas loin,?Que ce qu'elle répand sera votre ruine.?De là na?tront engins à vous envelopper,?Et lacets pour vous attraper,?Enfin, mainte et mainte machine?Qui causera dans la saison?Votre mort ou votre prison:?Gare la cage ou le chaudron!?C'est pourquoi, leur dit l'hirondelle,?Mangez ce grain et croyez-moi.??Les oiseaux se moquèrent d'elle:?Ils trouvaient aux champs trop de quoi.?Quand la chènevière fut verte,?L'hirondelle leur dit: ?Arrachez brin à brin?Ce qu'a produit ce mauvais grain,?Ou soyez s?rs de votre perte.?--Prophète de malheur, babillarde, dit-on,?Le bel emploi que tu nous donnes!?Il nous faudrait mille personnes?Pour éplucher tout ce canton.??La chanvre étant tout à fait crue,?L'hirondelle ajouta: ?Ceci ne va pas bien;?Mauvaise graine est t?t venue.?Mais puisque jusqu'ici l'on ne m'a crue en rien,?Dès que vous verrez que la terre?Sera couverte, et qu'à leurs blés?Les gens n'étant plus occupés?Feront aux oisillons la guerre;?Quand reglingettes et réseaux?Attraperont petits oiseaux,?Ne volez plus de place en place,?Demeurez au logis ou changez de climat:?Imitez le canard, la grue ou la bécasse.?Mais vous n'êtes pas en état?De passer, comme nous, les déserts et les ondes,?Ni d'aller chercher d'autres mondes;?C'est pourquoi vous n'avez qu'un parti qui soit s?r,?C'est de vous enfermer aux trous de quelque mur.??Les oisillons, las de l'entendre,?Se mirent à jaser aussi confusément?Que faisaient les Troyens quand la pauvre Cassandre?Ouvrait la bouche seulement.?Il en prit aux uns comme aux autres:?Maint oisillon se vit esclave retenu.
Nous n'écoutons d'instincts que ceux qui sont les n?tres Et ne croyons le mal que quand il est venu.
Le Rat de ville et le Rat des champs
Autrefois le rat des villes?Invita le rat des champs?D'une fa?on fort civile,?A des reliefs d'ortolans
Sur un tapis de Turquie?Le couvert se trouva mis.?Je laisse à penser la vie?Que firent ces deux amis.
Le régal fut fort honnête:?Rien ne manquait au festin;?Mais quelqu'un troubla la fête?Pendant qu'ils étaient en train.
A la porte de la salle?Ils entendirent du bruit:?Le rat de ville détale,?Son camarade le suit.
Le bruit cesse, on se retire:?Rats en campagne aussit?t;?Et le citadin de dire:??Achevons tout notre r?t.
--C'est assez, dit le rustique;?Demain vous viendrez chez moi.?Ce n'est pas que je me pique?De tous vos festins de roi;
Mais rien ne vient
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 11
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.