Saint-Joseph ou de Sainte-Croix; les capitaines de navires, les marins, calfats, voiliers, étaminiers, cordiers, la Confrérie du Sacre.
Nous avons sur ces fêtes que célébraient les confréries en l'honneur de leurs saints patrons les détails les plus circonstanciés. Pour prendre un exemple dans l'histoire d'une petite ville qui a gardé à travers les ages sa physionomie curieuse d'autrefois, nous voyons par le cartulaire communal de Joseph Daumesnil, ancien maire et prieur-consul, ce qui se passait à Morlaix lors des fêtes de corporations. Les tailleurs faisaient chanter une grand'messe à Notre-Dame-du-Mur. Au moment de l'offertoire, le père abbé de la confrérie présentait un mouton blanc qui était ensuite conduit à l'hospice par tous les membres de la confrérie et donné en présent aux malades. Les bouchers célébraient leur fête les premiers jours de l'Avent. Après la cérémonie religieuse, on promenait dans les principales rues un boeuf qu'escortaient tous les membres de la corporation, bras nus et la hache sur l'épaule. Le cortège s'arrêtait aux carrefours et sur les places pour y faire le simulacre d'abattre l'animal; pendant ce temps deux ou trois confrères faisaient la quête dont le produit était employé dans un festin.
à Limoges, à Dieppe, à Lannion et dans quelques autres villes de France, certaines de ces fêtes se sont perpétuées jusqu'à nos jours et les corps de métiers (bouchers, ivoiriers, tailleurs de pierres, etc.) continuent à ch?mer l'anniversaire de leurs saints patrons. Saint Luc est celui des ivoiriers dieppois. à l'occasion de sa fête, qui échet le 18 octobre, les ivoiriers entendent une messe en musique et promènent par les rues leur bannière corporative, un beau rectangle de velours grenat frappé d'ancres aux quatre coins, avec un blason symbolique au milieu: l'éléphant d'Afrique tout d'or sur champ d'azur. Et, dans le banquet qui cl?ture la fête, on chante la Marseillaise des ivoiriers, paroles et musique de M. Bray, ex-ivoirier à Dieppe, présentement organiste au Tréport:
Dans l'art de buriner l'ivoire, Dieppe a conquis le premier rang. Nous voulons conserver sa gloire à ce vieux rivage normand: Parfois bien faible est le salaire. Qu'importe au talent créateur? De Graillon[1] la vie exemplaire Guidera toujours le sculpteur.
[Note 1: Célèbre sculpteur ivoirier dieppois.]
Refrain:
Et vaillamment nous bravons la misère, Aussi fiers que des rois, En travaillant sous la noble bannière Des ivoiriers dieppois!
[Illustration: FêTE DE L'AGRICULTURE.]
Il ne faudrait pas remonter très loin pour trouver, à Paris même, des fêtes patronales et corporatives du plus aimable coloris. Telle la Saint-Crépin, décrite en 1851 dans La Liberté de Pensée par un rédacteur qui signait Pierre Vin?art, ouvrier.
Que de changements en un demi-siècle! Il appara?t bien, à lire Vin?art, que ces ouvriers de 1848 étaient des hommes d'un autre age dont se gaudiraient nos syndicalistes d'aujourd'hui. Leur socialisme avait je ne sais quoi de na?f et de cordial. Les ?compagnons? partaient des différents quartiers de Paris le matin du 25 octobre et se dirigeaient vers Montmartre. Quoique réuni à la capitale, Montmartre, au point de vue corporatif, formait encore un district autonome, avec sa cayenne (sorte de siège social), son père et sa mère des compagnons. La mère et le père de Paris prenaient la tête du défilé; derrière eux venait la musique, puis ?les autorités municipales?, enfin les compagnons eux-mêmes, des fleurs à la boutonnière et des flots de rubans à leurs cannes. Le cortège ainsi formé gagnait pedetentim l'église paroissiale de Montmartre et y pénétrait en grand arroi, après avoir exécuté devant le portail toutes les cérémonies du ?devoir? corporatif, telles qu'évolutions, hurlements, marches, etc., en un mot la guillebrette entière, qui était le nom générique donné aux cérémonies du compagnonnage.
?Dans l'église, dit Pierre Vin?art, le pain bénit est surmonté de l'effigie de saint Crépin; l'ancien évêque de Soissons est habillé en empereur du Bas-Empire et tient à la main une grande botte à revers. à la sortie de la messe, les compagnons réitèrent leurs cérémonies et, se remettant en ordre, ils vont à la barrière des Martyrs, chez le restaurateur ayant pour enseigne: Au rendez-vous des Princes. Ils y font un splendide repas. Deux femmes seulement sont admises à ce banquet: ce sont les mères de Paris et de Montmartre qui, pendant la durée de cette fête, se traitent mutuellement de soeurs. De nombreuses chansons, ayant le compagnonnage pour sujet, sont chantées à la fin du d?ner, où personne autre que des compagnons ne peut assister.?
L'auteur en vogue dans le peuple, et particulièrement chez les cordonniers, était alors Savinien Lapointe, lui-même cordonnier et que la muse visitait à ses heures. Rendons cette justice à Lapointe que, si ses vers sont pleins d'une ardente flamme démocratique, il n'y fait jamais appel qu'aux plus nobles sentiments. Le prolétariat répétait à l'envi ses fameuses strophes sur le Travail et c'était elles qu'on chantait de préférence au banquet de la Saint-Crépin.
L'indépendance, amis, du travail est la fille; Or,
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