F. Chopin | Page 2

Franz Liszt
que la mort apporte �� leurs travaux cette plus value instantan��e qu'elle donne �� ceux des peintres, et aucun d'eux ne pourrait renouveler, au profit de ses manuscrits, le subterfuge d'un des grands ma?tres flamands qui voulut de son vivant exploiter sa gloire future, en chargeant sa femme de r��pandre le bruit de son d��c��s pour faire rench��rir les toiles dont il avait eu soin de garnir son atelier. Les questions d'��cole peuvent aussi dans les arts plastiques retarder, de leur vivant, l'appr��ciation ��quitable de certains ma?tres. Qui ne sait que les admirateurs passionn��s de Rafael fulminaient contre Michel-Ange, que de nos jours on m��connut longtemps en France le m��rite d'Ingres, dont ensuite les partisans d��nigr��rent celui de Delacroix, pendant qu'en Allemagne les adh��rents de Corn��lius anath��matisaient ceux de Kaulbach, qui le leur rendaient bien. Mais, en peinture ces guerres d'��cole arrivent plus t?t �� une solution ��quitable, parce que le tableau ou la statue d'un novateur une fois expos��s, tous peuvent la voir; la foule y accoutume ainsi ses yeux, pendant que le penseur, le critique impartial, (s'il y en a), est �� m��me de l'��tudier consciencieusement et d'y d��couvrir le m��rite r��el de la pens��e et des formes encore inusit��es. Il lui est toujours ais�� de les revoir et de juger avec ��quit��, pour peu qu'il le veuille, l'union ad��quate qui s'y trouve ou non du sentiment et de la forme.
En musique, il n'en va pas ainsi. Les partisans exclusifs des anciens ma?tres et de leur style ne permettent pas aux esprits impartiaux de se familiariser avec les productions d'une ��cole qui surgit. Ils ont soin de les soustraire tout �� fait �� la connaissance du public. Si par m��garde quelque oeuvre nouvelle, ��crite dans un style nouveau, vient �� ��tre ex��cut��e, non contents de la faire attaquer par tous les organes de la presse qu'ils tiennent �� leur disposition, ils emp��chent qu'on la joue et, surtout, qu'on la rejoue. Ils confisquent les orchestres et les conservatoires, les salles de concert et les salons, en ��tablissant contre tout auteur qui cesse d'��tre un imitateur, un syst��me de prohibition qui s'��tend des ��coles, o�� se forment le go?t des virtuoses et des ma?tres de chapelle, aux le?ons, au cours, aux ex��cutions publiques, priv��es et intimes, o�� se forme le go?t des auditeurs.
Un peintre et un sculpteur peuvent raisonnablement esp��rer de convertir peu �� peu leurs contemporains de bonne foi, ceux que l'envie, la rancune, le parti pris, ne rendent pas inaccessibles �� toute conversion, en ayant prise par la publicit�� m��me de leur oeuvre sur toutes les ames ing��nues, sur celles qui sont sup��rieures aux petites taquineries d'atelier �� atelier. Le musicien novateur est condamn�� �� attendre une g��n��ration suivante pour ��tre d'abord entendu, puis ��cout��. En dehors du th��atre, qui a ses propres conditions, ses propres lois, ses propres normes, dont nous ne nous occupons pas ici, il ne peut gu��re esp��rer de conqu��rir un public de son vivant; c'est-��-dire, de voir le sentiment qui l'a inspir��, la volont�� qui l'a anim��, la pens��e qui l'a guid��, g��n��ralement comprises, clairement pr��sentes �� quiconque lit ou ex��cute ses oeuvres. Il lui faut �� l'avance courageusement renoncer �� voir le m��rite et la beaut�� de la forme dont il a rev��tu son sentiment et sa pens��e, g��n��ralement appr��ci��es et reconnues par les artistes, ses ��gaux, avant un quart de si��cle; pour mieux dire, avant sa mort. Celle-ci apporte bien une notable mutation dans les jugements, ne fut-ce que parce qu'elle donne �� toutes les mauvaises petites passions des rivalit��s locales, l'occasion de taquiner, d'attaquer, de miner des r��putations en vogue, en opposant �� leurs plates productions les oeuvres de ceux qui ne sont plus. Mais, qu'il y a loin encore de cette estime r��trospective que l'envie emprunte chez la justice, �� la compr��hension sympathique, affectueuse, amoureuse, admirative, due au g��nie ou au talent hors ligne.
Toutefois, en musique les retardataires sont moins coupables peut-��tre que ne le pensent ceux dont ils neutralisent les efforts, dont ils emp��chent le succ��s, dont ils ajournent la gloire. Ne faut-il pas tenir compte de la difficult�� r��elle qu'ils ��prouvent �� comprendre les beaut��s qu'ils m��connaissent, �� appr��cier les m��rites qu'ils nient avec tant d'obstination? L'ou?e est un sens infiniment plus sensible, plus nerveux, plus subtil que la vue; du moment que, cessant de servir aux simples besoins de la vie, il porte au cerveau des ��motions li��es �� ses sensations, des pens��es formul��es par les divers modes que les sons affectent, au moyen de leur succession qui produit la m��lodie, de leur groupement qui donne le rhythme, de leur simultan��it�� qui constitue l'harmonie, l'on a infiniment plus de peine �� s'accoutumer �� ses nouvelles formes qu'�� celles qui affectent le regard. L'oeil se fait bien plus rapidement �� des contours maigres ou exub��rants, �� des
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 96
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.